L’ovni littéraire Olivier Cadiot poursuit ses robinsonnades avec "Médecine Générale", son nouveau roman publié chez P.O.L. Au micro d’Arnaud Laporte, il nous entraîne dans les coulisses de ses œuvres, souvent picaresques, toujours à la croisée des genres.
- Olivier Cadiot Ecrivain
En cette nouvelle année, le romancier et poète Olivier Cadiot nous prescrit une nouvelle dose de littérature avec Médecine Générale, son dernier roman publié chez P.O.L. Manipulations génétiques de textes, greffes de sujets, cut-up et détournement sont autant d’opérations littéraires dont il a fait son bastion. Au micro d’Arnaud Laporte, il nous entraîne dans le laboratoire de ses œuvres.
J'espère que pour le lecteur, ce sera amusant de ne pas savoir si l'histoire est vraie ou fausse. C'est ça qui différencie le roman de la poésie, au fond. Si on réfléchit bien, la poésie, on n'a pas à se demander si c'est faux ou vrai. Le dispositif romanesque permet de cacher les choses et de laisser le lecteur libre.
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Un producteur d’OLNI (Objet Littéraire Non Identifié)
Il est de ces auteurs qui réchappe aux clivages et classifications littéraires. De son traité L’Art Poétic où il renouvelait le cut-up à ses Robinsonnades déjantées, en passant par La Revue de littérature générale co-dirigée avec Pierre Alféri, Olivier Cadiot est un véritable producteur d’OLNI (objet littéraire non identifié). Lui qui aime se définir comme « Un technicien de mots » érige le bricolage en (in)discipline littéraire au service d’un art polymorphe.
Au fond, j'attends que les livres deviennent des usuels. Vous savez, cette vieille expression de l'avoir avec soi et pouvoir l'ouvrir, donc finalement ne jamais le lire. Le problème des livres si on réfléchit bien, c'est que si on les adore, on est presque obligé de les fermer, si on les déteste, on les jette. Moi, j'ai un drôle de rapport avec ces objets. J'ai envie de les rendre un peu éternels en les attaquant de tous les côtés, comme si je me produisais une décharge électrique à chaque fois.
L'écrivain nous raconte l'élaboration de L'Art Poétic, son premier ouvrage :
Un jour, après avoir fait pendant des années des poèmes assez complexes, en ouvrant des grammaires génératives un peu bizarre des années 80, j'ai tout d'un coup eu des énoncés sous les yeux tellement beaux que j'avais envie tout simplement de les découper. On appelle ça maintenant "cut up" mais je n'avais aucune prétention. Je ne me prenais pas pour Wiliam Burroughs, je n'étais pas un artiste. J'étais simplement quelqu'un qui découpait des choses qui le bouleversaient et qui étaient des choses élémentaires faites effectivement avec la grammaire, c'est à dire la langue de tous et l'endroit où on n'est pas censé lire.
La grammaire contient la poésie, donc il suffisait pour moi de la prendre, de la déplacer et d'agencer pour faire des espèces de ritournelles, de chansons, de manière assez désinvolte et ça a été une très belle expérience. Au point d'ailleurs que je n'ai pas pu la refaire. J'ai fait ce livre seulement de poésie, j'ai fait un opéra pour Pascal Dusapin en utilisant la même méthode. Mais au fond, tout ça m'a amené curieusement à faire des romans, c'est à dire à chercher par d'autres moyens et par le labeur des formules équivalentes avec cette fraîcheur que j'avais rencontré par hasard.
Olivier Cadiot jongle entre la poésie et le roman ou le roman et le théâtre sans cesser de mêler les registres sérieux et comiques. Influencé par la poésie répétitive de Gertrude Stein et la musique répétitive de Philip Glass ou Steve Reich, l’auteur joue lui-même sur la répétition de mêmes motifs, notamment de son personnage Robinson qu’il réactive et confronte à des histoires différentes dans ses romans. On a pu suivre ses aventures dans Futur, ancien, fugitif (1993), Le Colonel des Zouaves (1997) Retour définitif et durable de l’être aimé (2002), Fairy queen (2002), Un nid pour quoi faire (2007), Un mage en été (2010) et d’autres.
Ca m'a beaucoup fait de bien l'arrivée du répétitif parce que c'était l'équivalent de ce que je pouvais lire avec Gertrude Stein en littérature, c'est à dire de textes merveilleusement en boucle. J'ai lutté contre cette méthode parce que je savais que c'était le point où je pouvais devenir formaliste, m'enfermer dans des méthodes rythmiques. C'est pour ça que je fais moins de lectures publiques aussi, qui me poussent à musicaliser mon travail. Moi, j'ai simplement envie d'essayer de faire des livres où il y a un peu de tout, c'est à dire des livres qui puissent être formels et narratifs.
