En février 2021, l'écrivaine Cécile Coulon revenait sur son parcours et ses inspirations au micro d'Arnaud Laporte et à l'occasion de la parution de son roman Une Bête au paradis (Le Livre de Poche).
- Cécile Coulon Romancière, nouvelliste et poétesse
Cécile Coulon, longtemps considérée comme la benjamine du roman, a su s’imposer au fil de ses œuvres comme une plume singulière de la littérature française. On retrouve son style éclatant et son univers ensorcelant dans Une bête au paradis, son dernier ouvrage paru aux éditions Livres de Poche. L’occasion de retracer, en sa présence et au micro d’Arnaud Laporte, son parcours, son imaginaire et son processus créatif.
Je porte plus de fantômes que d'expériences de vie. Je pense que toute personne qui écrit un livre, quel que soit le domaine, a une sensibilité ou une hypersensibilité. Ou en tout cas, moi, j'ai la sensation d'être traversée par des émotions qui ne sont pas forcément les miennes […] Le fantôme, c'est l'assurance que la transmission existe.
Publicité
Depuis cette émission, Cécile Coulon a publié le recueil de poésie Les Ronces (éditions Castor Astral). Elle fera paraître le 19 août Seul en sa demeure, son nouveau roman ( L'Iconoclaste), puis, en octobre, un Petit éloge du running (éditions Les Pérégrines) ainsi qu'une traduction, co-signée avec Aurore Vincenti, du recueil de poèmes de Lana Del Rey, Violette sur l'herbe à la renverse ( Le Seuil).
L'écriture, une vocation
Rares sont les écrivain.e.s qui se révèlent comme tel.le.s dès leurs premiers livres. Cécile Coulon est assurément de ceux et celles-là. Encore au lycée, elle signe Le Voleur de vie, un roman au sein duquel elle affirme déjà un univers épais servi par une écriture finement ciselée. La grande force de l’autrice est là, dans la profondeur de ses personnages qu’elle tire non pas de sa grande expérience de la vie, sinon de ses nombreuses lectures qui irriguent ses récits. Cécile Coulon s'embarque ensuite pour hypokhâgne, khâgne, et suit un cursus de lettres modernes à Clermont-Ferrand. Elle étudie le jour, sert le soir dans un restaurant, écrit la nuit ou dans les interstices et signe ainsi Méfiez-vous des enfants sages puis Le roi n’a pas sommeil, son troisième roman qui connaît un succès vertigineux et marque sa professionnalisation dans la littérature.
La seule chose que j'ai su très vite, c'est que j'avais envie de raconter des histoires.
Je me suis rendue compte que c'était un luxe de faire de sa passion son métier sans abîmer cette passion.
Roman dramatique, roman de science-fiction ou même éloge du running, Cécile Coulon ne se refuse rien, pas même la poésie. En plus d’avoir signé deux recueils de poèmes, Les Ronces d’abord qui fut récompensé par le prix Guillaume-Apollinaire puis Noir volcan, l’écrivaine distille entre autres sa poésie sur Facebook où elle a su s’entourer d’une belle communauté.
Je me suis mise en ligne en me disant que ça allait être un espace d'expérimentation littéraire. Au fil des années, il y a eu une sorte de lectorat qui s'est créé. Quand on me demandait comment faire pour avoir ces poèmes en version papier, je disais très bêtement imprimez les et mettez-les sur votre frigo.
En 2018, je n'ai pas envoyé mes poèmes, on est venu vers moi et on m'a proposé la publication en papier. C'était un très grand pas, une étape, un obstacle à franchir. Le public de la poésie papier n'est pas le même public que la poésie en ligne. Ça a été énormément d'émotions, il y a le prix Apollinaire qui est tombé pour Les Ronces et en même temps, ça questionnait en moi la différence de support d'écriture qui existe aujourd'hui et à quel point il faut savoir créer des ponts entre ces supports.
Géographie littéraire
Dès Méfiez-vous des enfants sages, son premier roman publié aux éditions Viviane Hamy, Cécile Coulon construit un monde très personnel dans lequel les motifs de la campagne, de l’impuissance et de l’impossibilité d’être au monde s’entrecroisent. Il en va de même pour Le roi n’a pas sommeil, Trois saisons d’orage et à certains égards Une bête au paradis, l’autrice plonge ses récits dans l’ambiance du New Deal chère à Steinbeck qui témoigne de sa fascination pour les romans américains.
Steinbeck est évidemment un des plus grands écrivains au monde, c'était un dialoguiste hors pair. [...] Quel que soit le livre écrit par Steinbeck qu'on ouvre, en quelques phrases, on a un décor, un moment, un milieu social et tout le drame des personnages. Et cette alchimie là, ce mystère et cette magie-là, rares sont les écrivains qui ont qui ont pu me les transmettre aussi rapidement.
Les lieux dans tous les romans sont les personnages principaux. Je pars toujours d'un lieu pour raconter une histoire. Une fois que j'ai mon lieu, que j'ai mon décor, je pense l'histoire, peut être comme un metteur en scène pense la scénographie, à savoir ce que vont faire ces personnages dans ce lieu là et comment il va avoir une influence sur les rapports qu'entretiennent les êtres humains entre eux.
La campagne n’est toutefois pas que le théâtre de ses récits, elle l’est aussi de son écriture. Depuis Clermont-Ferrand où elle a toujours vécu, Cécile Coulon milite contre l’exode rural qui a frappé la littérature et relégué jusqu’alors les rares ouvrages qui prenaient encore la campagne pour décor en « littérature du terroir ». Comme Marie-Hélène Lafon et Franck Bouysse avant elle, la romancière ramène le monde rural au premier plan.
Je serais incapable d'écrire un roman qui se passe en ville. Ce n'est pas parce que je n'aime pas la ville, c'est parce qu'elle et moi on ne se comprend pas, alors que moi, une forêt à deux heures du matin avec des hiboux et des fantômes, je trouve ça super, je suis complètement à ma place.
J'ai assumé que ma place en littérature c'est surtout ma place en géographie littéraire.
Cette attention au monde qui l’entoure, Cécile Coulon la doit notamment à ses courses hebdomadaires en pleine nature qui participent pleinement de son processus créatif. Chez elle, sport et littérature sont intrinsèquement liés, en témoignent sa thèse de lettres sur le corps et le sport dans la littérature française ou encore son roman Le Cœur du Pélican où elle met en scène un jeune athlète qui tente d’échapper à la médiocrité de sa condition.
Sons diffusés pendant l'émission :
- Extrait du film À l'est d'Éden d’Elia Kazan (1955).
- Donna Tartt évoque la question de l'inspiration sur CBS, traduction de Véronique Rebeyrote.
- I Walk the line, de Johnny Cash sur l'album éponyme (1965).
- Marguerite Yourcenar, interrogée par Bernard Pivot en 1979.
Rediffusion de l'entretien du 3 février 2021
L'équipe
- Production
- Collaboration
- Collaboration
- Collaboration
- Production déléguée
- Collaboration
- Collaboration
- Réalisation