Géopolitique du football, premier sport globalisé

G. Wijnaldum (Liverpool FC), K. Mbappe (PSG), UEFA Champions League group C match Paris St Germain contre Liverpool FC, Parc des Princes, Nov 28 2018  Paris/ S. Wang (Chine ) et E. Laurent (France during), match amical, France-Chine, 31 Mai 2019
G. Wijnaldum (Liverpool FC), K. Mbappe (PSG), UEFA Champions League group C match Paris St Germain contre Liverpool FC, Parc des Princes, Nov 28 2018  Paris/ S. Wang (Chine ) et E. Laurent (France during), match amical, France-Chine, 31 Mai 2019 - VI Images via Getty Images/C. Steenkeste/Getty Images
G. Wijnaldum (Liverpool FC), K. Mbappe (PSG), UEFA Champions League group C match Paris St Germain contre Liverpool FC, Parc des Princes, Nov 28 2018 Paris/ S. Wang (Chine ) et E. Laurent (France during), match amical, France-Chine, 31 Mai 2019 - VI Images via Getty Images/C. Steenkeste/Getty Images
G. Wijnaldum (Liverpool FC), K. Mbappe (PSG), UEFA Champions League group C match Paris St Germain contre Liverpool FC, Parc des Princes, Nov 28 2018 Paris/ S. Wang (Chine ) et E. Laurent (France during), match amical, France-Chine, 31 Mai 2019 - VI Images via Getty Images/C. Steenkeste/Getty Images
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Comment le Qatar vient-il de triompher de l'Arabie Saoudite, qui fait tout pour entraver la prochaine coupe du monde? Pourquoi les clubs anglais sont-ils si riches & quel pourrait être l'impact du Brexit sur le football? Quel est le tournant du football féminin à quelques jours du mondial en France?

Avec
  • Mickaël Correia Journaliste indépendant. Il contribue au mensuel de critique sociale CQFD, au Monde Diplomatique et à la revue Jef Klak.
  • Bastien Drut Économiste et employé au sein d'une grande société de gestion.
  • Paul Dietschy Professeur d'histoire contemporaine à l'université de Franche-Comté, spécialiste de l'histoire du sport
  • Carole Gomez Géopoliticienne

Dans les prochains jours, la FIFA, périodiquement ébranlée par les affaires de corruption, va se réunir, avant l'ouverture de la coupe du monde de football féminin, un football féminin en pleine expansion. La Fifa s'avère un lieu d'affrontements entre les états, les médias, les sponsors, les agents de joueurs... Au-delà de l'exaltation populaire autour du geste sportif, quels sont les enjeux financiers et politiques autour du football, premier sport globalisé? Comment la Chine veut-elle conquérir la planète foot?

Bastien Drut, économiste, il travaille au sein de l'équipe Stratégie et Recherche économique d'une grande société de gestion. Il a publié Economie du football professionnel aux éditions de la Découverte en 2014 et il a dirigé avec Jean-Baptiste Guégan, Mercato : L'économie du football au XXIe siècle chez  Bréal en 2018.

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L'économiste rappelle les étapes de la financiarisation du football et l'entrée en scène de riches puissances étiques

Historiquement les actionnaires étaient des hommes d'affaires, puis on est passé aux milliardaires.  Il y a eu un vrai tournant en 2010, depuis avec l'arrivée de plusieurs puissances étatiques : la première c'est en 2008, avec le cheikh Mansour, vice-premier ministre d'Abou Dhabi, qui a acheté le club de Manchester City ; ensuite, on a franchi une étape supérieure avec un État, donc le Qatar qui a acheté un club de foot, le Paris-Saint-Germain ; et puis ensuite, il y a eu l**'arrivée de la Chine qui a fait une entrée fracassante vers 2015.** Les investisseurs chinois ne possédaient à peu près aucun club en Europe sur les années 2015-2017. Les investisseurs chinois ont dépensé 2 milliards 1/2 de dollars pour acheter une trentaine de clubs en Europe ou prendre des parts, comme dans l'Olympique Lyonnais.

En duplex depuis France Bleu Doubs à Besançon, Paul Dietschy, Professeur à l’Université de Franche-Comté et membre du Centre d'histoire contemporaine de l'université de Franche-Comté. Il a publié Histoire du football, (Perrin 2010, réédition en poche en 2018) ainsi que Le sport et la Grande Guerre chez Chistera, en 2018. Il a été membre du comité scientifique de l'exposition, " Foot et monde arabe" du 10 avril au 21 juillet 2019, à l 'Institut du monde Arabe. Les Cahiers du football y consacre un article, "Foot et monde arabe : le jeu et le pouvoir".

