

A l’occasion de la parution de son dernier roman "Les Roses fauves", retour sur le processus créatif et l’imaginaire envoûtant de Carole Martinez au micro de Maylis Besserie.
- Carole Martinez Ecrivaine
Carole Martinez n’a pas finit de nous conter des histoires. Son dernier roman, Les Roses fauves, renoue avec l’atmosphère légendaire de son premier roman Le Cœur Cousu. Et pour cause, l’histoire de cette nouvelle œuvre lui fut murmurée par une lectrice lors d’une séance de signature sur son premier roman : dans la tradition espagnole, les femmes, avant de mourir, broderaient et rempliraient du récit de leur vie un cœur de tissu. Carole Martinez s’empare de cette légende pour y confronter Lola, son personnage inspirée de la lectrice. Un nouveau roman poétique et merveilleux.
J'aime l'idée d'un simple objet qui s'ouvre et qui livre tout un monde
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La broderie, c'est plein de nœuds, de petits fils qui dépassent. Ça ressemble presque à de la mauvaise herbe, quelque chose d'un peu broussailleux. Il y a quelque chose de cet ordre-là dans le roman : il y a l'histoire et l'histoire en train de s'écrire. C'est assez fascinant et assez jouissif, en tant que romancière, de s'utiliser pour créer un personnage. On s'utilise toujours pour créer des personnages, mais là j'ai gardé les coutures.
Révélation d'une conteuse
Bercée par les récits de sa grand-mère, une pied-noir d’origine espagnole qui exerce la fonction de concierge, la jeune Carole Martinez écrit ses premiers poèmes à 12 ans. Après s’être d’abord illustrée sur les planches de théâtre en qualité de comédienne, Carole Martinez devient professeure de français. Le désir d’écriture ressurgit durant cette période, elle brode déjà quelques mots sur le papier qui deviennent plus tard son premier ouvrage : Le cœur cousu. Celui-ci lui fut inspiré des récits de sa grand-mère sur son aïeule espagnole, Frasquita, qu’elle dépeint comme une sorcière couturière du XIXème siècle qui donna vie à ses ouvrages après avoir été maltraitée par son mari. Ignoré à sa sortie en 2007, le roman gagne le cœur des lecteurs par le bouche-à-oreille, de quoi confirmer la vocation de conteuse de l’autrice. Le roman remporte finalement neuf prix littéraires, la jeune autrice est propulsée.
J'ai toujours écrit « Le Coeur cousu ». Pendant quinze ans, j'ai écrit des petits morceaux de romans en me disant que j'écrivais ce que je voulais quand je voulais, que c'était juste une histoire de désir et rien d'autre. Finalement, la publication, je m'en fichais. C'était mon rêve à moi.
L'écriture, ça jaillit. Je m'abandonne à des choses avec cette idée du conte que j'ai raconté pendant très longtemps qui est là, comme une sorte de musique. Je m'autorise tout, même l'accident.
Je suis un être de l'oralité.
Vers le réalisme magique
Depuis, Carole Martinez a mis l’éducation nationale de côté pour embrasser l’écriture. Passionnée par la mémoire cachée et les lignées tragiques de femmes prisonnières de leurs conditions, elle publie Du domaine des Murmures en 2011 qui reçoit le Prix Goncourt des lycéens puis La terre qui penche en 2015. Cette sorte de dyptique médiéval est marquée par le réalisme magique, souvent identifié comme caractéristique de son esthétique. Amatrice des cycles, Carole Martinez a aussi conçu une tétralogie en bande-dessinée avec Maud Begon. Là encore, les phénomènes occultes, les fantômes, et les personnages féminins se retrouvent distillés dans une œuvre poétique où l’Histoire rencontre le légendaire. Elle nous en dis plus sur ses personnages :
Est ce qu'on peut considérer les personnages comme des occupants ? Oui, je pense que ce sont des êtres qui se déplient et se déploient en nous. Mais au fil du temps, ils commencent à avoir une logique, ils vivent des choses qui parfois nous échappent. C'est juste génial quand on pense qu'un personnage va faire quelque chose et que finalement, au bout du compte, il fait autre chose sous notre plume.
L'idée c'est de libérer un personnage. La plupart du temps, j'ai toujours l'impression que j'attaque un petit personnage fragile. Et puis, peu à peu, ces personnages me débordent. Elles deviennent gigantesques, elles deviennent effrayantes, parfois elles deviennent sublimes. Il arrive un moment où, finalement, ce sont elles qui prennent le pouvoir et les rênes du roman.
Son actualité : Les Roses fauves publié aux Editions Gallimard le 20 août 2020.
Présentation : "Peu après la sortie de mon premier roman, Le cœur cousu, une lectrice m’a raconté une coutume espagnole dont j’ignorais l’existence : dans la sierra andalouse où étaient nées ses aïeules, quand une femme sentait la mort venir, elle brodait un coussin en forme de cœur qu’elle bourrait de bouts de papier sur lesquels étaient écrits ses secrets. À sa mort, sa fille aînée en héritait avec l’interdiction absolue de l’ouvrir. J’ai métamorphosé cette lectrice en personnage. Lola vit seule au-dessus du bureau de poste où elle travaille, elle se dit comblée par son jardin. Dans son portefeuille, on ne trouve que des photos de ses fleurs et, dans sa chambre, trône une armoire de noces pleine des cœurs en tissu des femmes de sa lignée espagnole. Lola se demande si elle est faite de l’histoire familiale que ces cœurs interdits contiennent et dont elle ne sait rien. Sommes-nous écrits par ceux qui nous ont précédés? Il faudrait déchirer ces cœurs pour le savoir…»" Editions Gallimard.
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