Fatou Diome : "J'écris pour tenir au temps qui m'est donné à vivre"

Fatou Diome est née en 1968 sur l'île de Niodior, au Sénégal.
Fatou Diome est née en 1968 sur l'île de Niodior, au Sénégal.  - Astrid di Crollalanza
Fatou Diome est née en 1968 sur l'île de Niodior, au Sénégal. - Astrid di Crollalanza
Fatou Diome est née en 1968 sur l'île de Niodior, au Sénégal. - Astrid di Crollalanza
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En avril 2021, la romancière Fatou Diome se livrait à un entretien au long cours avec Arnaud Laporte pour nous faire entrer dans les influences et références qui jalonnent son parcours personnel, et sur la manière dont son oeuvre littéraire imprégnée d'autobiographie s'y est conjuguée.

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La romancière Fatou Diome se livre à un entretien au long cours au micro d'Arnaud Laporte pour nous faire entrer dans les influences et références qui jalonnent son parcours personnel, et sur la manière son oeuvre littéraire imprégnée d'autobiographie s'y est conjuguée. Elle revient sur ses différents romans, mais aussi sur son retour récent à l'écriture de nouvelles avec la parution du recueil De quoi aimer vivre aux éditions Albin Michel.

Une rencontre organisée à l'occasion de la parution de son recueil de nouvelles De quoi aimer vivre ( toujours disponible aux éditions Albin Michel), et de deux sorties aux éditions du Livre de Poche, Impossible de grandir et Les Veilleurs de Sangomar. 

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Ecrivaine depuis l'enfance

Née sur l'île de Niodior, au sud-ouest du Sénégal, Fatou Diome a été élevée par ses grands-parents car ses parents n'étaient pas mariés et se sont plus tard mariés chacun de leur côté. Une première cause de mise à l'écart pour la future écrivaine au sein de sa communauté, qui décide rapidement d'assumer sa singularité en allant à l'école, à la différence des autres jeunes filles de l'île. Son instituteur convainc la grand-mère de Fatou Diome de la laisser poursuivre des études au collège. A 13 ans, elle quitte son village et passe de famille d'accueil en famille d'accueil, jusqu'à s'émanciper à 15 ans en cumulant études et petits boulots pour pouvoir louer une petite chambre. C'est à cette époque que l'autrice découvre sa vocation littéraire.

A cet âge-là, je ne sais pas ce qu'est la littérature. J'ai des choses dans la tête que je mets sur le papier. Les adultes pensent que je raconte des choses que j'ai entendues. Un jour, ma grand-mère m'a amenée chez le guérisseur. Il était censé me purifier, chasser les mauvais esprits de ma tête. Je ne suis toujours pas guérie !              

Un travail nocturne 

Des cahiers qu'elle noircissait avant de les cacher sous son lit, Fatou Diome garde une habitude d'écriture qui la suit encore aujourd'hui : écrire la nuit.

Plus jeune, j'apprenais mes leçons la nuit. En grandissant, j'ai continué. Comme j'avais mes petits boulots dans la journée, la nuit était mon moment de tranquillité. La nuit, je peux redevenir la petite fille que j'étais et qui aime écrire. Comme ça, je suis libre : la nuit, on ne peut pas se fuir, on est face à soi-même, on ne peut pas se mentir. J'aime cette franchise, cette honnêteté, cette intégrité morale de la nuit. On ne triche pas avec la lune.          

A 22 ans, en 1991, Fatou Diome rencontre un coopérant français au Sénégal et s'installe avec lui à Strasbourg. Leur mariage se brise rapidement, et elle continue ses études tout en faisant des ménages. En dépit des circonstances, elle ne cesse jamais d'écrire.

L'écriture ne demande pas de place dans ma vie : c'est ma vie. Tout le reste se met à côté. J'écris tout le temps. Si je n'avais pas écrit, je n'aurais pas pu aller en cours et je n'aurais pas pu travailler. Je n'ai pas besoin d'avoir le temps d'écrire : tout ce que je fais, c'est pour pouvoir écrire.      

Ecrire pour dénoncer

Les romans de Fatou Diome suivent des destins de femme nourris par sa propre expérience. Elle y dénonce les injustices faites aux femmes, le mythe de l'eldorado français qu'entretiennent les immigrés tout en en souffrant, les difficultés de l'intégration dans la société française.

J'écris sur ce qui m'empêche de dormir. Le sujet me taraude, ne me laisse pas. C'est pour moi une nécessité d'être rassurée sur ma capacité à exister. Quand il y a un problème que je ne comprends pas, je ressens une forme d'impuissance douloureuse. A défaut d'y trouver une solution, j'essaie de comprendre les tenants et les aboutissants, les causes et les conséquences, comment on le vit et les sentiments que cela produit.      

J'ai écrit avant tout pour dire les choses qu'on m'interdisait de dire. J'écris sur des choses que j'aurais aimé n'avoir pas vécues ou vues. Dans mes livres, je propose mes rêves de petite fille et je demande à expliquer ce que je ne comprends pas. 

Sons diffusés pendant l'émission :

Rediffusion de l'entretien du 16 avril 2021

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