Eva Jospin : "Il faut rêver ses œuvres"

Eva Jospin
Eva Jospin - Raphael Lugassy
Eva Jospin - Raphael Lugassy
Eva Jospin - Raphael Lugassy
Publicité

L'artiste Eva Jospin est au micro d'Arnaud Laporte à l'occasion de deux expositions, aux Beaux-Arts de Paris et au Domaine de la Garenne Lemot. Des forêts de cartons aux grottes de béton, des broderies aux encres de Chine, retour sur une œuvre et un parcours qui prônent la lenteur et l'artisanat.

Après sa forêt Panorama dans la cour carrée du Louvre, sa grotte féérique au domaine de Chaumont-sur-Loire ou encore son Cénotaphe à l'Abbaye de Montmajour, Eva Jospin investit les jardins du Domaine de la Garenne Lemot. L’artiste, connue pour ses sculptures, forêts composées principalement de carton, grottes ou folies en béton et pierre naturelle, expose également pour la première fois des dessins réalisés à l’encre de Chine aux Beaux-Arts de Paris.

La peinture au commencement

Alors qu'elle est âgée de dix ans, Eva Jospin pose pour le peintre Pierre Carron, ami de la famille. Cette découverte de l'atelier marque la jeune enfant et confirme une fascination pour la peinture classique et particulièrement la représentation de la peau humaine, dont elle souhaite "percer le mystère". La jeune Eva rêve d'un grand destin : d'abord attirée par le théâtre, se sera l'architecture, et enfin la peinture. En 1996, elle intègre les Beaux-Arts de Paris et s'inscrit dans l'atelier de Carron, dernier îlot qui pratique le dessin d'après nature. Jeune étudiante, elle cherche du côté du découpage et du collage et obtient en 2002 le Diplôme National Supérieur d’expression plastique des Beaux-Arts de Paris.

Publicité

"Chez Carron on travaillait le dessin d’après nature, ce qui était une pratique assez bizarre à la fin des années 90. On était vraiment les ringards de l’école, mais ça m’a beaucoup protégé parce que si on accepte dès le début d’être le ringard de l’école, on accepte de ne pas se soucier de la façon dont les gens nous regardent. C’est une grande chance quand on est un artiste, car l’intérêt est d’être singulier."

Le pouvoir insoupçonné du carton

Après un détour en Italie, Eva Jospin est à la recherche d'une rencontre esthétique et matérielle. Pour retrouver la maitrise de sa création et assouvir son désir de produire de grandes installations, elle expérimente pour la première fois avec le carton. Avec cette matière pauvre qui ne "réclame aucun respect", Eva Jospin découvre une expression subtile qui exige la patience tout en autorisant l'erreur.

« La création c’est un état qui varie beaucoup : c’est exaltant de partir d’un dessin et de se projeter sur le devenir. Le parcours est un peu long car je ne peux pas toujours voir les œuvres : il faut rêver ses œuvres. Ensuite dans le parcours de fabrication il y a tout ce qu’il y a dans la vie : de l’ennui, de l’acharnement, de l’insistance, de la surprise. C’est un souffle qu’on trouve puis qu’on perd »

Depuis toujours l’image de la forêt occupe une place centrale dans son œuvre. Ce motif récurrent, plus mental que figuratif, reflète les préoccupations humaines : ces forêts sont des lieux de quête de connaissance, mais aussi d’échappées mentales.

« Mon rapport à la forêt, comme pour la grotte ou l’eau minérale, c’est une forme de nature archaïque dont on peut puiser nos constructions. Nos premières architectures, mais aussi nos constructions pour le développement, le feu ou la navigation. Quand on part dans la question de la forêt, de la sédimentation et de la strate, on arrive à la constitution du monde donc c’est une forêt primordiale qu'on trouve: c’est la trace d’un récit oublié qu’on ne peut pas sourcer. »

Après une installation au Musée de la chasse en 2012, une carte blanche l’année suivante à la Manufacture des Gobelins, elle a figuré en 2014 dans l’exposition « Inside » au Palais de Tokyo. Largement inspirée par l'architecture italienne et l'histoire de l'art, ses créations incarnent un paradoxe temporel : reconstructions de monuments et de forêts millénaires avec du carton, un matériau fragile et temporaire. Ce matériau, de par ses possibilités sculpturales et architecturales, lui permet de mêler les registres. En 2016, le public découvre son installation « Panorama », dans la Cour Carrée du Louvre, fruit de trois mois de travail intensif**.** En 2015, elle reçoit le Prix de l’Académie des Beaux-Arts / Prix de gravure et sculpture Frédéric et Jean de Vernon, avant un séjour à Rome en tant que pensionnaire de la Villa Médicis. Dans ses œuvres les plus récentes, elle expérimente avec de nouveaux matériaux, tels que le béton blanc avec lequel elle construit des grottes en plein air, ou le ciment moulé dans une installation au Château de Chaumont-sur-Loire.

Son actualité :

  • «Dessins pour un jardin » du 11 mai au 3 juillet au musée des Beaux-Arts de Paris
  • « Eva Jospin - Un Grand Tour » Exposition présentée au Domaine de la Garenne Lemot (44) Du 21 mai au 18 septembre 2022.

Sons utilisés dans l'émission :

  • Entretien avec Fabrice Hyber, juin 2021
  • Diavolo Rosso", de Paolo Conte "Appunti di Viaggio" (1982)

L'équipe