Les 70 ans de l'OTAN

Les dirigeants des pays membres de l'OTAN se réunissent pour le sommet de l'organisation à Bruxelles le 11 juillet 2018
Les dirigeants des pays membres de l'OTAN se réunissent pour le sommet de l'organisation à Bruxelles le 11 juillet 2018 ©Getty - Sean Gallup
Les dirigeants des pays membres de l'OTAN se réunissent pour le sommet de l'organisation à Bruxelles le 11 juillet 2018 ©Getty - Sean Gallup
Les dirigeants des pays membres de l'OTAN se réunissent pour le sommet de l'organisation à Bruxelles le 11 juillet 2018 ©Getty - Sean Gallup
Publicité

Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN se réuniront à Washington, les 3 et 4 avril 2019, sous la présidence du secrétaire général de l’Organisation, M. Jens Stoltenberg. Ils célèbreront les 70 ans de l'Alliance Atlantique dans un contexte de tensions entre l'Europe et Trump.

Avec

Pour afficher ce contenu Youtube, vous devez accepter les cookies Publicité.

Ces cookies permettent à nos partenaires de vous proposer des publicités et des contenus personnalisés en fonction de votre navigation, de votre profil et de vos centres d'intérêt.

Autour de Christine Ockrent

Alexandra de Hoop Scheffe r, directrice à Paris du think tank américain German Marshall Fund of the United States, spécialiste de la politique étrangère américaine et des relations transatlantiques. Elle a publié Hamlet en Irak aux éditions du CNRS ainsi que de nombreux articles sur les questions de politiques étrangères américaine.

Publicité

Si on fait un retour historique, ce qui est extrêmement intéressant, c’est de voir que dès le départ, cette décision des Etats-Unis, qui était assez révolutionnaire de signer une clause de défense collective avec des alliés européens, était en fait fondée sur l’idée que la présence notamment militaire américaine en Europe ne devait être que temporaire.

Dès qu’il a été élu, Trump a utilisé le mot d’obsolescence pour qualifier l’OTAN, et cette obsolescence était programmée dans l’état d’esprit américain. Je cite Dwight Eisenhower qui était le premier commandant suprême des forces alliés en Europe ; En 1951, donc trois ans après la création de l’alliance atlantique, il disait que si les troupes américaines restaient en Europe encore 10 ans ou plus, ce serait alors l’échec du projet de l’OTAN. Depuis le départ, l’idée était un peu comme le plan Marshall (…),  « on doit vous aider à vous protéger contre la menace soviétique mais ça ne doit pas durer très longtemps, puisqu’après c’est à vous de vous débrouiller »

Lors d’une table ronde organisée par le German Marshall Fund en marge du sommet de l’OTAN en juillet 2018, à la question sur l’objectif et les priorités actuels de l'OTAN, un responsable américain a répondu qu’il s’agissait de la Chine. Et on entend de plus en plus parler de la Chine à l’intérieur de l’OTAN.

Quelque chose que l’on voit en ce moment dans les discordes, les divergences stratégiques entre les Etats-Unis et les Européens en tant que membres de l’alliance atlantique, c’est que les Etats-Unis ont toujours envisagé l’OTAN comme une OTAN globale, c’est-à-dire un instrument. Ils le disent vraiment "Aujourd’hui pour nous, l’OTAN, c’est un instrument utile pour répondre à d’autres défis globaux, en dehors des frontières de l’Union européenne et de l’OTAN, et notamment par rapport à la Chine etc."

Ce qui se passe, c’est une pression de la part de Washington pour que les Européens mettent un peu plus de Chine et de discussion autour de la Chine, et de ce que doit faire l’OTAN par rapport au défi chinois. On voit une volonté des Américains pour que leurs alliés européens s’alignent sur leurs intérêts et leurs objectifs, qui sont beaucoup plus globaux peut-être que ceux que l’on a nous pour l’OTAN.

Brunos Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la Recherche Stratégique. Vous avez dirigé   Atlas militaire et stratégique qui vient de paraître aux éditions Autrement

La raison pour laquelle la longévité de l’OTAN est impressionnante, c’est que ce n’est pas une alliance comme les autres. D’abord, c’est une alliance entre démocraties. On peut discuter de savoir à quel degré de démocratie certains des pays membres sont aujourd’hui, mais c’est important parce que les alliances militaires d’habitude sont fondées uniquement sur les intérêts, pas forcément sur une communauté de valeurs. La deuxième raison, c’est que cette alliance a été doublée d’une organisation militaire extrêmement importante. Ce sont donc ces deux aspects, communauté de valeurs, en tout cas sur le papier, entre démocraties et organisation militaire extrêmement puissante qui expliquent cette longévité qui est tout à fait exceptionnelle dans l’histoire.

