

Chorégraphe du contraste et de la multitude, c'est un solo sifflé, "Somnole" que signe Boris Charmatz pour sa nouvelle création. Le temps d'un entretien au long cours, il revient sur son parcours, sa pensée du geste et ses influences chorégraphiques.
- Boris Charmatz Danseur, chorégraphe et directeur du Musée de la danse à Rennes.
Une enfance dansée
Boris Charmatz passe son enfance à Chambéry-Le-Haut, aux côtés de parents « communistes et militants culturels » qui le conduisent, dès ses 7 ans, à des spectacles de danse. Tous les étés, il ne part pas en vacances, mais va au Festival d’Avignon avec sa grand-mère qui avait un petit appartement juste derrière la gare. Il commence à danser à l’âge de 7 ans, grâce à sa rencontre avec Jean-Luc Chirpaz, ancien directeur de l’Opéra de Paris. Vers 10 ans, il entre par ailleurs dans le monde de l’art conceptuel avec la découverte des films de Tarkovski, Pasolini et Kantor. Alors qu’il partage son temps entre le ping-pong, le violon et la danse, c’est vers cette dernière qu’il décide de se consacrer à l’âge de 12 ans. À 12 ans, il intègre le conservatoire de Grenoble avant de faire l’école de l’opéra de Paris, puis le conservatoire supérieur de Lyon.
" J'ai beaucoup travaillé avec des femmes, sous leur direction, et j'ai appris énormément comme ça"
Le geste et la pensée
Dans les années 90, il porte une critique du spectacle vivant et lance une nouvelle génération de danseurs qui s'attaquent aux fantasmes régissant le monde de la danse. Boris Charmatz aime expérimenter le risque, comme dans les pièces Court programme avec essorage ou La danseuse malade dans laquelle il est lancé dans une voiture propulsée à toute vitesse par l'actrice Jeanne Balibar.
" J'ai l'impression qu'il y a des auteurs et autrices, des penseurs et penseuses qui nous déplacent et qui font aussi que la danse, tout d'un coup, peut se transformer "
Dans À bras le corps, héâtre-élévision ou bien dans 10 000 gestes, la subtilité de la réflexion cohabite avec la puissance du geste. Ses pièces mêlent autant le matériel que l’immatériel : s’il aime à entretenir un fort investissement physique dans ses pièces, il n’en fait pas moins appel à l’intellect. Les chorégraphies qu’il compose cherchent à mettre autant les corps que les esprits en ébullition, s’attachant à interroger plus qu’à répondre.
En 2009 il crée le musée de la danse, au CNC de Rennes, qui est en lui-même un paradoxe : comment muséifier la danse, le geste et le mouvement ? Comment historiciser la chorégraphie ?

De création en création, investir le contraste
Boris Charmatz a choisi la danse pour la sa fragilité, son aspect limite. Pour autant, c’est avec beaucoup d’énergie, de puissance et de risque qu’il aborde la chorégraphie.
Par ailleurs, l’ensemble de ses pièces explorent autant la solitude que la multitude. Nombre d’entre elles se dessinent au travers d’une assemblée chorégraphique : La ronde, Infini, ou l’ouverture de la danse aux non-danseurs avec Fous de danse… Boris Charmatz s’attache à rassemblée, à créer une nouvelle citoyenneté par la danse, à rendre hommage aux liens du vivant. Au cours de l'entretien, il raconte comment cette envie est née chez lui :
" Travailler dans l'espace public avec les passants et aussi avec des grands professionnels, avec tout le monde et chacun à sa manière en essayant d'inventer des formes collectives, ça m'a donné envie de travailler sur des assemblées chorégraphiques "
Ces ambitions contrastent avec sa dernière pièce, Somnole, construite pour un solo :
"Entre l'écriture de "10 000 gestes" par exemple, et l'écriture de "SOMNOLE", il y a un grand écart. Mais c'est aussi dans ce grand écart que j'ai l'impression d'avoir trouvé ma voix, une manière d'expérimenter"
Toujours à propos de "SOMNOLE", sa nouvelle création, il raconte :
"Il y a une forme de virtuosité à maintenir le spectacle sur les lèvres, et en même temps, ça ne tient que parce que c'est une rêverie. La technicité n'a aucune importance. On est en train de se balader dans des paysages mentaux, de musique, de danse, de nature, d'oiseaux … Dans ce paysage mental, la virtuosité est balayée"
" Le spectacle est très écrit pour passer d'un endroit à l'autre, passer des sifflements de rue, des sifflements violents de police ou de manifestation, de harcèlement aussi, à d'autres types de sifflements, des sifflements de chouette, des sifflements d'oiseaux"
Actualités
- Pièce : SOMNOLE, nouvelle création - solo de Boris Charmatz du 19 au 23 janvier à la MC93 Bobigny, le 26 janvier sur la scène nationale d'Orléans puis jusqu’en juin 2022 au Festival Uzès Danse.
- Boris CHARMATZ prendra la direction du Tanztheater Wuppertal en 2022
- Site de l'artiste avec toutes ses dates : cliquez ici
Sons diffusés pendant l'émission :
- Phia Ménard dans "Affaires Culturelles" le 27 décembre 2021.
- Extrait du cours inaugural au Collège de France de Roland Barthes pour la chaire de sémiologie littéraire, archive du 7 janvier 1977.
- Anne Teresa de Keersmaeker au micro de Marie Richeux dans "Par les temps qui courent" sur France Culture, le 8 décembre 2021.
- Concerto n°2 de Vivaldi pour deux violons et violoncelle en sol mineur, opus 3 numéro 2, premier mouvement : "adagio e spiccato".
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