Qu'est-ce qu'une capitale française de la culture ? Alors que Villeurbanne est la première ville à recevoir ce nouveau label, l'économiste de la culture Françoise Benhamou en détaille les principaux enjeux et objectifs au micro de Marie Sorbier.
- Françoise Benhamou économiste de la culture, professeure à Sorbonne Paris Nord, co-présidente du Cercle des Economistes.
Villeurbanne a été désignée mardi 30 mars première capitale française de la culture. Si nous connaissions jusqu'alors les capitales européennes de la culture, il s'agit là d'un tout nouveau label. La professeure d'économie Françoise Benhamou, spécialiste de la culture et membre du jury qui devait désigner la ville élue, revient au micro de Marie Sorbier sur les enjeux et objectifs de ce nouveau label.
Créé sur une proposition de Bernard Faivre d'Arcier, administrateur civil et président du jury de la capitale française de la culture, ce label avait déjà été expérimenté en Italie. Alors que les capitales européennes de la culture correspondent à des grandes villes où se déploient des projets de grande magnitude, le label de capitale française de la culture vise à affecter des projets à échelle de villes moyennes, et sera décerné tous les deux ans.
Ce qui m'a frappée, c'est le nombre de villes qui ont candidaté. C'est assez impressionnant : nous avons lancé le concours, et 29 villes s'y sont intéressées. Nous avons sélectionné les 9 dossiers les plus riches, mais ça n'a pas été facile de choisir.
Françoise Benhamou
La ville de Villeurbanne a su séduire le jury avec un dossier singulier qui, au lieu de présenter une panoplie de politiques culturelles, se concentre sur un choix fort et engageant : s'adresser en priorité à la jeunesse, dans une ville dont 50% de la population a moins de 30 ans. Le projet culturel de Villeurbanne vise à apporter à cette population jeune une offre qui réponde autant à ses attentes qu'à des manières de l'attirer vers la culture. En dépit de sa proximité avec Lyon, Villeurbanne est une ville avec des problématiques très différentes, notamment sur le plan économique. C'est aussi une ville dotée d'une importante histoire culturelle, où se trouve le Théâtre National Populaire.
Le budget octroyé à la capitale française, dont le montant s'élève à un million d'euros, s'ajoute à celui de la politique culturelle que mène par la ville désignée par le jury. Au-delà de ce financement, l'objectif du label est d'engager la coopération de partenaires publics et privés.
Le label a un effet de levier en ce qu'il amène d'autres partenaires, notamment des partenaires privés et des acteurs de la région, à contribuer à l'effort réalisé par la ville. Il y a un engagement de tous, parce que le label frappe les esprits.
Françoise Benhamou
Pour la désignation des capitales européennes de la culture, la question de la participation des habitants et de l'implication du territoire dans l'événement culturel était particulièrement sensible. Ce critère s'applique-t-il également aux capitales françaises de la culture ? La majorité des villes candidates à ce label ont pris en compte ce critère, explique Françoise Benhamou, en pensant une politique culturelle dont la programmation s'adressent aux habitants du territoire tout en favorisant leur participation à l'élaboration des différents événements prévus sur une année.
Imaginer un grand événement culturel à Villeurbanne en 2022 semble audacieux, non seulement en raison du contexte sanitaire, mais aussi car le temps de préparation entre la désignation de la capitale française de la culture et le début de l'événement, dès le commencement de 2022, est court. Une volonté gouvernementale d'envoyer un signal d'espoir tout en allant vite ?
L'idée des capitales françaises de la culture a précédé la pandémie. Le contexte sanitaire oblige à repenser beaucoup de choses. Villeurbanne a voulu mettre l'accent sur les jeunes, notamment car ils souffrent beaucoup de la situation actuelle, étant empêchés de vivre la fête, les sorties, les rencontres. Le programme de Villeurbanne met l'accent sur les jeunes avec une série d'événements qui s'adressent à eux tout en faisant le lien entre les jeunes des quartiers et les jeunes des universités.
Françoise Benhamou
Le label de capitale de la culture établit également un lien important entre le tourisme et la culture. Pour Françoise Benhamou, il est important de rappeler que ce lien est particulièrement fort en France, qui est d'ordinaire la première destination internationale du tourisme, un statut que l'économiste de la culture attribue à la richesse du paysage culturel français.
Le tourisme bénéficie de la culture tout en apportant des ressources et des revenus au monde culturel. C'est un lien positif et vertueux. Dans le cas de Villeurbanne, il ne s'agit pas d'en faire une capitale française du tourisme, mais de s'adresser à une population à la fois locale et plus large. Il s'agit de faire connaître Villeurbanne aux Français, de les inciter à y faire un saut s'ils passent dans la région, en mettant en lumière les festivals et lieux culturels qui s'y trouvent. Il ne faut pas craindre les liens entre la culture et le tourisme, sauf dans des cas particuliers où ce dernier viendrait cannibaliser l'excellence culturelle, mais nous n'en sommes pas là.
Françoise Benhamou
Le projet de Villeurbanne, où se trouve l'Ecole Nationale des Sciences de l'Information et des Bibliothèques, comprend notamment des temps forts autour de la lecture au long de l'année 2022. La ville présente également un intérêt architectural pour les éventuels visiteurs, précise Françoise Benhamou.
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