Le musée d'art contemporain de Bordeaux est le premier musée à obtenir le label "Centre d'art contemporain d'intérêt national". Précisions sur ce label et ses implications au micro de Marie Sorbier avec Alain Quemin, professeur de sociologie spécialiste de l'art contemporain.
- Alain Quemin professeur de sociologie de l’art
Le CAPC - Musée d'art contemporain de Bordeaux a reçu le 19 janvier 2021 le label Centre d'art contemporain d'intérêt national. Si c'est le 31ème établissement français à recevoir le label, c'est néanmoins la première fois qu'un musée obtient cette distinction destinée habituellement à des lieux d'exposition d'art sans collection. Pour mieux comprendre les enjeux de cette distinction, le professeur de sociologie et spécialiste de l'art contemporain Alain Quemin est au micro de Marie Sorbier.
Le label Centre contemporain d'intérêt national s'accompagne d'un soutien financier de la part de l'Etat, à hauteur de 60000€. Les structures visées par le label sont essentiellement des associations (loi de 1901) financées par les collectivités territoriales en contrepartie d'un soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels contemporains. D'autres contreparties engagent une mise à l'honneur de la diversité aussi bien par le biais des oeuvres présentées que par celui des artistes exposés, en respectant également les principes de parité et d'équité territoriale.
L'image que renvoie l'art contemporain est celle d'une très grande ouverture quant au public et aux artistes. Mais la donne est en effet beaucoup moins égalitaire : la France est en retard par rapport aux Etats-Unis et à la Grande Bretagne quant aux inégalités d'origine ethnique et à la représentation des artistes femmes.
Alain Quemin
Outre les artistes exposés, on observe également un manque de parité et de diversité dans les directions des institutions culturelles. Souvent, si des femmes sont candidates, le choix véritable finit par se porter sur un homme, observe Alain Quemin. Juin 2021 verra un renouvellement du président et du directeur du Centre Pompidou à Paris : une opportunité d'aller vers plus de parité pour cette institution qui depuis sa création en 1977 n'a confié son administration et les responsabilités de curation qu'à des hommes.
Dans ce contexte, désigner un centre d'art contemporain comme étant d'intérêt national est une mesure significative pour l'intégration des artistes issus des diversités à la scène artistique ainsi qu'au marché de l'art. En plus de l'acquisition de leur travail par les Fonds régionaux d'art contemporain (Frac), les artistes peuvent espérer comme consécration une exposition rétrospective dédiée à leur oeuvre au sein des institutions d'envergure comme le Palais de Tokyo, le Centre Pompidou ou le Musée d'art moderne à Paris.
A nouveau, on observe très peu de rétrospectives d'artistes femmes en comparaison avec le monde anglo-saxon. Pour Alain Quemin, difficile de s'expliquer comment des artistes aussi renommées qu'Orlan n'ont encore jamais fait le lieu d'une exposition rétrospective.
Orlan est une artiste très connue et populaire, présente dans tous les grands manuels d'histoire de l'art. Une de ses oeuvres est en ce moment reproduite sur la palissade qui entoure les travaux du Musée national d'art moderne, ce qui montre bien que le musée sait qu'il s'agit d'une artiste importante. Pourtant, Orlan n'a toujours pas eu de grande rétrospective. C'est un exemple emblématique du problème d'intégration des femmes.
Alain Quemin
Si le label Centre d'art contemporain d'intérêt national constitue une étape encore modeste par rapport à la situation actuelle, c'est au moins un pas dans la bonne direction pour favoriser la reconnaissance des femmes artistes.
Quant à son fonctionnement, ce label propose à l'institution visée de tendre vers la parité, sans pour autant imposer des quotas stricts. Il fait plutôt office de rappel régulier aux dirigeants des institutions quant à la nécessité d'intégrer les femmes et les artistes qui ne sont pas d'origine européenne.
La société française est pluriethnique. En rester à l'exposition d'hommes blancs de plus de 60 ans est un vrai problème, d'autant plus que ce mouvement s'accélère bien plus fortement aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Ce mouvement, les galeries d'art contemporain en France le suivent plus vite que les grandes institutions publiques. Il y a encore du chemin à faire.
Alain Quemin
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