Le 4 mars a paru aux Editions du Tripode Lettres non écrites, un recueil de lettres issues du spectacle du même nom créé par David Geselson en 2017. L’occasion pour lui de revenir au micro d’Arnaud Laporte sur ses méthodes d’écriture et sa conception du travail de mise en scène.
- David Geselson Acteur, metteur en scène et écrivain
Depuis 2017, le metteur en scène David Geselson écrit pour ses spectateurs des lettres qu'ils n'ont jamais réussi à terminer. Ces dernières sont ensuite lues en public. Ce spectacle, Lettres non écrites, a donné lieu à un recueil qui porte le même nom et qui a paru le 4 mars aux Editions du Tripode. A cette occasion, David Geselson revient au micro d’Arnaud Laporte sur son parcours et sa conception de l’écriture et de la mise en scène.
Un théâtre qui se nourrit de son époque
Dans son théâtre, David Geselson met en scène des histoires individuelles qui croisent l’Histoire, utilise l’intime comme porte d’entrée sur des questionnements politiques et interroge les héritages des générations qui nous ont précédés. Ainsi dans En route Kaddish (2014) il met en question, à travers l’histoire de son grand-père, le conflit israélo-palestinien et le désir de se trouver une terre. Puis, après avoir mis en scène dans Doreen (2016) l’amour d’André Gorz et son épouse Dorine Keir, il met en scène dans Le Silence et la peur (2020) l’histoire de Nina Simone et à travers elle, quatre siècles de domination coloniale aux Etats-Unis.
J’ai fait l’expérience en le faisant [En route – Kaddish] que je pouvais me servir de mon histoire comme terreau pour travailler. Et Elios Noël à qui je dois beaucoup m’a dit : "ton histoire c’est une chose, mais dans cette histoire il y a aussi la mienne, l’histoire du conflit israélo-palestinien, l’histoire européenne, une histoire géopolitique". Ça m’a permis de découvrir qu’on peut partir de son histoire intime et la relier à autre chose que soi-même, la relier au monde qui nous entoure. Je me suis dit qu’il y avait là une méthode, une manière de faire [...] : utiliser l’intimité de quelqu’un et la mettre en regard d’autre chose.
Un important travail de documentation
Le travail de David Geselson est donc marqué par un important travail de documentation préalable à l’écriture de ses pièces. Il multiplie les lectures, récolte des témoignages et va même jusqu’à se rendre en Israël pour plonger dans l’univers de son grand-père pour En route Kaddish (2014). Nourries également par des temps collaboratifs de recherche au plateau, ses pièces proposent ensuite une mise en fiction de cette matière documentaire.
Je peux apprendre tout ce que je veux sur Nina Simone, je peux lire toutes les biographies du monde, mais je n’ai pas cette expérience : c’est ce qu’elle dit dans "I wish I knew how it feels to be free". Elle dit : "j’aimerais que tu puisses savoir ce que c’est que d’être moi, et si tu savais ce que c’est que d’être moi, sans doute serais-tu d’accord avec moi : il faut que tous les Hommes soient libres". […] Donc l’idée [en travaillant avec des acteurs afro-américains] c’était pas de légitimer le travail mais d’essayer de convoquer au plateau des gens qui avaient vécu des expériences différentes, de convoquer des inconscients aussi, de convoquer ces héritages pour les partager.
Un théâtre qui met en lien
Pour Lettres non écrites (2017), David Geselson joue un rôle d’écrivain public en rencontrant des spectateurs afin que ceux-ci lui partagent leur histoire, et qu’il leur écrive une lettre qu’eux-mêmes n’ont jamais réussi à produire. Par le biais de ce processus d’écriture, David Geselson propose donc un théâtre qui permet tisser des liens, de même qu'il s’appuie sur la mise en scène pour créer une proximité entre la scène et la salle.
Ça redonne beaucoup de nécessité quand on rencontre ces gens, moi et la compagnie. Ça donne encore plus de sens au fait de faire des spectacles dans des théâtres publics. […] Ça recrée du lien entre les spectateurs et nous, et cela donne foi dans l’idée que les théâtres sont des maisons publiques dans lesquelles – bien qu’il n’y ait pas de rentabilité – il peut se passer quelque chose. Et puis ce sont aussi des exercices d’écriture : grâce à eux je découvre des choses que je n’aurais pas pu imaginer et ça m’oblige à réinventer des manières d’écrire pour eux, en fonction d’eux. Ça me nourrit beaucoup dans mon travail d’écriture : il y a des choses que j’ai écrites pour des gens que j’ai fini par mettre dans des spectacles_._ Ça m’ouvre à une sensibilité plus importante.
Son actualité : Lettres non écrites, recueil issu du spectacle du même nom a paru le 4 mars aux
Editions du Tripode.
Une captation de Lettres non écrites réalisée à la Maison de la Poésie le 13 mars est en ligne sur le
site de sa compagnie.
Une captation du Silence et la peur est à retrouver les 24, 25, 31 mars et 1er avril sur le
site de sa compagnie.
Sons diffusés pendant l'émission
- Extrait de Mnemonic, Simon McBurney, 1999
- Emission "Surpris par la nuit", André Gorz et Doreen Keir, décembre 2006
- "I Wish I Knew How It Feels To Be Free", Nina Simone, extrait du documentaire Nina Simone, An Historical Perspective, Peter Rodis, 1970.
- Entretien avec Claire Marin sur la rupture, publié sur la page Youtube de la revue Esprit, février 2020.
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