

Le metteur en scène, directeur du Théâtre de la Ville et du Festival d’Automne à Paris Emmanuel Demarcy-Mota revient sur les étapes qui ont jalonné son parcours et qui l’ont conduit à devenir aujourd’hui l’un des hommes de théâtre les plus remarqué en France et à l’étranger.
- Emmanuel Demarcy-Mota Metteur en scène, Directeur du Théâtre de la Ville-Paris, du Festival d’Automne à Paris
De la cour de récréation à la création
Fort de ses origines portuguaises du côté de sa mère qui y était une comédienne reconnue, Emmanuel Demarcy-Mota entretient encore aujourd’hui un lien puissant avec le pays où il a présenté plusieurs pièces dans le cadre du festival d’Almada et où il s’investit également au sein du Teatro da Comuna que dirige son oncle.
Le théâtre m'a enlevé mes parents, dans le sens de leur présence dans un monde réel, mais il m'a offert aussi la possibilité de les voir comme des êtres remplis de curiosité, de recherche autour de la mémoire de leur propre pays, deux identités de deux pays différents du Portugal et de la France. Cela m'a permis de regarder le monde autrement et d'apprendre à travers le jeu du théâtre, en les observant lorsque j'étais enfant, cette immaturité de l'être humain qui garde en lui-même cette période de jeunesse profonde. Donc il m'a enlevé une partie de l'adulte pour me rendre une mosaïque humaine.
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C’est donc tout naturellement qu’Emmanuel Demarcy-Mota donne le nom de son village portugais Millefontaines à sa première compagnie théâtrale fondée en 1988 dans la cour de récréation du lycée Rodin à Paris. Déjà féru de théâtre, il rassemble ses camarades autour de ce projet et choisit Caligula de Camus pour sa première mise en scène. La troupe amateure s’illustre notamment dans des représentations d’œuvres de Frank Wedekind, Luigi Pirandello, ou encore de Eugène Ionesco. Plus tard, le jeune metteur s’établit au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers et y met en scène L’histoire du soldat d’après le dramaturge suisse Charles-Ferdinand Ramuz. Le spectacle part ensuite en tournée et confirme la vocation de Demarcy-Mota. Grand amateur de tennis et de courses automobile dans sa jeunesse, Emanuel Demarcy-Mota raconte ce qu’il a recherché dans le sport et qu’il retrouve dans le théâtre :
C'est la solitude et la concentration dans un espace qui devient atemporel où les limites des éléments qui nous entourent dans leur physicalité sont amenées à disparaître. C'est l'espace d'un imaginaire qui s'ouvre que celui du sportif. Dans sa concentration de joueur, il doit décider de ce qu’il va faire dans la seconde. C'est la question de l'anticipation et des mécanismes cérébraux qui me fascinait dans le sport tout comme dans le théâtre. Artaud a qualifié l'acteur d'un grand athlète affectif, je comprends cet engagement absolu. Et c'est cet endroit de l'engagement total dans la plus grande sincérité, à l'instant même du temps présent qui m'a fasciné à ce moment-là, quand j'avais 20 ans.
Au service du théâtre et de son rayonnement
D’abord à la tête du CDN de Reims où il s’entoure d’un « collectif artistique », le metteur en scène prend ensuite les rênes du Théâtre de la Ville de Paris qu’il cumule aujourd’hui avec la direction du Festival d’Automne de Paris . Au travers de ces trois trajectoires, Demarcy-Mota construit une vision du théâtre qui se veut intergénérationnelle mais aussi ouverte aux troupes européennes. L'artiste nous en dis plus à propos de sa vision de l'Europe culturelle et de ses missions :
L'Europe est l'endroit d'une pensée, d'une action ou d'un engagement, pour tenter de construire ce rêve de la construction européenne qui est un peu raté évidemment, on le sait tous. Ce n'est pas pour dire c'est foutu, c'est pour dire bon, allez, essayons de continuer à croire en une idée d'une Europe apaisée qui, justement, sait accueillir le monde, l'autre, sait dialoguer et débattre. Il a fallu du temps pour tenter d'avoir un chemin commun et de ne pas être que dans l'Europe économique ou financière, mais de considérer qu'il y a une Europe de la culture, des arts, des êtres extraordinaires avec des langues. C'est ce qui nous constitue. […] La langue étrangère c’est la richesse du monde. On a besoin de cette transmission, de ces liens qui nous ont construits, de ces migrations, de ces terre d'accueil, d'exil profond.
La diversité des publics, particulièrement la jeunesse, est au cœur de sa politique théâtrale :
Je pense que tous les enfants du monde aiment le théâtre, même quand ils ne le connaissent pas. Parce que c'est l'endroit dans lequel se manifeste une activité très originale de notre espèce qui est le jeu.
La création, une entreprise salutaire
L’homme de direction n’est toutefois pas à distinguer du metteur en scène tant Emmanuel Demarcy-Mota n’a de cesse de créer. Au Théâtre de la Ville, il met notamment en scène Rhinocéros de Inoesco qu’il avait déjà créé auparavant et avec lequel il part en tournée dans le monde ; mais aussi Alice et autres merveilles un spectacle culte pour petits et grands en 2015 auquel il a donné une suite intitulée Alice traverse le miroir ; L’Etat de siège d’Albert Camus ; ou encore Les sorcières de Salem d’Arthur Miller en 2019.
Nous sommes autant construits par la réalité imaginaire qui est créée par des êtres vivants, que par le monde réel en lui-même. Nous avons besoin de cette coopération humaine qui produit ces œuvres de l'imagination collective. C'est ce qui nous amène à notre propre humanité.
Pour le metteur en scène, la création dans toute sa diversité occupe un rôle décisif dans le bien-être humain :
Je ne sépare pas la poésie de la pensée. Et cette pensée, c'est ce qui nous permet alors aussi, sans jeux de mots, de penser le coup d'après de la vie, par l'introspection poétique. D'autres ont besoin de la psychanalyse, d'autres choses. Mais chacun peut faire son travail avec lui-même à travers le poète. Le plus grand guérisseur qui peut nous aider à prendre soin de nous, c'est le poète.
Sons diffusés pendant l'émission
- Tadeusz Kantor parle de sa pièce "La classe morte" sur France Culture, émission "Mardis du théâtre, diffusée le 27 juin 1989.
- Giorgio Strehler sur France Culture, émission "Les après midi de France Culture", le 28 octobre 1975.
- "Grandola Vila Morena" de José Afonso, tiré de l'album "Chants du mouvement européen des travailleurs".
- Archive du discours d'Albert Camus lors de la réception du Prix Nobel de Littérature, le 10 décembre 1957.
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