Vingt-six ans après sa création au Festival d’Avignon, Hervé Pierre et Pierre Meunier recréent "L'Homme de plein vent" au Théâtre de la Bastille. L’occasion de revenir sur le parcours d'Hervé Pierre, ancien pensionnaire de la Comédie Française, qu’il a récemment quitté pour de nouvelles aventures.
- Hervé Pierre Comédien, pensionnaire de la Comédie-Française
Hervé Pierre est entré dans le théâtre comme on entre dans les ordres. Fils de deux ouvriers qui s’occupaient d’une troupe de théâtre amateur, il connaît sa révélation (païenne) pour la comédie lorsqu’il partage la scène pour la première fois avec ses parents, dans la salle paroissiale où il officiait habituellement comme enfant de chœur. De l’église au théâtre il n’y a qu’un pas : celui de la joie selon le comédien, celle que l’on partage avec le public comme avec ses partenaires de jeu. Animé par un grand esprit de troupe qui ne l’a jamais quitté, Hervé Pierre s’est formé à l’école du Théâtre national de Strasbourg, avant de fonder avec ses camarades de promotion le Théâtre du Troc à Ostwald. Il s’est par la suite imposé en douceur, du répertoire au contemporain, avec des metteurs en scène très différents tels Jean-Pierre Vincent, Bernard Sobel, Jean-Louis Hourdin, Roger Planchon ou Dominique Pitoiset, avec qui il a mené des compagnonnages au long cours. Homme des fidélités, le comédien a ensuite trouvé une nouvelle famille à la Maison de Molière, où il est entré comme pensionnaire en 2007, avant de devenir le 522e sociétaire de la Troupe le 1er janvier 2011 et de finalement la quitter en décembre 2022. Quinze années durant, Hervé Pierre a tout joué, de Pirandello à Brecht, d’Ibsen à Goldoni, en passant par Shakespeare, Racine, Molière, ou Feydeau, tout en s’illustrant en parallèle comme acteur de cinéma, ainsi que metteur en scène.
Désormais libre de tout engagement, il est à l’affiche du Théâtre de la Bastille pour la pièce L'Homme de plein vent, créée en 1996 au Festival d’Avignon et que Pierre Meunier et Hervé Pierre reprennent, vingt-six ans plus tard, sous le regard de l'artiste Marguerite Bordat. L’occasion de revenir sur son parcours et ses méthodes de travail, le temps d'un grand entretien.
"Tout à coup un acteur est né"
“Je trouve que la convention de théâtre est une chose magnifique. C’est-à-dire qu’on arrive sur scène, on peut montrer n’importe quel objet et dire “ceci est donc la terre” et tout le monde sera d’accord. C’est extraordinaire. C’est sûrement cette part d’enfance qu’on garde en soi, même quand on est très vieux ; il y a toujours ce désir de rêver, d’avoir accès au rêve et sans doute à la spiritualité. C’est cela que je trouve bouleversant dans le fait de se rassembler autour de poètes. Elle vient de si loin cette communauté, même d’avant les religions. C’est le rassemblement de la tribu autour d’un feu, pour éloigner les bêtes, on commence à se raconter des histoires, peut-être y-a-t-il des ombres projetées par le feu dans la grotte, peut-être dans ces ombres reconnaît-on quelqu’un et l’histoire commence. Quelqu’un a peut-être plus de facilité à raconter une histoire qu’à aller chasser, et tout à coup un poète, un histrion, un acteur est né.” Hervé Pierre
Quinze années joyeuses à la Comédie Française
Hervé Pierre est recruté à la Comédie Française par Murielle Mayette pour jouer dans un Claudel, « le Partage de Midi » monté par Yves Beaunesne. Il y devient pensionnaire en 2007 puis sociétaire en 2011 puis en décembre 2022, décide de démissionner pour reprendre son chemin de théâtre en dehors de la maison du Français.