Paul Dietschy rappelle qu' "_il n'y a jamais eu de Coupe du monde au Moyen-Orient__"_ avant l'attribution du mondial au Qatar dans "des conditions un peu troubles" en 2010. La Fifa s'est heurtée "au problème de rassembler des frères ennemis". "Les conditions politiques ne sont pas réunies". "Le football ne peut pas tout dans la géopolitique". 

L'historien explique : 

"Le Qatar a nettement une diplomatie sportive qui lui permet finalement d'avoir une visibilité qui est sans commune mesure avec la petite taille de ce pays. Depuis longtemps le terrain d'affirmation, c'est plus les coulisses, le tapis vert, les fédérations... que sur le terrain, parce que les équipes ont encore un niveau qui est relativement faible, voire moyen."

Paul Dietschy rappelle que dans le football mondialisé, 

l'Europe reste au centre, grâce à ses clubs stables, les revenus générés les plus importants

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S'il y a une tradition de migration du football vers l'Europe, les lieux restent importants. 

"En Amérique, on peut déplacer les franchises. En Europe, les lieux historiques sont fondamentaux, c'est ce qui fait la fortune de Manchester United, de Barcelone, du Real de Madrid. C'est une activité qui ne peut se faire qu'en Europe. (...) Les droits anglais sont importants. Les Chinois et les Indiens sont très friands du football anglais".

Par téléphone, Carole Gomez, chercheuse à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques) elle a coordonné le rapport intitulé « Quand le football s’accorde au féminin, portant sur les enjeux de la féminisation du football, et réalisé sous l’égide de l’UNESCO avec l’aide de Positive football. L'Unesco organise l'événement " Women and football #ChangeTheGame".

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Par téléphone depuis Lyon, Mickaël Correia, journaliste indépendant. Il contribue au mensuel de critique sociale CQFD et à la revue Jef Klak. Il a publié Une histoire populaire du football à la Découverte en 2018. 

Au micro de Christine Ockrent, Mickael Correia revient sur la financiarisation du championnat anglais et la gentrification des stades britanniques. Dans le chapitre intitulé, "You’ll never walk alone. Hooliganisme et sous-cultures de tribunes...", extrait de son Histoire populaire du football, il écrit : 

"un nouveau tour de vis néolibéral et sécuritaire est initié avec le lancement de la Premier League, en 1992, puis l’organisation du championnat d’Europe en Angleterre, en juin 1996. Sous l’influence du magnat de la presse Rupert Murdoch, propriétaire entre autres de la chaîne par satellite BSkyB, la première division du championnat anglais est reconfigurée pour rassembler la vingtaine de clubs les plus talentueux du pays et est rebaptisée Premier League. Les investissements massifs des sponsors et les droits de télédiffusion mirobolants payés pour la retransmission des matchs dopent les clubs, qui se transforment en puissantes machines financières obnubilées par la maximisation du profit. Cinq ans plus tard, dix‐sept clubs de Premier League, à l’instar de Manchester United ou de Tottenham Hotspur, sont cotés en Bourse... La sécurité du championnat d’Europe 1996 est quant à elle directement planifiée et coordonnée par la National Football Intelligence Unit."

MANCHESTER, ENGLAND - MAY 26: A Manchester United fan shows her support during the 20 Years Treble Reunion match between Manchester United '99 Legends and FC Bayern Legends at Old Trafford on May 26, 2019 in Manchester, England.
MANCHESTER, ENGLAND - MAY 26: A Manchester United fan shows her support during the 20 Years Treble Reunion match between Manchester United '99 Legends and FC Bayern Legends at Old Trafford on May 26, 2019 in Manchester, England.
© Getty - Photo by John Peters / Getty

Dans ce même chapitre, le journaliste explique :

Le mouvement de fond anti‐hooligan ainsi que la gentrification des stades initiée avec la disparition des terraces s’accompagnent d’une hausse drastique du prix des billets qui a pour conséquence une métamorphose radicale de la composition sociale des tribunes britanniques. (...) Un billet pour un match de première division coûtait en moyenne 4 livres en 1990 contre 35 en 2012, et les abonnements les moins chers pour les clubs de Premier League oscillaient en 2015, entre 450 euros et 1 360 euros, c’est‐à‐dire environ quatre fois plus que pour les autres grands clubs européens. Cette tarification élevée permet aux clubs, en plus de financer la rénovation des stades, d’écarter des gradins les supporters issus des milieux les plus modestes, augurant « un scénario à l’américaine où les stades réunissent les classes solvables et où les classes populaires regardent le sport à la télévision».

