Avec cette Coupe du monde de football, la plus chère de l'histoire, la Russie veut montrer sa puissance. Elle va enflammer les passions jusqu'au 15 juillet. Quels en sont les enjeux pour la politique et la géopolitique de Poutine, très attaché au sport? Quelle autre influence cherche-t-il?
- Jean-Christophe Collin Journaliste et grand reporter à l’Équipe
- Julien Vercueil Maître de conférences en sciences économiques, INALCO, Rédacteur en chef adjoint de la Revue de la Régulation
- Françoise Thom Historienne
- Sylvain Dufraisse Maître de conférences en histoire du sport à l'université de Nantes
"Il y a une récupération de la présence de l'équipe d'Egypte, dans le Caucase" et "un jeu de pouvoir et d'image" avec ce Mondial explique Jean-Christophe Collin, grand reporter à l’Équipe,
"C'est une occasion inespérée pour modifier l'image de la Russie et par-delà les médias, montrer une autre image de la Russie... Poutine espère et fait tout pour que tout se passe très bien, il utilise le football, ce vecteur planétaire extraordinaire..."
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La Fifa présente l'affiche officielle de la Coupe du Monde en Russie :
"À trois jours du Tirage au sort final de la Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018™, le célèbre métro de Moscou a servi de cadre à la présentation de l'ultime visuel de cet événement planétaire. En charge de la version 2018 de l'affiche officielle, l'artiste russe Igor Gurovich a choisi d'axer son travail autour du légendaire gardien soviétique Lev Yashin".
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Pour Sylvain Dufraisse, qui vient de publier “ La Russie, la passion du football ?” dans le magazine L’Histoire, "ce mondial est l'occasion de réintégrer la période soviétique à la Russie d'aujourd'hui".
"Cette affiche est très intéressante, il y a une inspiration constructiviste... le ballon ressemble à Sputnik... c'est Lev Yashin qui est réprésenté... Il a été un ambassadeur envoyé à l'étranger comme Gagarine. Le gardien de but en Russie est assimilé au dernier rempart, au garde frontière, c'est tout un ensemble de symboles. Cela créé un pont entre l'URSS er la période contemporaine".
Pour Françoise Thom, spécialiste de l'URSS et de la Russie postcommuniste, la conjoncture extérieure est très favorable pour Poutine et grâce à ce Mondial, "Il s'agit d'arrimer l'Europe à la Russie"
"Il s’agit d’engranger en quelque sorte les bénéfices de la brouille entre les Européens et les États-Unis avec la crise des relations entre l’Europe et l’Amérique de Trump. Au Kremlin, on estime que les élites politiques européennes sont en train de graviter vers Moscou, et le travail qu’il reste à faire est de retourner les opinions publiques, dont on est bien conscient qu’elles sont encore méfiantes vis-vis de la Russie."
Jean-Christophe Collin, grand reporter à l’Équipe, qui vient de publier _Le Livre noir du sport russe_aux Éd. Stocks, revient sur la relation de Poutine au sport:
"Le sport est central à la fois dans la vie personnelle de Vladimir Poutine et dans sa manière d’exercer le pouvoir. Dans sa vie personnelle, c’est un enfant des rues de Leningrad, ses parents habitaient un appartement communautaire [...] et il fallait se faire respecter. C’est comme ça qu’il a commencé par la boxe et il s’est fait casser le nez, donc il a changé et il est allé dans un club de sambo qui est un art martial lié aux services de sécurité en Russie, très propre au sport soviétique à l’époque et russe aujourd’hui ; le club de sambo est devenu ensuite un club de judo. [...] Le judo va constituer, structurer sa manière de voir la vie, l’existence et le monde.
Aujourd’hui encore il utilise cette façon de voir le monde, les choses, uniquement par les rapports de force que lui ont inculqué le judo. Dans ce petit club qui est devenu un grand club de judo, il va effectivement rencontrer une bande de copains qui vont rester ses amis pour la vie. C’est spectaculaire et incroyable qu’aujourd’hui, notamment les frères Rotenberg, sont ses amis d’enfance et sont aujourd’hui des oligarques puissants. Et il est intéressant de noter qu’une partie des chantiers des jeux de Sotchi et de cette coupe du monde sont revenus aux frères Rotenberg et à leur entreprise de construction."
Pour prolonger :
Jean-Christophe Collin publie un passionnant reportage " Mon voyage à travers la Russie", en plusieurs épisodes pour L'Equipe Magazine.