“Je me suis rendu compte que je rentrais dans un grand théâtre marqué par l’Histoire. Partout on trouve les traces de fantômes qui ont vécu dans cette maison. Moi je me suis retrouvé à être le 522è sociétaire de la Comédie Française. Depuis 1780, ça ne fait finalement pas tant que ça, ça ne remplit même pas une salle de Richelieu. Cette relativité du temps fait qu’on est encore relié à Molière et à sa troupe de manière extrêmement concrète. On rentre dans un endroit qui est la représentation du théâtre comme service public ; au départ pour le Roi, maintenant pour la République. Je trouve que c’est un endroit qui est extrêmement fort et précieux. Le jour où on attaquera la Comédie Française dans son fonctionnement, c’est que cela va très mal pour la culture en France.” Hervé Pierre
“J’ai beaucoup de passion et de respect pour cette maison. J’y ai vécu quinze années joyeuses, et j'ai eu la chance qu'on m'y offre des rôles magnifiques. Je ne regrette rien et n’ai aucune amertume. Pour moi ça a été de la joie du début jusqu’à la fin. C’est ce que je voulais préserver ; ce moment rare qu’on m’a offert. Quand on est gourmand, qu’on aime s’assoir à la table et faire un repas pantagruélique comme au 19e siècle, être à la Comédie Française est une chance extraordinaire.” Hervé Pierre
Le théâtre contre la gravité
En 1996, Pierre Meunier crée un spectacle pour le festival d’Avignon, « L’Homme de plein vent » et inaugure ainsi une carrière singulière dans le théâtre français, une poésie bricolée, un art du clown spirituel, peu de mots, beaucoup d’objets et des surgissements de grâce. Voilà que presque 30 ans plus tard, cette pièce voit à nouveau le jour, et les deux compères d’alors se retrouvent et tentent une fois de plus d’abolir la gravité, de quitter le plancher des vaches, de voler tout simplement.
“ Nous vivons une période complexe, compliquée. Nous sommes entourés du pesant, cela devient difficile. Ce spectacle a quelque chose de l’ordre d’une résistance à ce qui nous pèse, nous oppresse, nous ramène vers le bas. C’est le spectacle de deux rêveurs, et d'un rapport à l’utopie. Il y a quelque chose qui est de l’ordre du commun : qu’est-ce qu’on fabrique ensemble, qu’est-ce qu’on fait ensemble pour vivre mieux ensemble ? A la Comédie Française, il y a une devise “simul et singulis” (ensemble et singulier) ; je trouve qu’aujourd’hui il y a trop de singulier. Je pense que c’est le “ensemble” dont il faut se préoccuper. Ce spectacle parle de cela, de comment lutter ensemble. (…) La jeunesse a besoin de se retrouver sur une force utopique. On peut bouger les choses, on peut changer le monde.” Hervé Pierre
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Plus d'informations sur ses actualités :
Spectacle : « L’homme de plein vent », re-création 2019 sous le regard de Marguerite Bordat, texte de Pierre Meunier. Avec Pierre Meunier, Hervé Pierre et Jeff Perlicius. Au Théâtre de la Bastille du 9 au 20 mai à 20h, puis du 23 au 26 mai à 21h, relâche les dimanches et lundis. Présentation de Christophe Pineau : Malgré le poids des années, l'inénarrable duo métaphysique Leopold Von Fligenstein et Kutsch reprend de l'altitude pour savourer des gouttes d'air et causer gravitation. Mais la paix en suspension est fragile et les voilà bientôt de retour sur le plancher des vaches, où il leur faut composer avec la folie des boulets, se faufiler à travers un ballet de tuyaux, prendre garde aux caillasses en chute libre ou dompter un gigantesque ressort mangeur de boulons. Un spectacle plein d'humour dans lequel deux magnifiques poètes s'épuisent à libérer la matière et nos corps de la lourdeur qui les cloue au sol.
Prochaines actuali****tés : Outre L’Homme de plein vent , Hervé Pierre sera dans Tachkent de Rémi De Vos, dans une mise en scène de Dan Jemmet pour le Festival de Fourvière du 4 juillet au 7 juillet, avant que la pièce ne soit reprise à partir du 12 septembre au Studio Marigny, jusqu’à fin décembre. Avant cette reprise, il fera entendre le texte de Jean-Pierre Siméon, Orphée Prophète, avec l’ensemble Akademia dirigé par Françoise Lasserre, à la collection Lambert, du 12 au 18 juillet.
Sons diffusés pendant l'émission :
- Lucien Attoun évoque sa rencontre avec Jean-Luc Lagarce au micro de Joelle Gayot, dans l'émission "Surpris par la nuit", sur France Culture en 2007
- Jean-Louis Hourdin explique à quel point le rire au théâtre est à la fois ambiguë et émouvant dans "Les arts du spectacle" sur France Culture en 1978
- Eric Ruf parle des trois personnages de Peter Gynt dans "A voix nues" sur France Culture en 2016
- Tarkos dit son propre texte dans l'émission " Les mardis littéraires" sur France Culture en 2005
L'équipe
- Production
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- Collaboration
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- Réalisation
- Lise RipocheStagiaire