Mickaël Correia évoque également à l'antenne à propos de la prochaine Coupe d'Afrique en Egypte, le rôle des supporters ultras. Au magazine Télérama, il a situé la filiation entre les ultras égyptiens avec le mouvement italiens. Ces « ultras » sont des héritiers des supporters gauchistes radicaux apparus dans l'Italie des années 1970. 

"Deux sentiments les animent : une logique d'autonomie et un anti-autoritarisme farouche, contre les injonctions des institutions et les répressions policières. Quand cette culture arrive en Afrique du Nord, via Internet, elle dérange les régimes autoritaires. Les ultras du club cairote Al Ahly étaient en première ligne des mouvements de révolte anti-Moubarak,et ils affichent un mode de vie résolument hostile aux conservatismes religieux et patriarcal : dans les tribunes, alcool, drogue et drague ont droit de cité."

Supporters attend the Confederation of African Football (CAF) Champions League final first leg soccer match between Al-Ahly SC and Wydad AC Casablanca at Borg El Arab Stadium in Alexandria, Egypt, 28 October 2017. Photo: Stringer/dpa
Supporters attend the Confederation of African Football (CAF) Champions League final first leg soccer match between Al-Ahly SC and Wydad AC Casablanca at Borg El Arab Stadium in Alexandria, Egypt, 28 October 2017. Photo: Stringer/dpa
© Getty - Photo by Stringer/picture alliance via Getty Images

Ces ultras résistent aussi au néo-liberalisme dans le football britannique :

"D'autres supporters luttent à leur façon contre le foot business: c'est l'exemple des « protest clubs», comme le FC United, créé pour protester contre le rachat  de Manchester United par un milliardaire américain. Mieux vaut un petit club familial, où l'on prend plaisir à se retrouver qu'un stade aux tarifs exorbitants, où les supporters sont traités comme des consommateurs".

Dans le chapitre intitulé,  "Tacler le sexisme. Le football féminin contre le patriarcat sportif français", extrait de son Histoire populaire du football, Mickael Correia écrit :

"En France, il faudra attendre une quatrième place en Coupe du monde féminine 2011 pour que le football féminin parvienne timidement à gagner le cœur des supporters comme des sportives. Suite au consternant spectacle sportif et médiatique offert par la sélection masculine en 2010 lors de la Coupe du monde en Afrique du Sude, le public s’entiche pour l’équipe féminine, aussi chaleureuse que talentueuse. Quelque 2,3 millions de téléspectateurs français assistent ainsi à la demi‐finale des footballeuses françaises contre les États‐Unis, un record d’audience historique sans précédent pour le foot féminin". 

Le journaliste cite Bruno Bini, le sélectionneur des Bleues lors du Mondial 2010:

« On a eu une vraie cote de sympathie, les gens se sont identifiés à cette équipe. C’est une sorte de phénomène sociologique. Dans une société où les riches sont de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres, où il n’y a pas beaucoup de boulot, les Français ont vu 21 filles simples se mettre minables jusqu’au bout. Ils ont vu 21 filles ordinaires avec un coach ordinaire, ça leur a bien plu. »

Mickael Correia note, dès lors, les ambivalences de la promotion du football féminin : 

Pourtant, à partir de 2005, la FFF, obstinée dans ses velléités de gouverner le corps des joueuses, s’est engagée dans une véritable politique de « féminisation » des footballeuses. Les Bleues ont dû poser nues dans le cadre d’une campagne de promotion du football féminin en 2009" ! (...)

