Daech aujourd'hui

Irak : Panneau d’affichage de l’Etat Islamique au milieu de la route (8 nov. 2016) à Qaraqosh, à 32 km au sud-est de Mossoul. Cette ville, largement détruite avec toutes les églises brûlées ou lourdement endommagées, a été prise par l’EI en août 2014
Irak : Panneau d’affichage de l’Etat Islamique au milieu de la route (8 nov. 2016) à Qaraqosh, à 32 km au sud-est de Mossoul. Cette ville, largement détruite avec toutes les églises brûlées ou lourdement endommagées, a été prise par l’EI en août 2014 ©Getty - Photo par Chris McGrath/Getty Images - Getty
Irak : Panneau d’affichage de l’Etat Islamique au milieu de la route (8 nov. 2016) à Qaraqosh, à 32 km au sud-est de Mossoul. Cette ville, largement détruite avec toutes les églises brûlées ou lourdement endommagées, a été prise par l’EI en août 2014 ©Getty - Photo par Chris McGrath/Getty Images - Getty
Irak : Panneau d’affichage de l’Etat Islamique au milieu de la route (8 nov. 2016) à Qaraqosh, à 32 km au sud-est de Mossoul. Cette ville, largement détruite avec toutes les églises brûlées ou lourdement endommagées, a été prise par l’EI en août 2014 ©Getty - Photo par Chris McGrath/Getty Images - Getty
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Si le proto-État érigé par Daech en Irak et en Syrie s’est écroulé, l'Etat islamique n'est cependant pas vaincu. La mouvance djihadiste reste très active et menace toujours ses anciens territoires et au-delà, partout dans le monde, par l'arme du terrorisme. De quelle manière Daech s'est transformé?

Avec
  • Ilhan al Jammas Médecin psychiatre, doyenne de la Faculté de Médecine de Mossoul
  • Hosham Dawod chercheur au CNRS, anthropologue et spécialiste de l’Irak
  • Milo Rau metteur en scène
  • Yohann Youssef Towaya, Professeur des universités à Mossoul
  • Jean-Pierre Filiu Professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain
  • Marc Hecker Directeur de la recherche et de la valorisation de l'Ifri et rédacteur en chef de la revue Politique étrangère.

Autour de Christine Ockrent :

Jean-Pierre Filiu,  professeur des universités en histoire du Moyen-Orient contemporain à Sciences Po. Il a récemment publié Main basse sur Israël : Netanyahou et la fin du rêve sioniste à La Découverte et chez le même éditeur, Généraux, gangsters et jihadistes, histoire de la contre-révolution arabe (2018), Les Arabes, leur destin et le nôtre (prix Augustin-Thierry des Rendez-vous de l'Histoire en 2015) et  Le Miroir de Damas. Syrie, notre histoire(2017_)_.  Enfin sur des dessins  David B. il a publié Les meilleurs ennemis : une histoire des relations entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient : 1783-2013 (Futuropolis, 2018). L'historien tient le blog "Un si Proche Orient" parmi ses derniers posts sur l'Irak :  Le défi de Baghdadi à la France (5 mai 2019), Printemps fragile à Mossoul (7 avril 2019)

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Abou Bakr al-Baghdadi dans la vidéo diffusée le 29 avril. Capture d'écran accompagnant le post de JP Filiu "Le défi de Baghdadi à la France" 5 mai 2019
Abou Bakr al-Baghdadi dans la vidéo diffusée le 29 avril. Capture d'écran accompagnant le post de JP Filiu "Le défi de Baghdadi à la France" 5 mai 2019
- al-Baghdadi/Blog de JP Filiu "Un Si Proche Orient"

"La vidéo d'al-Baghdadi,  c'est la pire nouvelle, sur le plan médiatique et symbolique, qui pouvait arriver à la Coalition, qui a englouti des dizaines de milliards d'euros, entrainant des dizaines de milliers de victimes, pour mettre à bas ce califat illégitime. Pendant que la coalition préparait la chute du territoire, l'État Islamique avait déjà préparé la phase suivante, la phase actuelle, celle de la clandestinité, des réseaux qui agissent sur un mode beaucoup plus insurrectionnel, sans territoire donné. C'est une phase terroriste de longue haleine".

