Comment la création artistique peut-elle épauler les scientifiques ? Jozée Sarrazin, chercheuse en écologie benthique à l'Ifremer, nous raconte comment l'art permet de vulgariser la recherche et sensibilise tous les publics à la richesse de la vie sous-marine.
- Jozée Sarrazin
Un dramaturge, David Wahl, embarque pour plusieurs semaines à bord du Pourquoi pas et partage avec des scientifiques spécialistes des abîmes océaniques, une immersion dans ce qui reste encore à ce jour une « terra incognita ». Jozée Sarrazin, chercheuse en écologie benthique au laboratoire environnement profond de l'Ifremer, travaille dans et avec une matière générant beaucoup d'images, de fantasmes et de poésie.
Recherche scientifique et création artistique
« C’est un projet de longue date que j’ai eu avec un collègue, Pierre-Marie Sarradin*, dont l’objectif était de partager l'objet de nos recherches sur les environnements marins profonds, qui sont des environnements magiques. On a eu la chance de pouvoir travailler sur les sources thermales, qui sont des écosystèmes fascinants. L’idée était aussi de développer un projet touchant un public qui n'est pas nécessairement féru de sciences. Ainsi* le théâtre nous est apparu comme étant un moyen intéressant pour toucher un autre public et entrer dans notre univers par l'émotion et l’écriture. »
La pièce de théâtre DONVOR est portée par le texte de David Wahl, considéré d’après Jozée Sarrazin comme du « Jules Verne moderne » car David Wahl transmet l’émerveillement à travers son écriture dramaturgique. Cette création théâtrale a vu le jour grâce à la troupe de théâtre brestoise, le Teatr Piba.
La pièce de théâtre DONVOR est portée par le texte de David Wahl, considéré d’après Jozée Sarrazin comme du « Jules Verne moderne » car l’auteur transmet l’émerveillement à travers son écriture dramaturgique. Cette création théâtrale a vu le jour grâce à la troupe de théâtre brestoise, le Theatr Piba.
Embarquer à bord d’un navire océanographique
« Nous n’avons pas voulu faire seulement une transmission scientifique, nous avons tenu à embarquer l'ensemble de l'équipe artistique sur un de nos navires océanographiques pour qu'ils vivent ce que l’on vit dans nos grandes expéditions océanographiques. »
D’après Jozée Sarrazin, à bord de ce bateau, la communication s'est faite sur une relation établie au cours du temps. Le premier embarquement a duré sept jours en présence de l'ensemble de la troupe de théâtre avec la comédienne, la scénographe, l'ingénieur du son, le metteur en scène ainsi que l’auteur, David Wahl. Cette première immersion, constate Jozée Sarrazin, a permis l'échange, le partage de textes et de leurs sensibilités.
« On a appris à se connaître et je pense que c'est la force de cette pièce, c'est une co-création. Le Teatr Piba ne s’est pas emparé de notre sujet, on a évolué ensemble. »
L’auteur David Wahl a embarqué pendant trois semaines sur une mission océanographique et a plongé avec le submersible. En effet, il s’est entièrement immergé avec les spécialistes en participant aux plongées, en étant présent dans les laboratoires ou encore en découvrant les bacs de tri de la faune.
« Son regard émerveillé a été important car en tant que scientifiques nous sommes peut-être plus familiarisés avec ces missions océanographiques. Il y a des choses qu’il nous a fait redécouvrir comme des sensations, des images ou des êtres vivants du quotidien auxquels on s’était habitués. Son enthousiasme et son émerveillement nous a fait redécouvrir notre métier et notre amour pour celui-ci. »
Sensibiliser le public aux océans
Le lien avec les artistes permet de vulgariser autrement des domaines scientifiques complexes pour le grand public et ainsi le sensibiliser avec les océans. Selon Jozée Sarrazin le théâtre est une force pour faire de la médiation scientifique car cela sensibilise le public grâce à l’émotion et aux sensations. La pièce de théâtre DONVOR est une pièce immersive dans laquelle le public est plongée dans le noir complet pour la première partie du spectacle.
« C’est faire appel à tous nos sens, autre que celui de la vision et c'est cela qui nous embarque progressivement dans l'histoire. »
Jozée Sarrazin s’intéresse à la faune autour des sources hydrothermales et cherche à savoir, en collaboration avec des chimistes et physiciens, quelles sont ces espèces et dans quel type d’habitat elles vivent. Comment ces écosystèmes vont-ils évoluer au cours du temps et quelles sont leurs dynamiques naturelles ?
« Ce sont des connaissances fondamentales et notre travail est de plus en plus orienté vers la protection de ces écosystèmes car il y a beaucoup de velléités d'exploitation des ressources minérales des grands fonds marins et les sources hydrothermales se situent en première ligne. »
Par l'acquisition de cette connaissance mais aussi par la sensibilisation, les écosystèmes peuvent être ainsi protégés.
« Il y a une faune méconnue qui gagne à être connue. Les grands fonds marins ne sont pas désert, il y a plusieurs types d'écosystèmes avec chacun des fonctionnements différents, mais on a encore beaucoup à apprendre. Ainsi on souhaite que ces connaissances soient acquises avant qu'il y ait de l'exploitation. »
Actualité : Le spectacle créé et tiré de cette immersion DONVOR est à découvrir du 1er au 13 février à la Reine Blanche à Paris, puis en tournée en France.
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