Pour la plupart des pays membres, l’OTAN reste avant tout une alliance militaire. Bien sûr, il y a une vocation politique. Cette vacation politique n’est pas revendiquée par des pays comme la France qui ont toujours dit « nous on veut que ce soit une alliance militaire, une communauté d’intérêts, c’est tout ». Mais lorsque les anciens pays membres du pacte de Varsovie ont voulu rejoindre très vite l’OTAN à partir du début des années 1990, il s’agissait pour eux d’entrer dans la communauté des démocraties occidentales.

Dorothée Schmid, chercheuse, responsable du programme « Turquie contemporaine et Moyen-Orient » de l'IFRI. Elle a publié aux éditions Tallandier La Turquie en 100 questions en octobre 2018.

L’histoire de la Turquie et de l’OTAN, c’est une histoire de divergences de valeurs et d’objectifs depuis très longtemps. A l’issue de sa participation à la guerre de Corée, la Turquie a intégré l’OTAN en 1952. Elle a toujours été un partenaire un peu compliqué dans l’OTAN, car cela fonctionne au rythme de ses relations avec les Etats-Unis d’une part, et les relations avec l’Union Européenne d’autre part, qui sont aussi un des sujets traités en réalité au sein de l’OTAN (…) pour les Turcs c’est évidemment un endroit où faire de la politique ; c’est l’endroit où en ce moment on règle ses comptes, à la fois avec les Etats-Unis avec lesquels on a beaucoup de désaccords bilatéraux, et avec l’Union européenne où la question de l’adhésion n’avance pas du tout.

Depuis Berlin par téléphone, Claudia Major, chercheuse associée au German Institute for International and Security Affairs. Ses publications disponibles en anglais sont sur le site du German Institute for international and Security Affairs

L'un des critères de succès et de longévité de L’OTAN, c’est sa capacité à s’adapter à un changement de cadre, de tâche. Finalement, l’OTAN a réussi à se réinventer en tant qu’organisation qui fait de la gestion de crise, par exemple dans les Balkans, aussi avec l’élargissement à l’Est. Elle s’est réinventée encore une fois avec le 11 septembre dans la lutte contre le terrorisme, et puis depuis 2014 en « refocusant » une nouvelle fois sur la défense collective depuis l’annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine. Il y a toujours l’effort de s’adapter. La grande question est de savoir comment l’Europe, l’Allemagne, l’OTAN s’adaptent à ce changement structurel dans la relation avec les Etat-Unis.

Par téléphone, Robert Malley, directeur de l'International Crisis Group, il a travaillé au Conseil de Sécurité Nationale sous le second mandat de Barack Obama.

Le renforcement de la présence militaire américaine en Europe est une réaction à la présence russe en Ukraine et ailleurs, et donc c’est une façon de montrer que les Etats-Unis sont présents et qu’ils sont là également pour aider leurs alliés ; c’est une contradiction car le moins qu’on puisse dire, c’est que Donald Trump ne dit pas trop mal de la Russie. Mais il y a des gens autour de lui dans l’administration qui ont une vue « guerre froide » vis-à-vis de la Russie. Une bible de la sécurité nationale américaine est publiée tous les ans, n’oublions pas que la dernière en date dit « la principale menace à laquelle font face les Etats-Unis, c’est celle représentée par les deux grandes puissances, la Chine en particulier, mais la Russie également. » (…) cela représente le consensus des conseillers en sécurité nationale de l’administration. La présence [militaire] accrue dans les pays baltes et en Europe centrale reflète cette conviction de la part de l’administration elle-même, même si on peut noter encore une fois le décalage entre ce que dit le président Trump et ce que fait son administration.

Donald Trump et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg lors du sommet de l'organisation à Bruxelles le 11 juillet 2018
Donald Trump et le secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg lors du sommet de l'organisation à Bruxelles le 11 juillet 2018
© Getty - Bernd von Jutrczenka

Qui finance l'OTAN et à quelle hauteur ? Une vieille querelle !

La chronique d'Eric Chol, Directeur de la rédaction de Courrier International

Quand on pense Alliance atlantique, on pense bien sûr aux enjeux  stratégiques, et moins souvent aux règles comptables. 