"Daech fait de la politique et ceux qui prétendent le combattre n'en font pas. Et ça c'est terrible. On a une réponse exclusivement militaire, des arrangements avec les principes déclarés d'État de droit, les principes éthiques, au nom d'une supposée real politik qui n'est absolument pas réaliste. Vous étiez à Mossoul récemment, la reconstruction n'a pas commencé, parce qu'elle est complètement grévée par la corruption, par les réseaux mafieux. Il y a eu une libération de Daech, il y a près deux ans, mais il n'y a rien eu après. Les États-Unis dépensent chaque année  près de 14 milliards de dollars en termes militaires en Irak. Vous imaginez ce qu'on pourrait faire avec cet argent, s'il y avait un projet politique. Daech va prospérer sur ces contradictions. Il faut une une politique basée sur des principes très clairs - et en démocratie, c'est l'Etat de droit et l'État de droit est ce qui marche le mieux par rapport au djihadistes". 

"On se retrouve aujourd'hui avec une sorte de trou noir et des populations totalement abandonnées, Daech a des très beaux jours devant lui, en Syrie, en Irak. Le grand récit, cette propagande qui se nourrit de nos contradiction, va continuer le recrutement."

Hosham Dawod,  anthropologue, Anthropologue au CNRS, spécialiste de la société irakienne et membre de l’Observatoire des radicalisations à la Fondation Maison des sciences de l’homme. Il a dirigé, La constante tribu, variations arabo-musulmanes? Demopolis (2013).

"À l'intérieur de Daech, al-Baghdadi est contesté. Il y a une défaite. L'État islamique a été défait. Baghdadi revient au premier stade, ce qu'on appelle "l'administration de la sauvagerie"(...)  ou la diffusion du terrorisme (...). Curieusement  l'État islamique a été défait mais le nombre des djihadistes se trouve multiplié à l'échelle internationale (...). Daech a beaucoup de moyens financiers".

Marc Hecker, Chercheur au Centre des études de sécurité de l'Ifri, directeur des publications de l'Ifri et rédacteur en chef de Politique étrangère. Il a notamment publié avec Elie Tenenbaum Quel avenir pour le djihadisme ? Al-Qaïda et Daech après le califat” dans Focus stratégique, n° 87, janvier 2019. Le dernier numéro de Politique Etrangère, la revue de l’Ifri a pour thème  “ 2019-2029: quel monde dans 10 ans ? (vol. 84, n° 1, printemps 2019).

"Depuis 2014 il y a cette lutte fratricide dans la mouvance djihadistes, entre Al Qaïda et Daech. Il y a une spécificité sahélienne, l'opposition ne semble pas si forte qu'ailleurs. Il n' y a pas eu de gros affrontements comme en zone syro-irakienne. En zone sahélienne, ils se sont évités. Il semblerait même qu'il coopèrent. Il y a eu des échanges, des discussions de cadres. (...)"

Les deux otages Français enlevés dans le nord du Bénin, qui ont été récemment secourus, devaient être livrés aux djihadistes de Katiba Macina ( HuffPost, "Qu'est-ce que le la Katiba Macina, le groupe terroriste impliqué dans la prise d'otages?" (10 mai 2019)

Capture d'écran de France 24 : extrait d'une vidéo de propagande de l'organisation terroriste Katiba Macina publiée fin février 2019,  HuffPost, "Qu'est-ce que le la Katiba Macina, le groupe terroriste impliqué dans la prise d'otages?" (10 mai 2019)
Capture d'écran de France 24 : extrait d'une vidéo de propagande de l'organisation terroriste Katiba Macina publiée fin février 2019, HuffPost, "Qu'est-ce que le la Katiba Macina, le groupe terroriste impliqué dans la prise d'otages?" (10 mai 2019)
- Katiba Macina/France 24/Huffpost

