Rebecca Dautremer : "Une image ce n'est pas une idée, c'est du matériel"

Rebecca Dautremer
Rebecca Dautremer - Camille Vaugon
Rebecca Dautremer - Camille Vaugon
Rebecca Dautremer - Camille Vaugon
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L’illustratrice jeunesse Rebecca Dautremer s’empare avec virtuosité du monument « Des souris et des hommes » de John Steinbeck dans un roman graphique du même nom. Exploration, en sa présence et au micro d’Arnaud Laporte, du parcours et des imaginaires merveilleux de l’artiste.

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Celle dont le prénom tiré de Rivka en hébreu signifie « être rassasié » ne semble pourtant pas en avoir fini avec l’illustration jeunesse dont elle est aujourd’hui une figure majeure. Rebecca Dautremer signe cet automne « Des souris et des hommes » adapté de l’œuvre-phare du prix Nobel de la littérature John Steinbeck. L’occasion de redécouvrir les errances et les rêves de Georges Milton et de Lennie Small, deux ouvriers agricoles dans le décor des Etats-Unis de la Grande Dépression, le tout sublimé par le crayon délicat et la gouache de Rebecca Dautremer. Avec ses teintes veloutées et une inventivité sans bornes, l’artiste réinsuffle la vie à un classique de la littérature dans ce roman graphique à découvrir aux éditions TISHINA. Au micro d'Arnaud Laporte, Rebecca Dautremer nous en dit plus sur son parcours, son processus de création et ses imaginaires...

Avant tout, le livre, ce n'est pas un dessin ou un style ou une technique, c'est un objet. C'est un rythme d'images et de textes, c'est un volume, une qualité papier, un format, c'est un poids. C'est peut-être par ça que ça commence. J'avais défini un objet lourd, massif, compact. La première décision que j'ai prise, c'est que ça ferait plus de 400 pages. 

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Illustration du roman graphique "Des souris et des hommes" de Rebecca Dautremer, édition TISHINA.
Illustration du roman graphique "Des souris et des hommes" de Rebecca Dautremer, édition TISHINA.
- Rebecca Dautremer

Des doigts de princesse

Dès sa sortie des Arts Décoratifs, Rebecca Dautremer se consacre pleinement à l’édition illustrée pour la jeunesse. En 2003, elle publie son premier album jeunesse intitulé L’Amoureux qui remporte le Prix Sorcières dans la catégorie album_._ La même année, elle co-signe Babayaga avec son mari Taï-Marc le Thanh. Ils renouvelleront leur collaboration pour revisiter Cyrano en 2005, Elvis en 2008, ainsi que pour les cinq volumes de la série Une histoire de Séraphin Mouton (2007 et 2008). 

Les sections illustrations dans les écoles sont remplies maintenant, ce qui n'était pas le cas à l'époque. Il y a beaucoup de demandes de la part des jeunes gens, donc fatalement on est obligé de s'intéresser un peu plus à eux. Mais à l'époque, il y avait une grande déconsidération de la discipline de l'illustration. 

Reine dans le champ de l’illustration, Rebecca Dautremer a surtout marqué les esprits des enfants mais aussi des plus grands avec Princesses oubliées ou inconnues, un best-seller écrit par Philippe Lechermeier et édité comme (presque) toujours par Gautier-Languereau. On y découvre des princesses inspirées et décalées, parfois borgnes ou avec des papillons dans la tête, peintes à la gouache qui est son matériau de prédilection. 

J'aime à discuter avec l'auteur non pas de son travail d'auteur, mais du projet commun. J'ai plaisir à partager une vision du livre à venir. Avec Philippe [Lechermeier], c'est vraiment ce qu'on faisait. Pour ce fameux livre "Princesses", il avait fait une première proposition de texte, puis j'ai pu rentrer en contact avec lui assez rapidement et les choses se sont modifiées et ont évolué petit à petit après nos discussions.

Celle dont le nom sonne comme une invitation au voyage n’hésite pas à nous embarquer vers d’autres horizons, notamment avec La tortue géante des Galapagos (2006), une tragédie en cinq actes pour une coccinelle, un moustique et 8 animaux de ferme, ou encore Nasreddine et son âne d'Odile Weulersse en 2007. Dans chaque ouvrage, l'artiste veille à captiver l'attention des enfants mais aussi de leurs parents. 

Comme sur une scène de théâtre vide, je me fais un peu metteur en scène. Je joue avec mes acteurs, je fais un casting, je travaille avec un décorateur, un éclairagiste, je fais jouer mes personnages puis je prends la photo quand la scène me parait bonne. C'est comme ça que j'essaye de procéder pour créer mes images. 

Tutoyer les contes et légendes 

Depuis une vingtaine d’années déjà, l’artiste met son trait précis et délicat au service d’univers merveilleux où se côtoient l’infiniment petit et l’infiniment grand, peuplés de personnages tout en volumes, sculptés par des clairs-obscurs et un grain velouté. A travers ses nombreuses œuvres, Rebecca Dautremer déploie une esthétique immédiatement identifiable, empruntée autant au théâtre de marionnettes qu’à la photographie, où la couleur et la lumière sont souveraines. Elle rend compte de la riche palette de ses talents en 2009 dans Artbook, une carte blanche donnée par Le Chêne Editeur où elle expose plus de dix années de travail. 

C'est important que les personnages soient très incarnés. C'est ce que je cherche. Même quand j'ai une histoire de petit lapin, il faut qu'il soit vivant, qu'il existe vraiment et qu'on y croit.  

Je n'attends pas que l'idée tombe du ciel et que l'inspiration arrive. Ça n'existe pas. Je ne comprends pas ce que ça veut dire. Une image, ce n'est pas une idée, c'est du matériel, du concret, ce sont des couleurs et des formes, une composition.  A un moment, votre main va devoir poser des lignes, des couleurs, des contrastes, des harmonies colorées. Et vos belles idées ? Ça ne sert à rien quand on fait une image. Il faut arriver à remettre du concret dans vos idées, matérialiser vos intentions. 

Rebecca Dautremer a également tutoyé les contes et légendes avec les films d’animations. Elle a entre autres signé les dessins du film Kerity, la maison des contes de Dominique Monféry. L’illustratrice s’est également aventurée du côté des textes en tant qu’autrice, et ce à de multiples reprises. 

Écrivains dans la guerre
28 min

Son actualité : Des souris et des hommes, roman graphique de Rebecca Dautremer adapté du roman de John Steinbeck, paru aux éditions TISHINA. 

Sons diffusés pendant l'émission : 

  • Ambiance d'orage et de pluie
  • Podcast "L’ombre du doute", saison 1 épisode 1 : “La femme effacée”, réalisation Cédric Chabuel, Radio Canada.
  • Extrait d'un interview de l'auteur Philippe Lechermeier réalisé par La Charte
  • Poème de Rilke lu par Michel Aumont sur une musique de Benjamin Biolay.*
  • “Exordium” de Wax Taylor, album “Dusty rainbow from the dark”.

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