Troisième temps de notre semaine sur la croisette. Au programme : de la compétition officielle, avec Nanni Moretti pour son film "Vers un avenir radieux", Sandra Hüller à l'affiche de deux films à Cannes et Fanny Molins pour son documentaire sur un bar arlésien.
- Fanny Molins photographe et réalisatrice
- Nanni Moretti Réalisateur, scénariste, acteur
- Sandra Hüller comédienne
Toute cette semaine, Affaires Culturelles vous donne rendez-vous à 19h depuis la Croisette, avec chaque jour des entretiens avec des artistes suivis d’une table ronde critique, pour vous faire vivre au plus près les sensations et les surprises du Festival de Cannes.
Ce soir, nous recevons la comédienne Sandra Hüller, à l'affiche de deux films en compétition : The Zone of Interest de Jonathan Glazer et Anatomie d'une Chute de Justine Triet (en salles le 23 août). Puis, Lucile Commeaux s'entretient avec le cinéaste Nanni Moretti dont le film Vers un avenir radieux est présenté en compétition, avant d'arriver en salles le 28 juin. Enfin, cap sur le documentaire avec Fanny Molins, lauréate du Coup de cœur des jeunes ACID – France Culture dans le cadre du Prix Cinéma France Culture 2023 pour son film documentaire Atlantic Bar sorti en mars dernier et bientôt disponible en DVD.
Sandra Hüller, l'humanité en question
Doublement à l’affiche de ce Festival de Cannes, avec deux films en compétition : Anatomie d’une chute de Justine Triet, et The Zone of Interest de Jonathan Glazer, Sandra Hüller est à l’honneur de cette 76ème édition. Enfant de la RDA, elle a suivi des cours d'art dramatique à l’École supérieure d’art dramatique Ernst Busch, avant de s’épanouir dans le jeu auprès du metteur en scène Johan Simons. Mais c’est en interprétant le rôle de Michaëla, une jeune fille de vingt-et-un ans sujette à des crises d'épilepsie, qu’elle fait ses grands débuts dans Requiem de Hans-Christian Schmid en 2006, pour lequel elle remporte l'Ours d'argent de la meilleure actrice au Festival de Berlin. Depuis, elle s’est tracé un sillon des plus exigeants dans le septième art, qui l’a souvent amené à Cannes. Elle a notamment pu fouler le tapis rouge pour Amour fou (Un Certain regard, Festival de Cannes) de l'Autrichienne Jessica Hausner, sur le suicide du poète Kleist ; ou encore Toni Erdman de Maren Ave, qui fut ovationné en 2016 (prix de la critique internationale).
Pour Anatomie d’une chute, Sandra Hüller retrouve la réalisatrice Justine Triet qui l’avait dirigé dans Sibyl, et lui offre cette fois le rôle de Sandra, une femme accusée d’avoir tué son mari, voyant son couple disséqué lors de son procès. Dans The Zone of Interest, elle est également une mère de famille et une femme aux prises avec la culpabilité, mais dans un tout autre contexte : celui de la Seconde Guerre Mondiale, où elle incarne Hewig Hoss, la femme du commandant du camp d’Auschwitz, dont la famille bourgeoise vit paisiblement de l’autre côté du mur d’enceinte du camp. Deux partitions troubles en somme, voire glaçantes, qui mettent en lumière la grande palette d’une actrice qu’aucun rôle ne semble effrayer.
Extraits de l'entretien :
"C'était un moment très particulier quand j'ai découvert le film de Jonathan Glazer. Christian Friedel, mon chien, qui est aussi mon chien dans le film, et moi, on a pu être seuls dans une salle à Leipzig pour découvrir le film. Heureusement que ça s'est fait dans cette configuration-là, parce que si j'avais découvert le film à Cannes, ç'aurait été vraiment extrêmement intense. Bien sûr, je peux contrôler mes émotions, mais c'est vrai que dans la salle, tout le monde retenait son souffle. Le film ne permet pas de détourner le regard. Il ne donne pas de conclusion ou de solution, ni de certitude. Donc c'est effectivement une expérience éprouvante. Les gens étaient raides dans leur siège, alors qu'à l'inverse, pendant le film de Justine Triet, les gens bougeaient et riaient dans la salle."
