

Suite aux annonces du gouvernement reportant la décision d'ouvrir les salles de spectacle, Romaric Daurier, directeur du Phénix, scène nationale de Valenciennes, témoigne de cette situation d'incertitude prolongée pour les professionnels de la culture.
- Romaric Daurier Directeur du Phénix, scène nationale de Valenciennes
Suite aux annonces du premier ministre Jean Castex concernant le report de la décision d'ouvrir les lieux culturels accueillant du public, Romaric Daurier, directeur du Phénix, scène nationale de Valenciennes, témoigne de cette situation d'incertitude qui affecte tous les professionnels de la culture, et notamment les métiers du spectacle vivant.
Une décision incohérente
"Je ressens une profonde incompréhension face à ces annonces. Maintenir ouverts les commerces et les lieux de culte, mais ne pas ouvrir les lieux de culture, c'est une double erreur par rapport à l'histoire de l'exception culturelle française. Réduire l'accès la spiritualité au seul biais de la religion, c'est faire de la culture un simple divertissement. La plus value spirituelle et sensible que représente la culture en France est complètement ignorée.
Romaric DaurierPublicité
L'Etat semble pallier à ces annonces en annonçant des rallonges budgétaires, mais cette réponse est-elle suffisante ? Selon Romaric Daurier, l'aspect économique est loin d'être un traitement suffisant de la situation, et réduire le secteur culturel à cet aspect constitue une erreur quant à l'histoire de la politique culturelle française. L'incompréhension qui règne est aussi celle du gouvernement par rapport à l'essence et à la fonction des métiers et activités culturelles.
Face à l'urgence des annonces et l'incompréhension qu'elles entrainent, la culture permettrait en principe de sortir de ce présentisme, puisqu'elle a toujours contribué au lien entre le passé et l'avenir. Ramener une solution uniquement du côté des chiffres, c'est pénible à entendre pour les hommes et les femmes qui font vivre la culture.
Romaric Daurier
Reprenant les propos du philosophe Mathieu Potte-Bonneville, Romaric Daurier constate que cette décision ressemble plus à un acte symbolique qu'à un protocole sanitaire justifié.
On a fermé les lieux culturels un peu comme on a éteint la Tour Eiffel : pour le symbole. Alors qu'il n'y a aucune raison sanitaire qui nous semble aujourd'hui scientifiquement solide pour fermer nos lieux. L'argument pourrait être celui d'éviter le brassage, les flux de personnes, mais quand on voit comment cela se déroule dans les commerces ou les transports, on peut en douter.
Romaric Daurier
- Réécoutez ci-dessous l'entretien du philosophe Mathieu Potte-Bonneville avec Marie Sorbier dans Affaire en cours :
Comment prévoir ?
Permettre aux artistes de continuer à répéter, créer et s'exercer sur les plateaux, être globalement près d'eux à travers cette épreuve, c'est aux yeux de Romaric Daurier une des priorités suite à ces annonces, notamment de la part d'un ministère de la Culture fortement axé sur la création artistique.
Outre les répétitions, ce qu'on demande, c'est de la concertation. De pouvoir travailler ensemble sur des horizons et des dates. C'est ce qu'on a fait dans les Hauts-de-France au moyen d'un collectif régional Arts et culture, où l'on dialogue avec la région et on met en place des fonds d'urgence.
Romaric Daurier
S'il faut maintenir l'activité des artistes et professionnels du spectacle vivant, comment maintenir en parallèle le lien avec le public ?
On sent le public à nos côtés. On a notamment 13 000 jeunes et scolaires qui viennent chaque année découvrir nos propositions en arts vivants. On sent une très forte envie, notamment chez les étudiants, chez la jeunesse, à qui on a décidé de donner des accès gratuits pour découvrir les œuvres. L'appétence du public est forte, mais le problème est que les familles vont passer leur après-midi au supermarché, avec un brassage énorme, mais n'auront pas accès aux lieux culturels. C'est une vraie incohérence. Romaric Daurier
Le directeur du Phénix, scène nationale de Valenciennes, décrie la tendance à renvoyer la culture à une part économique et le fait qu'elle semble aujourd'hui passer derrière la nécessité commerciale. Il rappelle à ce titre l'inscription de la culture dans le droit français : dans le chapitre 13 dans la Constitution de 1954, il est dit que "la nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle, et à la culture".
L'Etat doit garantir cette mission de service public. Il y a une profonde incompréhension. On a l'impression que l'économie a dominé le débat.
Romaric Daurier
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