Timothée de Fombelle : "J'aime l'ampleur des histoires"

Timothée de Fombelle
Timothée de Fombelle - Chloé Vollmer - Editions Gallimard
Timothée de Fombelle - Chloé Vollmer - Editions Gallimard
Timothée de Fombelle - Chloé Vollmer - Editions Gallimard
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L’écrivain Timothée de Fombelle, un artisan de la littérature jeunesse à l’imagination fourmillante, signe deux nouvelles pépites intitulées Le livre bleu et Alma. Le vent se lève. Au micro de Lucile Commeaux, il nous ouvre les portes de sa création le temps d’un entretien au long cours.

Avec

Hier enseignant et dramaturge, aujourd’hui écrivain à succès et auteur de best-sellers, Timothée de Fombelle a fait de l’enfance son royaume. De livres en livres, d’histoires en histoires, il tisse une œuvre sensible qui accompagne les jeunes lecteurs et lectrices dans leurs propres voyages. 

Récemment, De Fombelle a signé Alma. Le vent se lève, le premier volume d’une nouvelle saga qui met en scène l’histoire d’une jeune Noire au temps de l’esclavage. Le déracinement, l’exil et la liberté – trois thèmes qui courent toute sa littérature – sont au cœur de cette histoire passionnante dont on devrait découvrir la suite à la rentrée prochaine. En attendant, l’auteur a fait également paraître Le Livre bleu, une petite pépite illustrée aux Editions Belin jeunesse. L’occasion de revenir, en sa présence et au micro de Lucile Commeaux, sur le parcours et les imaginaires d’un auteur à l’inventivité débordante. 

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Au royaume de l’enfance 

Pour Timothée de Fombelle, l’enfance est un territoire dont il ne cesse encore aujourd’hui de partir à la conquête. Dans ses récits comme dans sa propre vie, territoires réels et territoires imaginaires se confondent, ils sont sources d’évasion et d’exploration. Durant son enfance, le futur auteur s’échappe de Paris avec sa famille au Maroc et en Côte d’Ivoire et fait de ses étés sur les îles de la Sèvre nantaise de vraies pages blanches. Chaque aventure est l’occasion de créations, De Fombelle consacre ses jeunes années en un laboratoire permanent. Avec sa plume, il poursuit aujourd’hui l’enfance par d’autres moyens… 

Le cycle de la vie, c'est le retour des étés. [...] Ces étés sont comme des iles qui font une forme d'archipels dans lesquels je reviens avec ma pioche chercher la matière de mes histoires.  

Après des débuts de dramaturge amateur, d’abord avec ses cousins et cousines l’été puis avec sa troupe en parallèle de lycée, Thimothée de Fombelle fait du théâtre son activité professionnelle et crée Le Phare avec l'acteur Clément Sibony. La pièce a été récompensée par le « Prix du Souffleur » 2002. On lui doit également Je danse toujours, une pièce sur la fragilité, mais aussi la comédie avec Rose Cats. L'auteur a également été enseignant de français durant un temps, il revient sur cette expérience : 

J'en garde une confrontation à la réalité de la place de l'école, de la rencontre avec le livre qui peut se faire pour n'importe qui. C'est-à-dire que n'importe quel enfant peut avoir tout à coup le choc et ce rendez-vous ne doit pas être manqué. Il faut donc savoir mettre le bon livre dans les bonnes mains. 

En 2006, la nuit même où sa fille est née, Timothée de Fombelle achève l’écriture de son premier roman. Ce sera Tobie Lolness, l’histoire d’un ado d’un millimètre et demi dans un arbre univers. Couché sur le papier, ce récit initiatique devient un immense succès en librairie, il est traduit en 28 langues et reçoit de nombreux prix littéraires à travers le monde. Au premier volume, La Vie suspendue, s’ajoute ensuite un deuxième intitulé Les Yeux d'Elisha

Tout à coup, j'ai senti qu'il fallait que je raconte cette histoire qui venait de l'enfance. J'ai passé mes étés dans un endroit qui s'appelle "La forêt". Il y a beaucoup d'arbres sur des îles de la Sèvre nantaise et j'avais une passion pour eux. Très vite, j'ai imaginé ces mondes, cette petite humanité qui vit suspendue dans un arbre.  

J'étais plutôt à chercher le chemin le moins fréquenté, essayer toujours de tracer un chemin qui n'existe pas. Et tout à coup, je me permettais d'emprunter les chemins du conte, ceux de la parabole, du roman d'aventures, du roman historique, du roman romantique, du roman à l'eau de rose... J'ai réalisé que tout ce que j'aime comme lecteur, c'est une littérature généreuse qui raconte des histoires. Toby Lolness c'était deux volumes de 400 pages et ça a été mon passeport ensuite pour pouvoir continuer à tracer mon chemin d'auteur.  

Être et savoir
58 min

Le récit initiatique comme marque de fabrique

Héritier du roman fleuve classique du XIXe siècle autant que de la tradition feuilletoniste, Timothée de Fombelle aime à suivre ses personnages dans leurs quêtes

Je n'ai pas peur un instant de leur faire traverser des choses rudes, toutes les ombres de la vie. Mais malgré tout, il y a quand même le rayon de lumière au bout du couloir qui doit être là. Peut-être que cette vision idéalisée que j'ai de l'enfance est un de mes outils de travail. 

Mon combat d'auteur, en m'adressant aux enfants, aux jeunes lecteurs, c'est aussi de fabriquer des adultes. 

Après Tobie Lolness, il poursuit l’aventure avec une autre saga initiatique intitulée Vango, mais aussi _Entre ciel et terre__,_ Un prince sans royaume ou encore Le Livre de Perle. L’auteur jeunesse a également signé Georgia, un album dédié à l’association SOS village d’enfant et accompagné d’un disque orchestré par l’ensemble Contraste ; mais aussi Gramercy Park avec aux dessins Christian Cailleaux ; ou encore Brune, un livre spécialement conçu pour les enfants dyslexiques. L'écrivain nous explique les spécificités et les enjeux de la littérature jeunesse :  

Je ne m'adapte pas, mais je m'adresse. C'est une littérature adressée à quelqu'un et c'est ce que j'aime. Je réalise là qu'il y a quelque chose de la continuité avec le théâtre où on s'adresse à quelqu'un qui est là et qui va dormir, partir ou rester et applaudir à la fin. Et moi, j'ai ce jeune lecteur qui est comme ça, très volatil, volage. Il peut nous échapper à tout moment. [...] Pour moi, ce devoir de clarté, de tenir le lecteur, de lui promettre beaucoup mais de tenir sa promesse après, c'est pour moi les règles de la littérature en général. 

Chez Timothée de Fombelle, la littérature jeunesse est affaire d’artisanat. Dans son atelier cabane, sorte de cachette dédiée à l’enfance, il n’est pas question d’écrire des livres sinon de les fabriquer. Ses livres sont les fruits d’un important processus de documentation durant lequel le réel imprime l’imaginaire. Il en découle une écriture à la fois informée et sensible, fragile dans son plus noble sens. 

C'est extraordinaire d'avoir cette légèreté de trois cahiers, un ordinateur et cette possibilité, normalement, de travailler nulle part. Mais malgré tout, j'ai besoin de l'établi. [...] L'écriture, ça se fait à mains nues. Il y a un moment où on lâche tout. 

À réécouter : Lectures d'enfance
lectures d'enfance

Ses actualités : Le livre bleu a paru en janvier aux Editions Belin jeunesse. Son livre Alma paru en juin 2020 chez Gallimard Jeunesse est également à retrouver en librairies.  

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