"Quand on s'imprègne d'un personnage pendant un certain temps, ça devient quelque chose qui rentre dans le corps et même dans l'inconscient. Alors, on se met à le jouer de façon assez instinctive. Quand on bute sur quelque chose au tournage, on se met plus à intellectualiser pour résoudre le problème. Je me souviens que Justine Triet, un peu comme Jonathan Glazer, parlait souvent de revenir à la première prise. Parce qu'ensuite, quand on essaye de refaire, ça n'est plus jamais la même chose."
- Plus d'informations sur The Zone of Interest : adaptation du roman du même titre de Martin Amis, scénario et réalisation de Jonathan Glazer, avec Sandra Hüller, Christian Friedel, Ralph Herforth. Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2023.
- Synopsis de The Zone of Interest : "Le commandant d’Auschwitz, Rudolf Höss, et sa femme Hedwig s’efforcent de construire une vie de rêve pour leur famille dans une maison avec jardin à côté du camp."
- Plus d'informations sur Anatomie d'une chute : film écrit et réalisé par Justine Triet, avec Samuel Theis (Samuel), Jehnny Beth (Marge), Sandra Hüller (Sandra), Swann Arlaud (Vincent), Milo Machado Graner (Daniel) et Antoine Reinartz (l'Avocat général). En compétition officielle du Festival de Cannes 2023, 76ᵉ édition. En salles le 23 août 2023.
- Synopsis d'Anatomie d'une chute : "Sandra, Samuel et leur fils malvoyant de onze ans, Daniel, vivent depuis un an loin de tout, à la montagne. Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur maison. Une enquête pour mort suspecte est ouverte. Sandra est bientôt inculpée malgré le doute : suicide ou homicide ? Un an plus tard, Daniel assiste au procès de sa mère, véritable dissection du couple.
Nanni Moretti, la satire du présent et l'espoir en l'avenir
Si on le présente volontiers comme le chroniqueur de l’Italie de ces quarante dernières années, son œuvre racontant les espoirs et les déboires d’une génération, Nanni Moretti s’est surtout amusé, en bon satiriste, des mœurs de ses contemporains ; de la raideur idéologique des militants de gauche, des tourments des révolutionnaires déçus, de la débâcle de la gauche et des dérives du pouvoir sous l’autorité de Berlusconi. L’autre particularité de Nanni Moretti au cinéma est son goût pour la mise en scène de soi. De Je suis un autarcique à La Cosa, Nanni Moretti avance d’abord caché derrière le masque de son double Michele Apicella, moraliste contemporain souffrant d’un sentiment constant d’inadéquation. Avec Journal Intime ou Aprile, il s’en dépare pour explorer des formes plus évidemment autobiographiques, puis change de corps, porte l’histoire d’autres (Habemus Papam, Le Caïman) et fait porter son histoire à d’autres (Mia Madre), jusqu’à constituer une filmographie comme un miroir aux alouettes, piège tendu à ceux qui voudraient trop l’y chercher.
Ayant déjà reçu à Cannes le Prix de la mise en scène pour Journal intime, la Palme d’Or pour La chambre du fils et été décoré du titre de Commandeur des Arts et des lettres lors de la cérémonie du 65e festival, le cinéaste italien présente cette année son seizième long-métrage, Vers un soleil radieux qui signe son retour à la comédie, à la satire et à la critique de la société italienne.
Extraits de l'entretien :
« Le fil rouge, c'est le fait de ne pas pleurer sur soi-même, aborder la gêne de vivre qui existe avec énergie. Surtout, le fil conducteur c'est la grande confiance que j'ai vis-à-vis des possibilités du cinéma » Nanni Moretti
« Fanny Ardant dans "La Femme d'à côté" de François Truffaut disait que les chansons disent toujours la vérité. Depuis toujours, les chansons ont une importance dans mes films. Parfois pour faire décoller une scène, ou parfois pour aller contre une scène. » Nanni Moretti
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Synopsis : "Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux."
