Dans un entretien au long cours au micro de Maylis Besserie, l'essayiste, critique littéraire et écrivain Thomas Clerc revient sur son processus de création et sur les étapes marquantes de son parcours.
- Thomas Clerc Professeur et écrivian
Suite à la parution de son dernier ouvrage Sept et huit neuf (Imec, collection "Diaporama", l'auteur Thomas Clerc se livre à une exploration de son imaginaire littéraire et créatif. Il revient sur ses différents travaux, où la tentative d'épuisement de la réalité matérielle et la démarche introspective construisent une réflexion en mouvement permanent sur la littérature.
Critique littéraire proche de l’art contemporain (il signe des chroniques politiques et littéraires notamment dans Libération, mais également dans Télérama, Le Monde et Le Figaro), essayiste, universitaire, professeur dans le secondaire et puis maître de conférences à Paris X-Nanterre en littérature contemporaine et en stylistique, chroniqueur sur France Culture, performeur à ses heures, préfacier et annotateur des Oeuvres de Guillaume Dustan, éditeur du cours de Roland Barthes sur Le Neutre... Le parcours professionnel de Thomas Clerc est aussi érudit que son analyse de l'actualité politique française, des mouvements profonds qu'il décèle de la littérature contemporaine, et de la tentative d'épuisement littéraire et autobiographique qui caractérise son oeuvre personnelle.
La littérature est une espèce de caverne d'Ali Baba. Je la vois comme une espèce de monstre multiforme et sympathique. J'aime la phrase de Victor Hugo qui dit J'admire tout comme une brute. Je me sens proche de ça, je n'ai pas de préférence pour un genre, j'essaie d'en explorer plusieurs : la nouvelle (L'Homme qui tua Roland Barthes), le roman documentaire (Intérieur), la poésie (Poeasy)... La puissance de la littérature est liée à sa variété.
Thomas Clerc
Déborder les règles
En 1980, Thomas Clerc emménage dans un appartement du cinquième arrondissement de Paris, sans savoir que c'est dans ce même immeuble que Georges Perec a écrit Les Choses, ouvrage que l'auteur oulipien définissait comme une expérience de l'installation. Rêvant de l'avoir croisé sans le savoir, Thomas Clerc se sait imprégné de la précision de Perec, de son quadrillage serré de la réalité. Avec Paris, musée du XXIème siècle. Le dixième arrondissement et Intérieur, Clerc tente lui aussi d'approcher les choses par leur matérialité sensible.
J'essaye de toucher l'universel, en ne partant jamais de l'universel, mais d'une réalité concrète, matérielle, partagée et partageable par tout le monde. Ce qui me distingue de Perec est que j'ai besoin que le corps soit en mouvement. Mon quadrillage est toujours débordé, la règle est respectée mais quelque chose vient désordonner l'ordre que je me fabrique. C'est ce désordre qui m'intéresse, et pour l'exploiter j'ai besoin d'arpenter, d'entrer en contact avec les gens, de faire une exploration totale. Dans la déambulation, il y a quelque chose d'inattendu, une découverte qui rompt le schéma initial et dans laquelle je trouve une liberté.
Thomas Clerc
La question du mal
La littérature de Thomas Clerc se construit sur un double degré : poser les règles pour laisser l'écriture y résister et les déborder, produire et conserver une émotion sans pour autant être dupe de cette émotion. En janvier 2021, il publie dans la collection "Diaporama" de l'Institut Mémoires de l'édition contemporaine Sept et huit neuf, un opuscule qui, en observant le mythique film western Les Sept mercenaires, examine les différentes figures de l'écrivain et de l'écriture. L'auteur se focalise sur un film de son enfance pour en commenter les images, suivant leur chronologie, du générique de début jusqu'au rugissement du lion qui ferme les films produits par Metro-Goldwyn-Mayer. En dialoguant avec les images et la codification simple des personnages du films, l'auteur éprouve sa propre écriture et définit son rôle d'écrivain par autant d'identification que de distanciation.
Il y a dans ce film une simplicité de l'intrigue que je trouve très belle. L'art populaire est un art d'adhésion : on peut adhérer si c'est simple. Ce que je ne fais pas moi-même, car j'ai des dispositifs très sophistiqués, mais j'aime m'emparer d'un objet populaire pour me l'approprier et le rendre plus sophistiqué qu'il n'est en réalité.
Thomas Clerc
Aucun genre ne peut prétendre représenter la littérature. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai une méfiance pour le roman, qui est la forme de la domination. Il y a au moins sept mercenaires, sept façons d'envisager la littérature.
Thomas Clerc
Définissant l'essence d'un film simple et populaire comme sa binarité, son opposition du bien et du mal, Thomas Clerc explore la question du mal, à laquelle il estime qu'il est inévitable de se confronter pour faire de la littérature. Le crime dans L'Homme qui tua Roland Barthes, l'absurdité aliénante de la propriété d'Intérieur...
Chacun de mes livres est travaillé par cette question du mal, qui est plus forte que moi, que nous tous, en ce sens qu'elle est au principe de l'écriture. On trouve les solutions en fonction du livre qu'on écrit. Je n'ai pas un fétichisme particulier pour le fait de raconter une histoire.
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