Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan: ils sont 5 au coeur de l'Asie centrale et au carrefour de plusieurs influences et défis. Jusqu’où le Kremlin a-t-il gardé la main sur ces pays frontières ? Comment la Chine cherche-t-elle maintenant à imposer son jeu ?
- Julien Vercueil Maître de conférences en sciences économiques, INALCO, Rédacteur en chef adjoint de la Revue de la Régulation
- Julien Thorez Chargé de recherche au CNRS dans L’Unité Mixte de Recherche « Mondes iranien et indien ».
- Philippe Le Corre Chercheur au Asia Society Policy Institute et professeur invité à l'ESSEC
- Didier Chaudet Chercheur associé à l’IFEAC
Prenons le large ce matin, éloignons-nous de l’Amérique de Monsieur Trump, des incertitudes de l’Europe post brexit, et de la guerre au Moyen Orient. Partons à la découverte de ces pays qui sont à la charnière géographique, politique, économique de plusieurs empires et qui tentent, chacun à sa manière, d’en tirer le meilleur profit.
Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Ouzbékistan, Turkménistan : ces 5 pays d’Asie centrale, à majorité musulmane, conjuguent plusieurs des défis que la mondialisation impose aux émergents, tout en s’accommodant tant bien que mal, des ambitions rivales de la Russie et de la Chine. Indépendants depuis l’écroulement de l’Union Soviétique, il y a 25 ans, ces 5 pays en « -stan », comme le disent certains experts, sont aux mains de dictateurs, formés à l’ancienne, inquiets des visées djihadistes venus de l’Afghanistan voisin.
Jusqu’où le Kremlin a-t-il gardé la main sur ces pays frontières ? Comment la Chine cherche-t-elle maintenant à imposer son jeu ? Les pays d’Asie centrale font-ils partie commune ou rivalisent-ils, en fonction de leurs atouts, énergétiques, en particulier ? Que font là-bas les États-Unis et l’Europe ?
Autour de Christine Ockrent :
Julien Vercueil, maître de conférences de sciences économiques à l'Institut national des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO). Il a publié "L' Union économique eurasiatique vue d'Asie centrale et de Moscou" dans le prochain numéro de Questions Internationales (23 novembre 2016), " L'Asie centrale : grand jeu ou périphérie ? Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbekistan, Tadjikistan, Turkménistan".
Julien Thorez Chargé de recherche au CNRS dans L’ Unité Mixte de Recherche « Mondes iranien et indien ». Il a publié "La « nouvelle route de la soie » : une notion porteuse d'illusion" (Questions Internationales, 23 novembre 2016).
Philippe Le Corre, chercheur à la Brookings Institution à Washington, chercheur associé à l' Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), maître de conférences à Sciences Po Paris. Il a publié en 2015 avec la collaboration d'Alain Sepulchre, L' Offensive chinoise en Europe chez Fayard.
Didier Chaudet, Directeur de la publication du CAPE, chercheur non-résident, IPRI (Islamabad Policy Research Institute, think tank Pakistanais) et attaché scientifique, IFEAC (Institut Français d'Etudes sur l'Asie Centrale, Kirghizstan). Il a publié Le défi djihadiste dans l'Asie central post-soviétique, dans Questions Internationales (23 novembre 2016)
La chronique d'Eric Chol
Eric Chol, Directeur de la Rédaction de Courrier International
La Chine avance ses pions en Asie centrale, avec son projet d’intégration commerciale. Cette initiative chinoise est une réponse à l'affaiblissement de la mondialisation occidentale.
Début novembre, le premier ministre chinois Li Keqiang a participé au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui se tenait cette année à Bichkek, la capitale kirghize. Le dirigeant chinois a donné une nouvelle impulsion commerciale au groupe des 5 pays d'Asie Centrale, dans lequel on trouve, en plus de la Chine et du Kirghizstan, le Kazakhstan , l’Ouzbékistan, et la Russie. En fait, rapporte le journal T*_he Diplomat*_, Pékin veut créer une synergie entre d’un côté son grand projet de nouvelle route de la soie, et de l’autre le projet russe d’Union économique eurasaitique. Pour créer cette synergie, Pékin veut établir une zone de libre échange. Mais, selon le journal, cette idée chinoise risque de ne pas faire les affaires de la Russie...