"Le groupe katiba Macina, aussi appelée le Front de libération du Macina, crée en 2015 est dirigé par un Peul. Ce qui montre qu'Al Qaïda a une stratégie d'implantation. Il y a la volonté de montrer qu'ils ne travaillent pas qu'avec des Arabes (...). Ce groupe katiba Macina ce sont des Peuls, avec des appels à l'insurrection des Peuls dans la zone, ce qu'il faut vraiment suivre de près."

Milo Rau, metteur en scène, directeur du   NTGent (Théâtre national de Gand), en Belgique. A partir de L’Orestie d’Eschyle, il a conçu " l'Orestie d'aujourd'hui" et monté Oreste à Mossoul ...

"Je souhaite mettre en relation la confrontation de la tragédie antique avec, d’une part, la situation dans  le nord de l’Iraq — d'où Oreste à Mossoul — et, d’autre part, avec la vie de  mes acteurs. Nous avions déjà visité le  nord de l'Irak pour Empire et l'ancienneté extrême de ces cultures (Eschyle a  écrit sa trilogie environ 5000 ans après la fondation de Ninive, situé dans les faubourgs actuels de la ville moderne de Mossoul), l'actualité de ces images m'a toujours étonné. Vous vous trouvez dans l'antiquité de l'Antiquité, dans des cultures qui avaient déjà des histoires du monde entier derrière elles, avant la naissance de la Grèce. En même temps, vous vous retrouvez, pour ainsi dire, dans des images que vous voyez à la télévision" (extrait du dossier de presse)

Oreste à Mossoul, spectacle créé le 2019/04/17 au NTGent mise en scène de Milo Rau
Oreste à Mossoul, spectacle créé le 2019/04/17 au NTGent mise en scène de Milo Rau
- Milo Rau / Fred Debrock (photo)

"De retour à Sinjar et cette fois encore à Mossoul, j’ai été frappé par les divers liens qui vont de L’Orestie à la situation actuelle dans  la région : le thème de la chaîne incas- sable de meurtres et de vengeances, le  désir pour une auto-détermination et la démocratie et son impossibilité, les relations meurtrières et enchevêtrées entre le Moyen-Orient et l'Europe — l'industrie pétrolière et les politiques connectées du pouvoir. Au cours de la troisième phase de préparation, qui  a duré plusieurs mois, nous avons tra- vaillé sur les questions centrales du  « réalisme mondial ». Quel est le but  d'une collaboration entre acteurs européens et irakiens, entre l'Irak et l'Europe, entre des artistes de Mossoul qui  viennent de renaître du cauchemar de l'EI et les possibilités esthétiques d'un  théâtre d’Europe de l’Ouest" (extrait du dossier de presse).

Les dates de présentation du spectacle Oreste à Mossoul en France :

Ilhan al Jammas, Médecin psychiatre, doyenne de la Faculté de Médecine de Mossoul

Distribution vivres par la Fondation Mérieux à Mossoul ; Dr. Ilhan am Jammas ; Orphelines yesidis rescapées de Daesh
Distribution vivres par la Fondation Mérieux à Mossoul ; Dr. Ilhan am Jammas ; Orphelines yesidis rescapées de Daesh
© Radio France - Christine Ockrent

Yohann Youssef Towaya, Professeur des universités à Mossoul

Irak : vêpres catholiques syriaques près de Qaraqosh (mai 2019)
Irak : vêpres catholiques syriaques près de Qaraqosh (mai 2019)
© Radio France - Christine Ockrent

La revue de presse d'Eric Chol, Directeur de la rédaction de Courrier International

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