Dans son reportage à travers la Russie, Jean-Christophe Collin note :
"Saint-Pétersbourg a accueilli le premier match entre deux équipes russes, en 1897. Avant de bâtir, cent vingt ans plus tard, le stade le plus cher de l’histoire, le Zénith, où se dérouleront sept matches de la Coupe du monde. Entre-temps, quelle histoire…"
Françoise Thom, spécialiste de l'URSS et de la Russie postcommuniste, enseigne l'histoire à l'université Paris-Sorbonne. Elle a publié Comprendre le poutinisme, chez Desclée De Brouwer, 2018
Depuis Le Centre d'études franco-russes de Moscou, Sylvain, Dufraisse, maître de conférences en histoire du sport à l'université de Nantes. Son article “ La Russie, la passion du football ?” vient d’être publié dans le magazine L’Histoire, en juin 2018.
Julien Vercueil, maître de conférences de sciences économiques à l'Institut national des langues et civilisations orientales de Paris (INALCO), Directeur de recherches du Centre de recherches Europes-Eurasie (CREE). Son ouvrage Economie politique de la Russie : 1918-2018 va paraître en août 2018 chez Points.
Le Monsieur sport, de la Russie, Vitaly Mutko, confronté aux scandales du dopage
La revue de presse d'Eric Chol, Directeur de la Radiation de Courrier International.
La Russie a du faire face l’an dernier à un gigantesque scandale de dopage, organisé au plus haut niveau politique, par un proche de Poutine
Cet homme, c’est Vitaly Mutko, qui connaît effectivement bien le président russe, depuis que les deux hommes se sont rencontrés une première fois au début des années 90 à la mairie de Saint Petersbourg.
Vitaly Mutko, c’est Monsieur sport en Russie, celui qui connaît tous les secrets des stades et des vestiaires: il a été pendant plus de 8 ans ministre des sports, et il a lui-même piloté cette coupe du monde de football, depuis son obtention par la Russie en 2010. Mais aujourd’hui, cet ancien membre du Parti communiste de l’Union soviétique a perdu la plupart de ses casquettes : celle de président de l’Union russe de football, celle de président du comité d’organisation de la Coupe du monde 2018 ou encore celle de membre du comité exécutif de la FIFA.
Il a en effet été rattrapé à l’automne dernier par un scandale national de dopage et il a été sanctionné par le CIO, qui lui a interdit, à vie, « toute participation à l’organisation de tous les futurs JO ».
Le CIO, on s’en souvient avait aussi interdit à l’équipe nationale russe de participer au JO en Corée du Sud, une décision qui avait fait
« l’effet d’un tremblement de terre de niveau 9 », écrivait à l’époque Moskovsi Komsomolets.
« Pressé par le Kremlin d’obtenir des résultats sportifs aussi prestigieux qu’à l’ère soviétique, Vitali Mutko s’est retrouvé englué dans un système archaïque où le dopage est souvent le seul moyen de faire carrière dans le sport », rapporte le journal suisse Le Temps.
Aujourd’hui, à 59 ans, Vitali Mutko vit cette coupe du monde comme un fantôme du football russe, mais il n’a pas tout perdu : non seulement il est toujours vice premier ministre de Russie, mais son retrait de la fédération n’est que temporaire.
Pour comprendre à quel point le dopage des sportifs russes, y compris celui des footballeurs, était parfaitement organisé, il faut écouter le lanceur d’alerte Gregory Rodchenkov. Ce russe, aujourd’hui refugié aux Etats-Unis, connaît le sujet par coeur, nous raconte le journal The Independant, car c’est lui qui a dirigé pendant des années le programme de dopage, sous les ordres du ministre des sports de l’époque, Vitaly Mutko.
Non seulement Gregory Rodchenkov a publié ses carnets dans le New York Times, dans lesquels il raconte en détail comment il truquait les contrôles anti-dopage, mais récemment, il a participé à une conférence de presse en ligne, dans laquelle, rapporte le journal The Independant, il explique que 34 footballeurs russes ont été contrôlés positifs mais ont vu leurs tests maquillés par le laboratoire de Rodchenkov.
« Mon ancien patron Vitali Moutko avait demandé qu’aucun footballeur ne soit sanctionné pour dopage, et d’éviter tout scandale à propos de l’équipe nationale de football», témoigne le lanceur d’alerte dans The Independant.
Parmi cette liste de 34 noms de footballeurs, Rodchenkov affirme qu’il y en a un qui figure aujourd’hui dans l’équipe russe de football. Pourtant, poursuit-il, la question du dopage dans le football russe est reste minime en comparaison avec d’autres sports, comme l’athlétisme ou l’haltérophilie.
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