

Le contrôle du récit est devenu une dimension essentielle de ce qui caractérise, aujourd'hui, les conflits contemporains à l'image de celui à l'Est de l'Europe.
- Élie Tenenbaum Directeur du Centre des Études de Sécurité de l’IFRI
- Joseph Henrotin Politologue, chargé de recherches au Centre d’Analyse et de Prévision des Risques Internationaux (CAPRI - Paris)
- Paul Charon Directeur du domaine « Renseignement, anticipation et menaces hybrides » à l'IRSEM.
- Tetyana Ogarkova Journaliste, responsable du département international à l'Ukraine Crisis Media Center
Chaque année à pareille époque, la conférence de Munich, en Bavière, devient pendant 3 jours le rendez-vous de tous ceux, civils et militaires, politiques et experts, qui s’intéressent aux enjeux de défense et de sécurité. En pleine crise ukrainienne, deux mois après la publication par le Kremlin de ses exigences pour redéfinir les règles du jeu sur notre continent, deux mois de tensions sans précédents après 30 ans de paix en Europe, c’est là que se rend ce matin le président ukrainien, à qui Joe Biden conseillait pourtant de rester à Kiev.
Brouhaha et fumée épaisse
Depuis trois jours, des bombardements sporadiques ont lieu sur la ligne de front du Donbass, à l’est de l’Ukraine – les séparatistes pro-russes et l’armée ukrainienne s’en renvoient mutuellement la responsabilité. Vladimir Poutine, lui, a choisi le même jour pour organiser et superviser en personne des exercices de tirs de missiles stratégiques.
Est-ce la guerre ? Non, mais ce n’est sûrement plus la paix non plus tant nous sommes entrés dans ces zones grises qui caractérisent les conflits contemporains - la crise ukrainienne fait déjà figure de cas d’école. Tous les outils sont déployés, à commencer bien sûr par les forces armées russes déployées en nombre le long des frontières de l’Ukraine, le renforcement des forces américaines et européennes au sein de l’OTAN, le ballet diplomatique intense qui se poursuit, et sa bataille de communiqués.
Mais aussi des mises en scène, comme les appels des dirigeants séparatistes à la population du Donbass enregistrés deux jours avant leur diffusion, des cyber-attaques russes massives contre des organismes ukrainiens, des informations, vraies, fausses, ou semi-vraies sur médias, réseaux sociaux, YouTube, installant un tel brouhaha, une fumée si épaisse que les opinions publiques s’y perdent.
La Russie est passée maître dans ce genre d’exercice, on l’a vérifié à plusieurs reprises depuis l’annexion de la Crimée 2014. La Chine s’y emploie à son tour, notamment à propos de la pandémie. Et les Occidentaux ? Pourquoi les Américains ont-ils choisi cette fois à propos de l’Ukraine de divulguer immédiatement les informations dont ils disposent, quitte à en amplifier la portée, et même d’anticiper les annonces qui viendront de Moscou ?
Quels dispositifs la France, les Européens, ont-ils mis en place ? Le contrôle du récit est devenu une dimension essentielle de ce que certains appellent désormais la guerre hybride. Où en est-on ce matin ?
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