Françoise Pétrovitch: "Je me suis autorisée à ne plus écrire dans les marges et à être sur la feuille blanche"

Françoise Pétrovitch
Françoise Pétrovitch - Hervé Plumet (Courtesy Sémiose, Paris)
Françoise Pétrovitch - Hervé Plumet (Courtesy Sémiose, Paris)
Françoise Pétrovitch - Hervé Plumet (Courtesy Sémiose, Paris)
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A l'occasion de son exposition monographique à la galerie Sémiose, immersion dans la fabrique artistique de la plasticienne Françoise Pétrovitch au micro d'Arnaud Laporte.

Avec

Née en 1964, Françoise Pétrovitch est une artiste phare de la scène contemporaine actuelle. A six ans, Pétrovitch veut être dessinatrice alors que personne dans sa famille ne s’intéresse particulièrement à l’art. 

J'ai découvert l'art plutôt dans les livres, à la bibliothèque municipale. Je prenais les ouvrages sur la vie des peintres et je lisais la vie de Renoir et d’autres. Je trouvais ça formidable. 

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Ce n'est pas que de la passion, c'est aussi de l'importance. Ce n'est pas une tocade qui nous plaît comme ça, c'est quelque chose qui vous habite toute la vie. Ça demande donc beaucoup de sacrifices, de la ténacité, d'accepter le regard des autres. Ça demande de ne pas trop regarder le regard des autres et de trouver où on est vraiment. C'est l'importance qui vient. 

Elle obtient un brevet d’arts graphiques à La Martinière à Lyon, puis entre en prépa arts appliqués à l’Ecole normale supérieure d’où elle ressort agrégée d’art plastique avec une spécialité gravure en 1986. Diplômes en poche, l’artiste se recentre dans son atelier et se concentre d’abord sur le dessin et la peinture. Le travail du volume n’intervient que plus tard, à l’âge de 35 ans. En parallèle, elle devient dès 1988 professeure en arts appliqués à l’École Estienne. Céramique, verre, bronze, aquarelle, vidéo, peinture à l’huile, lavis d’encre, ou encore dessins muraux et gravures sont autant de médiums dont l’artiste se saisit. Le dessin reste néanmoins sa prédilection. 

C'est intéressant que les motifs migrent d'une technique à l'autre et qu'il n’y ait plus d'antécédents. Il n'y a pas d'abord le dessin, ensuite la peinture ou ensuite la sculpture. J'ai l'impression que maintenant, il peut très bien y avoir d'abord une sculpture qui va devenir un dessin. Ça veut dire qu'il n'y a plus d'importance du sujet. Le sujet m'importe de moins en moins. 

Au dialogue entre les médiums, Françoise Pétrovitch ajoute parfois le dialogue avec les médias. En 2000, elle débute son œuvre Radio-Pétrovitch qui l’a fait connaître. Durant deux ans, elle réalise un dessin par jour en réaction aux informations du matin présentées à la radio. Dans la même lignée, elle participe en 2015 à l’évènement Artistes à la Une dans lequel elle revisite la couverture de Libé consacrée au « Retour des 343 salopes ». L’artiste s’essaye également à la vidéo.  On a notamment pu le découvrir avec la vidéo Le Loup et le loup qui a été montré au Musée de la chasse et de la nature en 2011. 

D'une esthétique épurée, ses œuvres sont notamment reconnaissables pour son travail du blanc. A propos de la réserve, c'est à dire des zones laissées en blanc, elle explique: 

C'est ne pas dire pour dire. Laisser blanc, c’est ne pas intervenir et en même temps, c’est là où on n’intervient pas que c'est le plus important. Ce sont des morceaux de corps, ça peut être même des intérieurs, des découpes … Là où moi je ne fais rien, je ne fais que décider que ce sera du blanc mais finalement, c'est là où notre décision est encore plus forte. C'est toujours ambigu cette question d'être dans un travail qui a une grande simplicité et qui est en même temps lumineux et obscur. Il a ce rapport entre le noir et le blanc, ce qui est dit et ce qui n'est pas dit, ce qui est raconté et ce qui ne veut pas se raconter. 

A travers toutes ses œuvres, l’artiste déploie une poétique de l’entre-deux, de la transition et de l’hybridation. Le passage à l’âge adulte ou encore l’adolescence sont des motifs récurrents. Les figures, souvent féminines, sont au centre de ses paysages intérieurs aux atmosphères à la fois oniriques et teintées d’angoisse. 

J'ai toujours dessiné les animaux.  Le monde animal ou végétal est un grand répertoire de formes. C'est cette fantaisie, c'est cette disparité, c'est le plaisir même de la forme pure. 

L’artiste expose à Berlin, Paris, Tokyo, mais aussi à Washington en 2015 dans l’exposition collective Women to Watch au National Museum of Women in the Arts. Ses œuvres ont intégré les collections d’institutions prestigieuses, notamment celles du Centre Pompidou, du Mac/Val et de plusieurs Frac. Aujourd'hui, les lavis d'encre et les peintures à l'huile de l'artiste sont sur les cimaises de la Galerie Sémiose à Paris au sein d'une nouvelle exposition intitulée Forget Me Not. Nous sommes invités à déambuler dans son univers sensible, peuplé d'animaux et de figures humaines énigmatiques. 

Les dernières peintures que j'ai réalisé, je les appelle « les aveuglés ». Ce sont des personnages qui mettent les mains devant les yeux. On ne sait pas si on est dans un geste de recouvrement, c'est à dire qu'on se cache, ou si on découvre le monde tel qu'il est en ce moment, c'est à dire qu'on essaye de voir. Il y a ce rapport à la vision, ce que l'on décide de voir ou pas. 

Françoise Pétrovitch, Forget Me Not, Sémiose, 12 septembre - 24 octobre 2020
Françoise Pétrovitch, Forget Me Not, Sémiose, 12 septembre - 24 octobre 2020
- A. Mole (Courtesy Sémiose, Paris)

Actualité

  • Exposition : Françoise Pétrovitch, Forget Me Not,12 septembre - 24 octobre 2020, Galerie Sémiose à Paris. 

Sons diffusés pendant l’émission : 

  • Extrait d'Improvisations sur les Folies d'Espagne (Marin Marais) par Jordi Savall (B.O. du film Tous les matins du monde d'Alain Corneau (Auvidis Travelling)) 
  • Extrait de La Volière (Camille Saint-Saëns) par Guennadi Rojdestvenski (album Saint-Saens : Carnaval des animaux (Erato)) 
  • Extrait de Drôle d'époque de Clara Luciani (album Sainte-Victoire (Initial))

Générique de l’émission : Succession, Season 1 (HBO Original Series Soundtrack) de Nicholas Britell

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