

Nos sociétés sont envahies par ce que les chercheurs appellent le "Boom Mémoriel". Sarah Gensburger sociologue, directrice de recherche au CNRS nous en dit plus sur le sens de nos commémorations.
- Sarah Gensburger sociologue et historienne (CNRS / Institut de Sciences sociales du Politique)
Sommes-nous envahis par nos devoirs de mémoire ? L'espace public est plein de témoignages du passé, plaques commémoratives ou statues qui, quand elles ne sont pas contestées, sont souvent ignorées par les passants. Pourtant, la mémoire étend son emprise sur le présent et le "boom mémoriel" que nous vivons impose une réflexion sur les mémoires à privilégier. Nous sommes allés retrouver Sarah Gensburger pour qu'elle nous raconte notre rapport aux monuments de mémoire.
Le choix du passé
Un monument commémoratif n’est pas seulement le témoignage d’un élément du passé, il est aussi, d’emblée et dans le même temps, un témoignage de notre rapport à la mémoire et au passé. En effet, son installation dans l’espace public procède toujours d’une décision prise dans le but est de trouver un discours consensuel et une forme esthétique qui puisse convenir à l’histoire que l’on veut raconter.
Ces choix méritent donc d’être analysés tels qu’ils sont - c'est-à-dire des discours sur notre rapport au passé et à la mémoire. Dès lors, le déboulonnage d’une statue appartient au même processus que l’installation d’une plaque commémorative, chacun de ces gestes disant quelque chose de la manière dont le présent cherche à se penser à travers les images de son passé.
“ A chaque fois que l’on veut se souvenir de quelque chose on décrète aussi l’oublie d’autre chose” Sarah Gensburger
Le passé au présent
La mémoire collective dépasse donc largement la frontière de l’histoire en tant que discipline. De ce constat est né, en France mais particulièrement à l’international, le champ de recherches des “memories studies” dont le but est de donner sens à la multiplication des discours de mémoire dans l’espace public.
“Ce sont les enjeux de la société présente, les mots de la société présente (comme “devoir de mémoire” “mémoire collective” ou “déboulonnage”) qui construisent ce discours contemporain sur le passé.” Sarah Gensburger
L’un des phénomènes les plus importants de ces dernières décennies, et qui selon Sarah Gensburger constitue l’une des caractéristiques de la période contemporaine, est la “commémoration immédiate”. En effet Nombre d’événements récents se sont vus d’emblée qualifiés “d’historique”, et ont donc été vécus, considérés et archivés comme tels.
“ On construit le présent pour le futur : on doit tirer des leçons du passé mais on vit le présent comme un présent historique.” Sarah Gensburger
L’événement est construit d’emblée comme mémoriel, archivable, et est regardé comme passé depuis un futur projeté. Cette manie de l’archivage immédiat s’appuie selon la sociologue d’une conception politique et morale selon laquelle le présent est un apprentissage pour le futur, quelque chose dont on pourrait tirer une leçon.
L'actualité
La mémoire collective en question(s), ouvrage co-dirigé par Sarah Gensburger et Sandrine Lefranc, vient de paraître aux éditions PUF.
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Lise RipocheStagiaire