Dialogue entre les arts
Homme de lettres, Olivier Cadiot n’en reste pas moins un aventurier des mots qu’il confronte à tous types de supports. Côté musique, il a travaillé avec Pascal Dusapin, Benoît Delbecq, ou encore Rodolphe Burger pour qui il écrit régulièrement des textes. Ensemble, ils ont notamment signé Cheval-Mouvement et Hôtel Robinson, des albums où le dadaïsme rencontre l’électro. Coté théâtre, nombre de ses romans sont adaptés sur les planches par son complice Ludovic Lagarde qui puise la matière de ses spectacles dans ses écrits.
Je ne suis pas parolier, je ne suis pas un dramaturge, c'est à dire quelqu'un qui est capable d'imaginer la scène. Je serais un très mauvais scénariste puisqu'il faut aller vers le moment où ça joue, où ça bouge. Et moi, ce qui m'intéresse, c'est de faire ça sur la page. Alors j'ai la chance d'avoir des amis qui prennent des textes de moi et qui les retournent littéralement comme on retourne une chaussette à l'envers et qui les projettent sur scène. C'est eux qui découpent, qui coupent, et qui finalement à des moments retrouvent le manuscrit dans son état original. Tout d’un coup, le texte vous revient comme un scorpion et vous vous dites mais c'est ça que j'ai raconté comme ça. La chose est éclairée par les autres.
Olivier Cadiot s’illustre également en tant que traducteur, une activité qu’il débute par une retraduction de « Les Psaumes », « Le Poème — Cantique des cantiques », et « Osée », dans La Bible parue en 2001 chez Bayard et dirigée par Frédéric Boyer.
Ses actualités : Son roman Médecine Générale a paru aux éditions P.O.L. Pour l'occasion, la lecture en trois épisodes de Médecine générale d'Olivier Cadiot sera à découvrir jeudi 21 janvier à 18h sur le site centrepompidou.fr :
Episode 1 : Lecture de Médecine générale par Olivier Cadiot et dialogue avec Jean-Max Colard
Episode 2 : Lecture de Médecine générale par Olivier Cadiot et Laurent Poitrenaux
Episode 3 : Lecture de Médecine générale par Olivier Cadiot
Présentation:
"Trois personnes ont atteint leurs limites. L’une, ethnologue restée trente ans dans la forêt vierge ne comprend plus les usages de son pays d’origine, un orphelin surdoué sur les routes, et le narrateur, un homme qui n’a pas écouté les bons conseils de son frère et reste obsédé par des questions religieuses. Ils se retrouvent ensemble après de nombreuses péripéties. Ils se comprennent car chacun porte un deuil, chacun cherche une voie de guérison. Ils décident donc de s’associer pour tenter de comprendre ensemble ce qui leur arrive. Mais comment vivre ensemble ? Difficile dans une région perdue et une maison abandonnée. Et à force d’imposer des règles étranges, le narrateur, qui a initié cette aventure collective, crée involontairement une secte.
Il s’agit de se soigner ensemble. Oui, mais de quoi ? Quel est le nom de la maladie de chacun ? Pierre, l’orphelin, celui qui apprend tout par cœur, a l’oreille absolue. Il s’épanouira au piano. Mathilde, l’ethnologue, se trouvera confrontée à une autre forêt, celle des archives familiales, et comprendra la violence extrême de son milieu d’origine. De ces documents funèbres, elle extraira des bribes de mots merveilleux, et deviendra écrivaine sans le savoir. Le seul qui ne guérira pas, c’est le narrateur. Quelle est sa maladie ? Qui le soigne ? Il semblerait qu’il ait une grande capacité de prédiction, il vit tout en vrai après l’avoir rêvé. Cette retraite hors du monde va-t-elle lui profiter ? Quelle médecine peut-il espérer ?" Site de P.O.L.
Sons diffusés pendant l'émission :
- Emmanuel Hocquard interrogé par Claude Royet-Journoud dans l'émission de France Culture “Poésie ininterrompue”, le 22 février 1976.
- Alain Bashung chante “Samuel Hall” sur l'album "Fantaisie Militaire" (1998).
- Knee Play de l’opéra de Philip Glass “Einstein on the beach”, version 1976.
L'équipe
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