Comment analyser le vol détourné par le régime d'Alexandre Loukachenko, le 23 mai dernier ?
- Tatiana Kastouéva-Jean Directrice du Centre Russie/Eurasie de l'Ifri
- Alexandra Goujon Maîtresse de conférences à l’Université de Bourgogne, enseignante à Sciences Po Paris et spécialiste de l’Ukraine et de la Biélorussie
- Cyrille Bret maître de conférences à Sciences Po Paris et co-auteur du blog EurAsiaProspective.net.
- Amélie Zima Docteure en science politique et chercheuse au Centre Thucydide (Université Panthéon-Assas)
« Abject, inacceptable, sans précédent, piraterie d’état, acte terroriste d’un état criminel »…. Depuis dimanche dernier et le détournement par la Biélorussie d’un vol Ryanair et de ses 170 passagers pour s’emparer d’un opposant au régime, le langage des chancelleries est sorti du corset traditionnel.
Durcissement autoritaire
Les gouvernements occidentaux ont rivalisé d’épithètes pour condamner les agissements d’Alexandre Loukachenko, qui préside depuis 27 ans aux destinées de ce pays tampon entre la Russie et l’Union Européenne, le dernier despote à la mode stalinienne sur notre continent.
Vendredi, à Sotchi, Vladimir Poutine a reçu son féal avec ce mélange de dédain et de fausse bonhomie qui, selon certains, fait son charme. Mieux que les messages de soutien, une façon pour le Kremlin de signifier aux Occidentaux que certes les deux dirigeants ne sont pas sur le même pied mais qu’ils ont maintenant partie liée.
Unité, rapidité, sanctions : cette fois l’Union Européenne n’a pas tergiversé, l’espace aérien biélorusse est contourné, des mesures sectorielles vont frapper l’économie biélorusse et ses dirigeants. Embarrassée et divisée à chaque fois qu’il lui faut définir sa politique vis à vis de Moscou, l’Europe est néanmoins au pied du mur.
Comment réagir face à une Russie au discours anti-occidental de plus en plus offensif, au recours croissant aux cyberattaques, en plein durcissement autoritaire elle aussi ? Comment protéger en Lituanie, en Pologne, en Ukraine et ailleurs les milliers de Biélorusses qui ont fui la répression et qui maintenant craignent pour leur sécurité ?
Dix mois après sa réélection contestée, le président biélorusse muscle son régime, emprisonne à tour de bras ; le pire est à craindre pour Roman Protassevitch et sa compagne, capturés en plein ciel, l’opposition faiblit, et l’isolement du pays aggrave la situation.
L’opération biélorusse, spectaculaire, fait-elle le jeu de Vladimir Poutine ou lui complique-t-elle la partie ? Que peuvent les démocraties face à un tel mépris des normes juridiques internationales ? Le Conseil de Sécurité est impuissant, l’OTAN temporise, le Royaume Uni prépare le G7, Emmanuel Macron demande qu’on y invite la dirigeante de l’opposition biélorusse, et le 16 juin prochain, Joe Biden rencontrera Vladimir Poutine à Genève. Que pèse donc l’Europe en de telles circonstances ?
Christine Ockrent reçoit Tatiana Kastoueva-Jean, directrice du Centre Russie/NEI de l'Ifri, autrice de « La Russie de Poutine en 100 questions » (Tallandier, 2020)
Alexandra Goujon, maîtresse de conférences à l’université de Bourgogne, rattachée au Centre de recherche et d’étude en droit et science politique (Credespo), autrice d’un article intitulé « L’Ukraine face aux crises », dans le Ramsès 2021
Cyrille Bret, maître de conférences en géopolitique à Sciences Po Paris, auteur de « Dix attentats qui ont changé notre monde : comprendre le terrorisme au XXIe siècle » (Armand Colin, septembre 2020)
Amélie Zima, chercheuse au Centre de civilisation française de l’Université de Varsovie, autrice de “L’OTAN”, (Que Sais-Je, avril 2021)
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