Véronique Pittolo : "J'avais une vision de la littérature, de l'écriture et de la mémoire qui ressemblait à des plans séquences"

Véronique Pittolo
Véronique Pittolo - Bénédicte Roscot-Pleutin - Editions du Seuil
Véronique Pittolo - Bénédicte Roscot-Pleutin - Editions du Seuil
Véronique Pittolo - Bénédicte Roscot-Pleutin - Editions du Seuil
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Jusqu’ici poétesse, performeuse et animatrice d’ateliers d’écriture, Véronique Pittolo ajoute une corde à son arc en signant son premier roman, « A la piscine avec Norbert », aux éditions du Seuil. Au micro d’Arnaud Laporte, elle raconte son parcours, ses procédés et ses inspirations.

Entrée dans l’art d’abord par goût pour le cinéma puis par des études d’histoire de l’art, Véronique Pittolo s’illustre depuis les années 1990 du côté de la littérature et plus particulièrement de la poésie.  Elle est l’autrice de plusieurs projets multimédias et d’une quinzaine de livres, ainsi que la lauréate du prix de poésie de la Société des Gens de Lettres en 2004 et du prix de poésie Yvan Goll en 2009. Avec À la piscine avec Norbert paru aux éditions du Seuil, l'écrivaine s’aventure pour la première fois du côté du roman. On y retrouve son sens de l’observation aiguisé, quasi sociologique, et son engagement féministe qui avaient innervé sa poésie, le tout mis au service d’un portrait de femme haute en couleur aux prises avec la drague en ligne et les plans d’un soir. Au micro d’Arnaud Laporte, Véronique Pittolo nous en dit plus sur son processus créatif, ses imaginaires et son parcours. 

La grande question quand on passe de la poésie, du souci de la belle phrase, de l'aphorisme, à un sujet plus trivial comme l'arrogance du capitalisme, les dividendes ou les retraites-chapeaux des grands patrons, c’est est ce qu'on peut encore être dans le registre esthétique de la poésie ?  

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Le défi que je m'étais lancé et que je ne m'étais jamais autorisé avant c'est d'inventer un personnage, puisque Norbert est une invention, un personnage de fiction. 

Entre prose et poésie 

Si Véronique Pittolo signe aujourd’hui son premier roman, on la connaissait jusqu’ici pour sa poésie critique à la croisée des genres. Depuis Montage, un objet poétique singulier, l’autrice pratique une écriture narrative entre prose et poésie qui prend pour matériaux et motifs des personnages ou des évènements qui participent de l’imaginaire collectif et tente de déchiffrer leurs langages. D'œuvres en œuvres, le style de l'artiste évolue, elle nous en dit plus à ce sujet :

Il y a une sorte de migration identitaire de mon écriture qui est passée de la critique d'art à la poésie. Maintenant, c'est plus un roman mais je vais revenir à la poésie dans les projets futurs. Donc, c'est assez mouvant. La critique d'art oblige à argumenter, à expliquer une œuvre, avoir une pensée précise et la précision de ma poésie, de mes phrases et formules peut venir aussi d'une parole critique.

A travers chaque archétype, que ce soit du côté des stéréotypes enfantins avec Shrek et Chaperon loup farci,  du côté du cinéma dans Gary Cooper ne lisait pas de livres ou de l’évènement historique avec La Révolution dans la poche, Véronique Pittolo interroge les acteurs mais aussi les mécanismes et les lieux de production du rêve, de l’artifice, tout en analysant ce qu’ils produisent sur nous.

Notre enfance collective, notre patrimoine ou matrimoine est fait aussi des images "triviales" de la télévision. Je suis tout autant une enfant de la littérature que du cinéma, de la télévision et des films d'animation. Shrek, je l'ai vu en 2003. Ça m'a frappé dans le stéréotype du clivage bon/méchant ogre/gentil, ogre/méchant. C'est très intéressant de revisiter tous ces clichés avec ce terreau enfantin et la culture populaire. Ça peut parler à tout le monde et je peux aussi en parler à des élèves de CE2 ou de 6ème pour des ateliers d'écriture. 

La poétesse s’est également emparée de la question des représentations féminines et de la place du féminin dans l’art occidental comme dans Hélène Mode d’emploi et Opéra isotherme, respectivement sur Hélène de Troie et Maria Callas.

"Hélène Mode d'emploi" c'était pour revisiter un modèle mythologique mais aussi pour parler de la femme contemporaine, de la question de l'aliénation, de la séparation car Hélène se sépare de Ménélas. Il y a quelque chose de l'ordre de la fragilité et de la difficulté du féminin.

Fictions / Micro Fiction | 12-13
7 min
Fictions / Micro Fiction | 12-13
7 min

L'art en médiation 

Artiste multimédiale, Véronique Pittolo se plaît à transposer à l’oral la matière écrite. Elle a ainsi a réalisé des performances multimédia, des poèmes sonores, des lectures publiques, et même une série de fictions radiophoniques sur France Culture dont les cinq épisodes sont proposés à l'écoute sur cette page.

La voix parlée est importante parce que je fais souvent des lectures à voix haute. Je trouve ça important pour donner du relief à un texte, le faire vivre. 

La transmission et la pédagogie sont également au cœur du parcours de Véronique Pittolo. L’artiste anime régulièrement des ateliers d'écriture pour les enfants, étudiants et adultes, aussi bien dans l'Education nationale, que dans des comités d’entreprise, des écoles d'art, et même des hôpitaux. Son ouvrage On sait pourquoi les renards sont roux est ainsi le fruit d’un atelier réalisé avec des patients hospitalisés à l’Institut Gustave-Roussy.

C'est quelque chose de presque politique, une sorte d'acte de citoyenneté. Ce n'est pas anodin d'entrer dans la chambre d'un enfant ou d'un adolescent malade du cancer. Donner, apporter une dose d'imaginaire et d'évasion ça paraît bête comme ça, mais il y a quelque chose de vraiment important pour moi dans la présence de la littérature et de la lecture aussi dans ces lieux-là.

Fictions / Micro Fiction | 12-13
7 min
Fictions / Micro Fiction | 12-13
7 min
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7 min

Son actualité : A la piscine avec Norbert, paru le 7 janvier au Seuil, est son premier roman. Véronique Pittolo fait également partie de la programmation du Festival Dire organisé par la Rose des Vents. 

Présentation : "À l’approche de la soixantaine, une femme doit faire des efforts pour atténuer les rides et bien choisir ses petites culottes, surtout quand elle n’a pas la silhouette d’Ursula Andress. Des efforts, l’héroïne de ce roman en fait encore, le soir, pour rompre sa solitude sur les sites de rencontre, livrée aux faux-semblants du virtuel. Avec Norbert (rencontré sur Meetic), elle baise, elle va à la piscine, elle parle de tout, de sexe, du salaire des patrons du CAC 40, des migrants, de #Me too, de sa future (toute petite) retraite. Elle lui parle de poésie, il répond T’as pas d’autres sujets en réserve ? Il cite la sélection de l’équipe de France, elle préfère Kafka, il la voudrait en robe, elle préfère les pantalons. À part ça, ils s’entendent bien. À la piscine avec Norbert est un texte cru, drôle et enjoué, une réponse féminine et féministe aux Houellebecq de tous bords." Seuil

Sons diffusés pendant l'émission :

  • Extrait du film “Deux ou trois choses que je sais d’elle” de Jean-Luc Godard, 1967.
  • "Sea Song" de Robert Wyatt sur l'album "Rock Bottom", 1970.
  • “L’amour, l’argent, le vent” de Barbara Carlotti sur l'album éponyme, 2012.

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