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Les grandes ambitions de la Chine dans le monde du foot

 G. Evergrande head coach Marcello Lippi, new signing Italian midfielder A. Diamanti, M. Fang, Brazilian midfielder R. Junior and G. Evergrande Chairman L. Yongzhuo, press conference, on Feb. 17, 2014 in Guangzhou, China.
G. Evergrande head coach Marcello Lippi, new signing Italian midfielder A. Diamanti, M. Fang, Brazilian midfielder R. Junior and G. Evergrande Chairman L. Yongzhuo, press conference, on Feb. 17, 2014 in Guangzhou, China.
© Getty - VCG/VCG via Getty Images

La revue de presse d'Eric Chol, Directeur de la rédaction de Courrier International

La Chine affiche de grandes ambitions dans le domaine du football : peut-elle rêver un jour de gagner la coupe du monde ?
Si on juge les Dragons - c’est le nom de l’équipe nationale chinoise, à leurs performances, on ne pas peut dire qu’ils aient été jusqu'ici très brillants. Evoluant au 74eme rang mondial selon le classement de la Fifa, la Chine ne s’est qualifiée qu’une seule fois pour la coupe du Monde, c’était en 2002, et encore, rappelle cruellement le site allemand Deutche Welle, elle a été incapable de marquer un but. 

« Mais deux ans plus tard, les Chinois arrivaient en finale de la Coupe d’Asie, remarque le site, qui s’interroge : l’immense pays peut-il s’accrocher à ce modeste succès » 

C’est en tout cas le voeu de Marcello Lippi, le sélectionneur italien qui vient de resigner pour encadrer l’équipe chinoise  -il s’agit d’un des postes d’entraineurs le mieux payés du monde. Et c’est surtout le souhait du président Chinois, qui a promis en 2015 de faire de son pays une grande nation du football.

« Xi jinping a trois rêves , résume le Financial Times: se qualifier pour la Coupe du monde, accueillir l'événement et, un jour, le gagner ».

Pour y parvenir, le pays s’est donné des moyens que détaillait il ya quelques mois le journal suisse Le Temps : une forte croissance des dépenses de transferts et de salaires des joueurs, même chose pour les droits TV, en forte hausse, encouragement de la fréquentation des stades et enfin des prises participation dans de nombreux clubs européens, comme àa a été le cas pour l’Atletico de Madrid ou  Manchester City. Cette stratégie qui a été soutenue en tout cas dans un premier temps par le gouvernement, et en particulier par Xi Jingping, qui est, je cite l’agence de presse Xinhua, « un supporter de football avec une collection de maillots à faire pâlir d’envie les plus grands fans ».   

Cette stratégie commence-t-elle à  porter ses fruits ?

Non, s’est aussi heurtée à plusieurs  obstacles, si bien qu’un peu plus de deux ans après avoir déclenché cette ruée vers le football, le gouvernement a commencé l’an dernier à faire marche arrière. 

"Ce qui s'est passé dans le football est typique de la Chine", confie au Financial Times  Mark Dreyer, qui dirige un site Internet appelé China Sports Insider à Pékin. "Il y a eu un feu vert et tout le monde a démarré au quart de tour. Puis il y a un feu rouge. Et maintenant, on est un peu sur un feu orange." 

Dans les faits, la Chine a revu sa stratégie, en mettant un terme aux dépenses jugées "irrationnelles", et en limitant aussi l'importation de joueurs étrangers et en appliquant une taxe de 100 % sur les frais de transfert quand il dépasse 7 millions de dollars.
Enfin, Pékin veut jouer la carte des talents locaux, et ce dés le plus jeune âge. Ainsi, relève le journal Asia Times

« le gouvernement a annoncé son intention en 2015 de déployer des programmes de football dans les écoles du pays. En 2025, 50 000 écoles devraient offrir un enseignement spécialisé à environ 30 millions d’élèves. ».

Les clubs eux-aussi se dotent de centres de formation. L’homme d’affaires Jack Ma, propriétaire d'Alibaba, possède une participation de 50 % dans le club de Guangzhou Evergande, le plus titré du pays : il a  investi dans l'une des plus grandes académies de football du monde, qui formerait entre 2000 et 3000 jeunes joueurs sur plus de 50 terrains, raconte le Financial Times.

Mais attention, quand on évoque le football en Chine, on parle d’un « football aux caractéristiques chinoises », explique la revue allemande Journal of current chinese affairs. Citons une de ces caractéristiques :  les propriétaires de clubs ont reçu récemment des instructions de la part du secrétaire du parti communiste de la Fédération chinoise de football. 

Selon le Financial Times, il leur a demandé  d'étudier et de mettre en œuvre "la pensée de Xi Jinping". On peut se demander si les footballeuses chinoises sont inspirées par la pensée du leader chinois : en tout cas, elles réussissent plutôt mieux que les hommes, puisqu’elle se classent au 16eme rang mondial selon la Fifa. 

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