Nikkei Asian Review constate pour sa part un coup de mou de la mondialisation. Nigel Gould Davies, l’auteur de cet article, qui enseigne les relations internationales en Thaïlande, explique que cette initiative chinoise contraste avec la toile de fond que l’on connait depuis quelques mois: le vote sur le Brexit, le quasi échec du traité Ceta entre l’Europe et le Canada, les critiques croissantes sur l’accord de Partenariat transpacifique ou celles sur l’accord transatlantique n’ont fait que renforcer le inquiétudes sur l’ère d’ouverture globale, qui toucherait à sa fin, décrit l’auteur. Mais le projet chinois de route de la soie montre en réalité qu’il s’agit là d’une vision biaisée : car la Chine –et non la Russie- qui est la manœuvre pour pousser les feux d’une autre mondialisation ; c’est elle qui est la mieux, placée, c’est elle aussi qui a les moyens de financer les projets d’infrastructures à travers tout le continent, explique le chercheur. Et le Kirghizstan et le Kazakhstan sont aux avant postes de cette mondialisation version chinoise...
Pour prolonger :
- Julien Thorez. "L’Asie centrale, une région sous influences". Jean-Luc Racine. Asie – mondes émergents, La documentation française, pp. 107 - 122, 2015.
- Catherine Poujol, « Limites spatiales, frontières sociales : du visible à l’invisible dans l’espace géographique, économique et social de l’Asie centrale contemporaine », Diogène 2/2014
- Sebastien Peyrouse, "Does Islam Challenge the Legitimacy of Uzbekistan’s Government?" Global Affairs, 20 april 2016, "For more than twenty years, Uzbekistan has had no real political change and remains one of the most authoritarian countries in the world. How has President Islam Karimov held onto the reins of power for so long?"...
- Didier Chaudet, "Géopolitique sur la Route de la Soie", pour le journal Réforme.
Le 4 décembre prochain aura lieu la prochaine élection en Ouzbékistan, à l'issue de la guerre de succession d'Islam Karimov
- Courrier International, 8 septembre 2016. "Ouzbékistan. Mort de Karimov, fieffé despote". Pendant un quart de siècle de règne absolu, le président, décédé le septembre, maintenu son peuple sous sa férule, mais n'a cessé de balancer entre Moscou et Washington. Son principal ennemi était depuis quinze ans l'islamisme radical. Vzgliad (extraits) Moscou
- Le Monde (correspondant de Moscou), "Karimov, un apparatchik soviétique devenu président vie", Le Monde, 4 sept. 2016. "Habitué à régner d'une main de fer, le dirigeant ouzbek avait su exploiter la position stratégique de son pays et résister aux pressions de Moscou..."
- Le Figaro, Pierre Avril, correspondant à Moscou, "Le décès de l'inamovible Karimov ouvre la guerre de succession en Ouzbékistan". "Au pouvoir depuis plus d'un quart de siècle, l'autocrate a été emporté par une rupture d'anévrisme." "Homo sovieticus par excellence, Islam Karimov est mort de même, dans la parfaite tradition soviétique comme Staline avant lui, après cinq jours de silence de la part des autorités. Le président inamovible de l'Ouzbékistan, république clé pour la stabilité de l'Asie centrale, aurait été victime d'une hémorragie cérébrale le 27 août, et selon des versions officieuses, d'un infarctus après une soirée arrosée avec des champions ouzbeks. Même la rumeur est prohibée"...
Un grand merci aux équipes de la Documentation d'actualité de Radio France et à Annelise Signoret, de la Bibliothèque de Radio France.
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