Et pourtant, on devrait le savoir, quand on parle d’argent au sein de l’Otan, il y a toujours un pays pour se fâcher et c’est généralement les Etats-Unis.  Vous connaissez ce président qui dit : 

« on ne peut plus continuer de payer pour la protection militaire de l’ Europe alors ques les pays membres de l’Otan ne règlent pas leur contribution ». Et il poursuit : « On a été très généreux avec l’Europe, mais maintenant il est temps que l’on s’intéresse à nous mêmes. »

Vous pensez qu’ « il s’agit d’un tweet de Donald Trump ? »,  s’interroge le magazine The Economist, qui publie cette citation. Pas du tout : il s’agit des mots prononcés par John Fitzgeral Kennedy, c’était en 1963, lors d’un Conseil national de la sécurité.

Washington, 10 avril 1961 : Kennedy s’adresse aux chefs de l’OTAN, il promet de maintenir les forces américaines en Europe et de renforcer leur capacité de guerre conventionnelle.
Washington, 10 avril 1961 : Kennedy s’adresse aux chefs de l’OTAN, il promet de maintenir les forces américaines en Europe et de renforcer leur capacité de guerre conventionnelle.
© Getty - Bettmann / Getty

Et le journal britannique de conclure : les plaintes à propos des difficultés qu’ont les Européens à payer pour leur propre défense sont presque aussi vieilles que l’Alliance nord atlantique elle-même. 

Donald Trump pourrait en effet tenir aujourd’hui le même discours : alors que les responsables de l’Otan s’étaient fixés il y a 5 ans comme objectif  de dépenser au minium 2% de leur PIB national dans la défense, on constate que cette barre des 2% reste encore très lointaine pour de nombreux pays. 

Pourtant, on ne peut pas dire qu’aucun progrès n’a été accompli. Depuis 2015, rapporte The Economist, les dépenses en matière de défenses ont augmenté de manière significative. Mais ce qui compte, ce sont évidemment les grands pays : or dehors des Etats-Unis, beaucoup d’entre eux restent loin du seuil des 2% : c’est le cas du Canada, de l’Italie ou de l’Espagne. Sans parler de l’Allemagne, qui, en dépit de sa taille économique, affiche le retard le plus important, relève le journal. 

Un retard qui se résume à un chiffre : l’Allemagne  consacre seulement 1,24% de son PIB à la défense. Alors l’Allemagne se moque-t-elle du monde ? C’est ce que semble dire une tribune au ton courroucée parue dans le Wall Street Journal, intitulée : « L’Otan meurt, mais ce n’est pas la faute de Donald Trump ». 

L’auteur de cette tribune, Walter Russell Mead attaque bille en tête le gouvernement allemand. 

« En choisissant de contenir le budget de défense sous la barre des 1,25% du PIB, explique l’auteur, le message de Berlin est clair : l’Otan  et les Etats-Unis ne sont plus aussi importants pour l’Allemagne qu’ils l’étaient dans le passé, et Berlin, en refusant de se rapprocher des objectifs de dépenses fixés, se moque non seulement de Donald Trump mais aussi des Etats-Unis ». 

Pourtant, côté allemand, on voit les choses un peu différemment. Comme le rappelle le New York Times, les dépenses militaires ont augmenté au cours des cinq dernières années de 36%, et l’Allemagne est le deuxième contributeur en termes de fonds et de troupes à l’Otan. 

Exercice de l’OTAN à grande échelle en Norvège, à Fredrikstad : Ullrich Spannuth, commandant de la brigade Panzerlehrbrigade 9, sur un navire RoRo devant un char Leopard 2, 11.10.2018
Exercice de l’OTAN à grande échelle en Norvège, à Fredrikstad : Ullrich Spannuth, commandant de la brigade Panzerlehrbrigade 9, sur un navire RoRo devant un char Leopard 2, 11.10.2018
© Getty - Mohssen Assanimoghaddam/alliance photo via Getty Images

Et puis, estime le journal allemand Handelsblat, ce déséquilibre en termes de dépenses entre l’Europe et les Etats-Unis n’a rien d’accidentel, et il est loin de se faire au détriment des Etats-Unis.  Le quotidien allemand rappelle en effet que les Etats Unis dépensent pour l’Otan et la défense de l’Europe environ 30 milliards de dollars, c’est à dire à peine plus de 5% du total du budget américain de la défense. 

« Comparé aux 240 milliards de dollars que l’Europe consacre à l’Otan, explique le journal, le déséquilibre est beaucoup moins grand qu’il n’y paraît.» 

C’est sans vrai, mais cela donne quand même le sentiment qu’on n’utilise pas toujours les mêmes calculettes à Berlin ou à Washington.

Pour prolonger :

A 70 ans, l’OTAN reste une force sans équivalent pour contrer la Chine par Jean-Sylvestre Mongrenier dans la rubrique "les blogs_"_ du Huffpost

L'équipe