Inclassable et pourtant immédiatement identifiable, l’œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster métabolise les formes et transforme notre regard. Au micro d’Arnaud Laporte le temps d'un entretien au long cours, la plasticienne nous immerge dans son laboratoire.
Lauréate du prix Marcel Duchamp en 2002, artiste phare sur la scène de l’art à l’échelle nationale et internationale, Dominique Gonzalez Foerster pratique l’éparpillement artistique depuis près de quarante ans. Elle qui se dit touriste de l’espace n’a de cesse de nous immerger dans ses mondes, traversés par de nombreuses disciplines et des références multiples. Cette fois, c’est pour “La Chambre humaine & planète close” qu’elle nous embarque, titre de son exposition à la Galerie Chantal Crousel jusqu’au 9 octobre. On la retrouvera également sur les planches dès le 9 novembre pour le spectacle “Le jour ce rêve” avec Jean-Claude Galotta et Rodolphe Burger.
L’art comme point de rencontre à géométrie variable
C’est à l’école des Beaux-Arts de Grenoble, alors l’un des terreaux de l’ébullition et de l’utopie culturelle de la ville, que Dominique Gonzalez-Foerster fait ses armes. Avec Philippe Parreno, Véronique Jourmard, Bernard Joisten, Pierre Joseph et d’autres, elle prend part à ce que la critique a appelé « la bande de Grenoble », c'est à dire le petit groupe d’artistes qui a façonné l’art hexagonal des années 1980 et 1990 par sa manière de rendre l’espace de l’exposition poreux, chahuter la notion d’auteur et faire des relations sociales des formes artistiques.
Je pensais un peu naïvement que toutes les villes étaient comme Grenoble. J'ai réalisé qu'en fait il y avait quelque chose de très particulier, c'est à dire une espèce d'assemblage à la fois scientifique, culturel, mais aussi géologique avec ce cirque de montagnes.
La lauréate du prix Marcel Duchamp en 2002 a su se créer un nom sur la scène internationale de l’art contemporain mais n’hésite pas à le mêler à ceux autres lors de ses nombreuses collaborations. Elle a notamment dessiné une maison pour un collectionneur japonais, filmé des vidéos accompagnant les concerts de Christophe puis de Bashung avec Ange Leccia, ou encore designé les boutiques Balanciaga avec Nicolas Ghesquière. Elle est aussi très proche d'Enrique Vila-Matas, elle nous en dit plus à son propos :
Il est devenu à un moment donné ma boussole. C'est à dire qu'il me donnait beaucoup d'indices, sans forcément le savoir […] J'ai l'impression qu'il n’écrit qu’un seul livre, comme j'ai l'impression que Philippe Parreno et moi on ne fait qu’une seule exposition.
Chez Dominique Gonzalez-Foerster, la rencontre se joue aussi entre les disciplines et les médiums, au sein même de ses œuvres. Son travail est hybride, à la croisée de la vidéo, de la photo, de l’installation, de l’architecture et du design. Littérature et cinéma, notamment de science-fiction, y sont souvent convoqués. Quant à l’expérience du spectateur ou de la spectatrice, elle s’en trouve toujours bouleversée.
La conquête des espaces
Dans l’œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster, l’exploration des médiums se conjugue avec l’exploration des espaces. Des chambres d’abord, dans des installations dont les objets sont comme des signes ou des indices sur l’intimité de l’habitant, puis des espaces-temps dans des films tournés aux quatre coins du monde, jusqu’à l’espace intergalactique dans des spectacles synesthétiques et futuristes à la fois. Le voyage est au cœur de son travail, il est à la fois une thématique, un mode de vie et un imaginaire. Ses œuvres forment ainsi un archipel hétéroclite au sein duquel elle pratique l’éparpillement artistique.
J'ai été une voyageuse géographique et je suis devenue une voyageuse temporelle
"Exotourisme" c'est notre projet musical. Et puis, c'est aussi tout un ensemble de pensées sur les autres mondes et sur tout ce qui est non humain. Je pense qu'en ce moment aussi, dans notre changement de rapport à toutes les formes de vivant, la question du non humain prend une place très importante.
A partir de 2012 et jusqu'en 2014, Dominique Gonzalez-Foester relocalise sa conquête des espaces dans son propre corps via ses seize « apparitions ». Tour à tour, elle incarne Edgar Allan Poe, Ludwig II, Lola Montés, Scarlett O’hara, Bob Dylan, Fitzcarraldo ou Emily Brontë, au fil de différents lieux et contextes où elle expose et intervient. Cet exercice de transformations physiques et mentales trouve son point d’orgue dans la réalisation d'un opéra qui les rassemblent tous : QM.15, présenté en 2015 à l'occasion de son exposition monographique « 1887-2058 » au Centre Pompidou.
L’espace de l’exposition enfin constitue pour elle un terrain de jeu inépuisable. Du Turbin Hall de la Tate Modern au Centre Pompidou, en passant par de très nombreuses biennales et institutions, Dominique Gonzalez-Foerster se met en scène et joue très souvent le rôle de curatrice.
Chaque fois que quelque chose me paraît encadré et défini, j'ai envie d'autre chose. Il y a des phases où le médium exposition me happe de nouveau. Je vois des choses possibles. Et puis, le plus souvent, j’essaye de trouver la sortie.
Ses actualités :
- Exposition : “La Chambre humaine & planète rose” jusqu’au 9 octobre à la galerie Chantal Crousel.
- Spectacle “Le jour ce rêve” avec Jean-Claude Galotta, Rodolphe Burger et Dominique Gonzalez-Foerster actuellement en tournée à partir du 9 novembre.
- Site de l'artiste : ici
Sons diffusés pendant l'émission :
- Philippe Parreno dans Affaires Culturelles le 23 décembre 2020.
- Enrique Vila-Matas dans Affaires Culturelles le 14 mai 2020.
- "Tornado Alley" du groupe Exotourisme de Dominique Gonzalez-Foerster et du musicien et interprète Julien Perez. EP de deux titres sorti en 2019 sur le label The Vinyl Factory.
- "Raconte Une Histoire" de Christophe sur l'album live "Olympia 2002".
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