- Plus d'informations : Vers un avenir radieux (Il sol dell’avvenire) est un film coécrit par Francesca Maciano et Nanni Moretti et réalisé par Nanni Moretti, avec Nanni Moretti, Margherita Buy, Silvio Orlando, Barbora Bobulova et Matthieu. Présenté en compétition à Cannes lors de cette 76e édition, il sortira en salles le 28 juin 2023.
Fanny Molins, portraitiste éclairée
Atlantic Bar, le premier film de Fanny Molins, est un documentaire dont l’action se déroule presque exclusivement dans un café à Arles, un de ces bars de quartier comme il en existe partout en France, avec ses habitués, ses piliers de comptoirs, ses discussions, ses embrouilles, mais aussi ses poètes. Frappée par la lumière qui baignait le bar la première fois qu’elle y a pénétré, la réalisatrice a d’abord appréhendé le lieu en photographe, sa pratique principale jusqu’alors, avant de finalement suivre les habitués du bar l'Atlantic pendant quatre ans pour mettre en mouvement ses images. Le film nous fait entrer dans une famille, au sens propre et au sens figuré, avec en son centre Nathalie, la patronne, presque l’unique femme dans ce monde d’hommes. C’est elle qui, avec l’aide de son mari, multiplie les recours face à la menace qui plane sur le bar, que le propriétaire voudrait vendre.
Avec un savant mélange d’empathie pour les personne qu’elle filme, et l’honnêteté de montrer des moments qui ne sont pas tous à leur avantage, Fanny Molins nous ouvre une fenêtre rare sur ce milieu populaire et précaire, souvent malmené par la fiction. De quoi remporter le coup de cœur des Jeunes ACID-France Culture, prix qui lui a été remis lors de ce Festival 2023, après avoir été présenté l’année dernière à Cannes, dans la sélection de l’ACID.
Extraits de l'entretien :
"Comme beaucoup de bars de quartier, on ne fait pas face à la mer ni face aux arènes, mais face à un mur. Donc il y a une lumière très rasante, mais qui est un petit peu obstruée par ce mur, ce qui l'adoucie beaucoup et crée beaucoup de textures, de clairs obscurs très intéressants sur les pauses. Ça m'a amené à me poser des questions sur les corps que je photographiais, parce que cette lumière faisait ressortir de choses assez intéressantes, comme les cicatrices, les rides, mais aussi les preuves d'une classe sociale, avec des corps qui ont probablement travaillé dans des métiers physiques. Cette lumière a révélé ça."
"On ne rentre pas beaucoup dans des bars, on n'y reste pas beaucoup, on n'écoute pas beaucoup les gens qui y sont et on ne les regarde pas. Donc il y avait un truc assez intéressant dans le fait de ne pas laisser le choix aux spectateurs que de regarder ces corps-là, ces corps à qui on demandait aussi de disparaître, ce qui est l'un des sujets du film. Comme une évidence, il fallait qu'on les réinscrive dans le territoire duquel ils sont disqualifiés."
"La figure de la patronne de bar m'intéressait beaucoup, j'ai absolument voulu la montrer et la raconter. C'est une madone, quelqu'un sur laquelle on projette la maman et la putain, la femme. C'est vraiment une figure allégorique. Nathalie ne fait pas exception et les autres protagonistes se racontent clairement autour d’elle dans le bar."
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- Plus d'informations : Atlantic Bar, un documentaire écrit et réalisé par Fanny Molins, en salles en mars 2023. Le film a reçu le Coup de cœur des jeunes ACID – France Culture dans le cadre du Prix Cinéma France Culture 2023. Bientôt disponible en DVD.
Merci à Anaïs Duchet pour avoir assuré la traduction de l’entretien avec Sandra Hüller, et Monica Belmondo pour avoir assuré la traduction de l’entretien avec Nanni Moretti.
🎧 Pour écouter la deuxième partie d'Affaires Culturelles, c'est par ici ⬇ :
La table ronde critique du jour dispute les films Fermer les yeux de Victor Erice (compétition) et Les Feuilles mortes de Aki Kaurismäki (compétition, en salles le 20 septembre), avec Lucile Commeaux, Antoine Guillot et Charlotte Garson, rédactrice en chef adjointe des Cahiers du Cinéma.
L'équipe
- Production
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- Réalisation
- Lise RipocheStagiaire