

Pour sa 49e édition, le Festival d'Angoulême propose une programmation riche et plurielle sur l'univers des mangas. Depuis la pandémie, la bande dessinée japonaise connaît une croissance hors norme, ce qui fait de la France la deuxième patrie des mangas.
- Benoît Peeters Écrivain, scénariste de bandes dessinées et éditeur
A l'occasion de la 49e édition du Festival d'Angoulême, Tewfik Hakem s'entretient avec Christel Hoolans, directrice générale de Dargaud-Lombard, éditrice de BD et de mangas, Benoît Huot, responsable éditorial de mangas chez Glénat, Misato Raillard, traductrice de mangas et coauteure de Bienvenue au Japon, mon voyage au pays des mangas ( ed. Assimil), Antoine Dole/Mr Tan, écrivain et scénariste de bande dessinée, qui va publier son dernier manga, Ningyo ( ed. Glénat) et Benoît Peeters, spécialiste de BD, scénariste, éditeur et professeur à l’Université de Lancaster, qui vient de publier 3 minutes pour comprendre 50 moments clés de l'histoire de la bande dessinée (ed. Le Courrier du livre). En fin d'émission, Frédéric Michel, rédacteur en chef d' a Voir a Lire, propose sa sélection de mangas à ne surtout pas rater.
Le manga, la puissante locomotive de la bande dessinée
En 2021, une bande dessinée sur deux vendue en France est un manga, soit 29 millions de mangas vendus entre janvier et août 2021. Grâce au pass culture, et à la pandémie, ces ventes connaissent un bond de 126 % par rapport à la même période en 2020. En effet, selon Benoît Huot, "la vocation première d'un manga c'est de transmettre une émotion. On a un lectorat adolescent qui est extrêmement friand de ce genre de lecture car ils vivent à fond ces émotions (...) et il y a trois grands genres : le shonen, qui est le manga pour les adolescents garçons, le shojo, le manga pour les adolescentes, et le seinen, qui est le manga pour adultes. Au sein de chacun de ces genres, vous avez des thématiques qui correspondent au lectorat."

Face à cette explosion de ventes de mangas, Benoît Peeters se réjouit de "voir la part du livre et de la bande dessinée grandir" mais il s'inquiète du possible changement dans l'économie de la bande dessinée "où les éditeurs pourraient avoir tendance à privilégier la traduction d'œuvres déjà reconnues, au détriment du développement d'œuvres spécifiques par des auteurs francophones" :
"Je crois que ce serait assez grave parce qu'on passerait de la grande économie exportatrice de la BD francophone et de l'extraordinaire créativité qu'on a tous genres confondus, à de l'importation. C'est un phénomène qui s'est un peu passé dans le dessin animé où acheter des séries déjà amorties est plus facile pour les chaînes de télévision et cela a peut-être fait perdre une certaine place à l'animation française. Je n'aimerais pas que les auteurs de bande dessinée soient fragilisés par un changement d'attitude des éditeurs. A long terme, je crois que ce serait suicidaire."

Le style, l'écriture et les codes graphiques propres au manga inspirent les autres bandes dessinées, notamment la BD franco-belge et les comics. Christel Hoolans remarque cela chez les nouveaux auteurs qui sont parfois des lecteurs qui ont lu exclusivement des mangas : "Je travaille en BD et en mangas, je vois qu'on a de plus en plus d'auteurs de BD qui souhaitent sortir du format 46 pages pour pouvoir faire du roman graphique. Ils veulent avoir plus de place pour s'exprimer, pouvoir faire de belles scènes de combats par exemple. "
Traductrice depuis 20 ans, Misato Raillard nous explique qu'il existe plusieurs niveaux de langage dans le japonais : "Dans une phrase, on peut savoir si c'est une femme qui parle, si c'est un homme, un adulte ou un enfant, son niveau social, sa région. C'est vrai que c'est très difficile à retranscrire, mais dans le manga il y a l'image qui parle aussi. Ce qui ne peut pas être complètement traduit, notamment un dialecte ou un style de langage, peut être aidé par le contexte, on imagine le ton de la personne etc. On ne peut pas tout traduire, il y a une question d'adaptation."
En tant qu'auteur et scénariste de bande dessinée française et japonaise, Antoine Dole, connu également sous le pseudonyme de Mr Tan, considère le manga comme le point de jonction entre "la densité de la littérature" et "l'immédiateté du graphisme" dans la BD :
"Le travail d'auteur c'est chercher la fréquence qui nous met en harmonie avec ce qu'on a envie de raconter et qui nous permet d'avoir la sincérité qu'on veut avoir dans les histoires qu'on écrit. Le Japon est un pays qui m'a touché, j'ai approfondi mes lectures sur ce pays, j'y suis allé cinq fois. Je passe mon temps à écrire les tremblements, les frissons et les émotions de mes personnages, le Japon résonne beaucoup avec cela."
La sélection manga de Frédéric Michel
- Radiant, Tony Valente, sortie prochaine du 16e tome chez Ankama
- Skilled Fast, Hachin, chez H2T
- Stray Dog, VanRah, sortie du 6e tome en octobre 2022 chez Glénat
- Ayakashi, VanRah, sortie du 3e tome en novembre 2022 chez Glénat
Programmation musicale
- "Kaze wo Atsumete '', Happy End (1971)
- "Manaka", Yoshie Nakano (2020)
L'équipe
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