Identités nationales, l'approche culturelle contre les surenchères politiques

Une femme déguisée en Marianne durant une manifestation des Gilets jaunes à Paris le 29 décembre 2018.
Une femme déguisée en Marianne durant une manifestation des Gilets jaunes à Paris le 29 décembre 2018. ©Getty - SOPA Images / Contributeur
Une femme déguisée en Marianne durant une manifestation des Gilets jaunes à Paris le 29 décembre 2018. ©Getty - SOPA Images / Contributeur
Une femme déguisée en Marianne durant une manifestation des Gilets jaunes à Paris le 29 décembre 2018. ©Getty - SOPA Images / Contributeur
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En France comme ailleurs, le thème de l'identité nationale revient une fois de plus dans des contextes tendus. Mais qu'est-ce qui fait l'identité ? Entretien avec les écrivains Mabrouck Rachedi, Jean-Éric Boulin, le critique Jean-Michel Frodon et la réalisatrice Laure Portier.

Avec
  • Mabrouck Rachedi

Tewfik Hakem s'entretient avec Mabrouck Rachedi, écrivain, pour la publication de son roman Tous les mots qu'on ne s'est pas dits (ed. Grasset), Jean-Éric Boulin, écrivain, pour la parution de son roman Les Hontes (ed. Fayard), Laure Portier, réalisatrice, pour la sortie de son premier long-métrage Soy Libre et Jean-Michel Frodon, critique de cinéma et auteur du livre Le cinéma à l'épreuve du divers. Politiques du regard (ed. CNRS) et La Projection nationale. Cinéma et nation(ed. Odile Jacob).

L'identité nationale, un débat hystérisé ?

Alors que la campagne présidentielle bat son plein dans un contexte politico-militaire très tendu, l'identité nationale est au cœur des débats, qu'ils soient politiques et/ou artistiques. Pour Jean-Éric Boulin, le discours réactionnaire a monopolisé "l'idée d'être français" : 

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"Je m'inscris en faux de ce discours. En France, je pense qu'il y a un surmoi racial dans l'extrême-droite réactionnaire qui assimile la francité à la blancheur, à la blanchité. Je suis Français, blanc mais je ne me reconnais pas du tout dans ce discours. C'est un débat hystérisé, qui est presque malade, et il y a vraiment une pathologie de névrose française par rapport à la diversité qui devient presque monstrueuse. Il faut combattre ce bloc réactionnaire qui est vraiment effrayant."

Dans son dernier roman qui mêle la réalité et la fiction, Mabrouck Rachedi cherche à dessiner le "portrait complexe d'une famille issue de l'immigration algérienne" : "L'identité, c'est quelque chose qui se construit, c'est un horizon plus qu'un passé. Les choix qu'on fait nous identifient autant, voire plus, que ce dont on a hérité, parce que l'héritage est passif alors que nos choix sont construits." 

Selon Jean-Michel Frodon, le cinéma a joué "un grand rôle dans la construction du roman national" : "En France et dans le monde entier, le cinéma a joué un rôle constructeur pour que les gens se racontent une histoire qui n'est pas la réalité, qui regroupe les représentations partagées dominantes, et la grande figure française de ce processus c'est Jean Renoir. Dans ses films La Marseillaise ou La Grande Illusion, il racontait les différents Français comme des Français faisant communauté. (...) Le cinéma répond sous des angles différents comme le film récent Tout simplement noir de Jean-Pascal Zadi qui est très incisif sur la question : la majorité des personnages sont des personnes noires qui font vivre des différences, des contradictions et cela participe à la construction à l'appartenance à cette collectivité qu'est le fait d'être Français. Le dernier film d'Alice Diop, Nous, traverse du nord au sud de l'Ile-de-France une infinité de situations sociales, raciales, personnelles, de genre, sans jamais les enfermer dans ces "identités"." 

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Pour son premier film, Soy Libre, qui mêle également fiction et documentaire, Laure Portier dresse le portrait de son frère Arnaud, dont l'identité est surtout marquée par sa classe sociale : "En tant que jeune Blanc venant d'une cité, en tant que personne pauvre, il sent qu'il a été traité comme un étranger. Il sent qu'il n'a pas eu les mêmes droits d'exister que les autres. (...) On a commencé avec un désir de faire du cinéma ensemble et j'ai réalisé très vite qu'il voulait être devant la caméra, qu'il avait des choses à raconter, et en même temps, ce qui m'intéressait, c'était de filmer sa trajectoire."

Programmation musicale

- "Dar Al Hallaj", Kabylie Minogue, 2020.

- "Bleu de Marseille", Carte de Séjour, 1985.