Dyana Gaye : "Montrer une Afrique plurielle, singulière, puissante"

Dyana Gaye
Dyana Gaye ©Getty - Jeff Vespa / Contributeur
Dyana Gaye ©Getty - Jeff Vespa / Contributeur
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La réalisatrice et scénariste, Dyana Gaye est au micro d'Arnaud Laporte pour un entretien au long cours à l'occasion du programme "Tigritudes" co-réalisé avec Valérie Osouf sur le cinéma panafricain et présenté au Forum des images. Elle revient sur ses méthodes de travail et ses inspirations.

Dyana Gaye, franco-sénégalaise, s'initie au cinéma très tôt avec un intérêt notamment pour le cinéma africain-américain comme celui de Spike Lee et Charles Burnett ; mais aussi plus largement à la culture noire américaine, à travers la musique et la littérature.

« En premier lieu, la littérature a été pour moi un endroit de construction très fort et ça le reste toujours. » Dyana Gaye

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Dans les années 1980, les cinémas d’Afrique sont largement méconnus et elle devra attendre quelques années pour découvrir le cinéma de Djibril Diop Mambety, Ousmane Sembène, Samba Félix N’Diaye, William Ousmane MBaye ou encore Ben Diogaye Bèye. Dyana Gaye étudie à l’Université Paris 8 en études cinématographiques, et constate que le cinéma africain n'est pas au programme, elle fera donc des recherches de son côté et découvre la Cinémathèque Afrique ainsi que la la Vidéothèque de Paris, devenue le Forum des Images. 

« Rétrospectivement, je pense n'avoir jamais étudié un seul film produit sur le continent africain pendant mes cinq années d'études de cinéma » Dyana Gaye

Depuis son premier scénario et son premier film en 2000, Une femme pour Souleymane, dont elle obtiendra de nombreux prix dans les festivals internationaux, Dyana Gaye n'a cessé de réaliser. 

« C'est un film qui s'est fait de manière très légère, presque un film pirate qu'on a tourné très vite et qui a rencontré les publics avec beaucoup de force et qui continue de circuler, qui a une vie incroyable que je n'aurais jamais soupçonné. » Dyana Gaye

Elle coréalise aujourd'hui  "Tigritudes" avec Valérie Osouf, un programme dédié au cinéma panafricain de 1956 à 2021 présenté au Forum des images à Paris. 125 films issus de 40 pays différents, produits sur une période de 66 ans d'histoire du cinéma, seront présentés. Tigritudes parcourt les enjeux et les formes d'une cinématographie encore sous exposées.

« En circulant à travers les festivals, on a cette chance de découvrir des œuvres qui, pour la plupart, n'arrivent pas forcément en distribution sur les écrans de cinéma. » Dyana Gaye

« Avec Valérie, on se connaît depuis très longtemps. On s'est rencontrées au Sénégal, où elle a vécu de nombreuses années, et notre amitié s'est très vite nouée autour de la cinéphilie, de notre amour du cinéma et de cette méconnaissance, voire cette ignorance des œuvres produites sur le continent africain. » Dyana Gaye

Des courts-métrages

Depuis son premier court métrage, les films de Dyana Gaye n'ont cessé d'explorer le Sénégal en entretenant un lien étroit avec ce territoire familial. 

« Je n'ai jamais vécu au Sénégal et en y travaillant, effectivement, j'apprends toujours un peu plus de moi » Dyana Gaye

En 2004, elle réalise J’ai deux amours sur le thème « Paris la métisse », un projet où quinze réalisateurs doivent réaliser un plan-séquence de 5 minutes. Elle est finaliste du programme Rolex de mentorat artistique. Son court-métrage Deweneti réalisé en 2006 est diffusé en France mais également à l'étranger. Il reçoit le Prix du Jury au Festival International du Film de Clermont-Ferrand en 2007 et fait partie des cinq films nommés aux Césars 2008 du meilleur court-métrage. Le film porte sur un jeune mendiant de sept ans qui décide d’écrire une lettre au Père Noël.

Affaire en cours
8 min

Le Sénégal comme imaginaire : écriture et réalisation

En 2009, Dyana Gaye réalise Un transport en commun, une comédie musicale présentée au Festival de Films de Locarno en compétition « Cinéastes du présent ». Il est sélectionné aux festivals de Sundance et de Toronto. Il fait partie des cinq films nommés aux César 2011 du meilleur court-métrage et à remporté le prix de Belfort.  Ce film musical se déroule en taxi-brousse. Le chant permet d’avoir des éléments d’informations sur tous les personnages présents dans ce taxi et la musique les rapproche : on y apprend le but de ce voyage mais aussi des informations sur leurs vies passées, leur présent, ainsi que sur leurs aspirations et espoirs.

« Mon désir de cinéma est vraiment très lié à la comédie musicale, à ce genre qui m'anime encore toujours autant et donc à l'enfance. J'ai rêvé de ce film depuis que j'ai commencé à en faire, très clairement. » Dyana Gaye

Plan large
58 min

Avec Des étoiles en 2013, Dyana Gaye réalise son premier long-métrage tourné entre Dakar, Turin et New-York qui sera présenté en première mondiale au Festival de Toronto dans la section Contemporary World Cinema. 

« C'est comme si j'avais tourné trois courts métrages, finalement, qui ne le sont pas puisque le montage mêle ces trois espaces. » Dyana Gaye

Le film reçoit le Grand Prix du Jury et le prix du public au Festival Premiers Plans Angers 2014. A travers trois personnages, Dyana Gaye fait découvrir aux spectateurs leurs trajets intérieurs, leurs rencontres et cheminements. Elle explore ainsi les figures de l’exil et le statut de l’étranger et laisse chaque ville imposer son cadre, sa lumière et son tempo.

En 2014,  Dyana Gaye réalise Un conte de la goutte d'or, court-métrage musical pour les Talents Adami à Cannes. Léon, Ernestine, Bruno et Myrha vivent dans le quartier de la Goutte d'Or, à Paris. Ils ne se sont encore jamais rencontrés mais plusieurs accidents font qu'ils se retrouvent tous ensemble à arpenter les rues du quartier.

Son actualité :  Du 12 janvier au 27 février, le Forum des images à Paris consacre un programme inédit au cinéma panafricain de 1956 à 2021. 125 films, 40 pays et 66 ans d'histoire du cinéma, Tigritudes parcourt les enjeux et les formes d'une cinématographie encore largement méconnue.

« Valérie Osouf et moi avions envie d'être à un endroit de passation, je dirais, ou de transmission d'œuvres qui nous nourrissent et qui nous habitent, pour certaines, depuis longtemps. » Dyana Gaye

Sons diffusés pendant l’émission

·         Archive d’un entretien de Djibril Diop Mambéty, donné en 1997 lors du Festival de cinéma de Gindou.

·         « La Senegalesa » de Trio Esquina, titre composé par Claudio « Pino » Enríquez et César Stroscio, sur l’album « Tango » (1998) | Label : Materiali Sonori

·         Archive d’Ousmane Sambène extraite de l’émission Microfilm de France Culture, au micro de Serge Daney dans le cadre du Fespaco, le Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou de 1987.