De l’écrit à l’écran, entre retranscription et appropriation (Jim Harrison, Nathacha Appanah et Joseph Andras)

Photographie de Fernand Iveton, lors de son arrestation le 14 novembre 1956 / Vincent Lacoste interprétant Fernand Iveton dans le film De nos frères blessés
Photographie de Fernand Iveton, lors de son arrestation le 14 novembre 1956 / Vincent Lacoste interprétant Fernand Iveton dans le film De nos frères blessés ©AFP - AFP /  © Laurent Thurin Nal
Photographie de Fernand Iveton, lors de son arrestation le 14 novembre 1956 / Vincent Lacoste interprétant Fernand Iveton dans le film De nos frères blessés ©AFP - AFP / © Laurent Thurin Nal
Photographie de Fernand Iveton, lors de son arrestation le 14 novembre 1956 / Vincent Lacoste interprétant Fernand Iveton dans le film De nos frères blessés ©AFP - AFP / © Laurent Thurin Nal
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Un documentaire sur Jim Harrison et deux adaptations de romans, "De nos frères blessés" et "Tropique de la violence" sortent au cinéma cette semaine. Du Alger des années 50 à l'île de Mayotte aujourd'hui en passant par les montagnes intemporelles du Montana, comment passer de l'écrit à l'écran ?

Avec

Tewfik Hakem s'entretient avec François Busnel, journaliste, critique littéraire et coréalisateur du film Seule la terre est éternelle, Hélier Cisterne, réalisateur, pour la sortie de son film De nos frères blessés, d'après le roman éponyme de Joseph Andras édité par Actes Sud, Manuel Schapira, réalisateur, et Nathacha Appanah, écrivaine, pour la sortie de l'adaptation cinématographique du livre Tropique de la violence, édité chez Gallimard, et Jean-Michel Frodon, critique de cinéma. 

L'adaptation d'un livre en film, lost in translation ?

En publiant son roman Tropique de la violence en 2016, Nathacha Appanah raconte le destin d'une bande d'adolescents livrés à eux-mêmes qui doivent survivre dans la violence sur l'île française de Mayotte. Cette histoire a été adaptée en film par Manuel Schapira qui n'était pas sûr de réaliser ce projet après avoir lu le livre, qu'il a trouvé "magnifique" : 

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"Comment on écrit le scénario d'un tel livre ? Pour moi, c'est lié à la question de comment on fait le film. Qu'est-ce que j'arrive à raconter, à faire ce qui est réaliste, ce qui est vrai ? On nous a bien dit depuis le début que ce sera impossible de tourner ce film, de tourner à Mayotte. C'est une île qui est très compliquée parce que c'est très cher, il y a des problèmes de sécurité, les élus veulent décrire leur île comme une carte postale, et on peut les comprendre. Et en même temps ils se plaignent qu'on ne parle pas assez de leurs problèmes, c'est très paradoxal."

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En effet, le roman de Nathacha Appanah n'a pas reçu un très bon accueil à Mayotte lors de sa parution, mais l'écrivaine aimerait que d'autres auteurs écrivent des histoires sur cette île qui est encore mal connue car "le pouvoir de la fiction, le pouvoir du romanesque, de la perspective historique sur une situation qui nous échappe sont importants." En regardant l'adaptation de son livre, elle a eu des sentiments mêlés :

"Quand on travaille des années sur un personnage, on finit par lui donner un visage, une façon de bouger, des tics, une manière d'être. Il y a un film qui se fait dans la tête, l'écriture peut être très physique et quand on voit le film sur grand écran, c'est parfois différent de ce qu'on a imaginé. Manuel m'a très gentiment envoyé une vidéo montrant les réactions après l'avant-première à Mayotte et les réactions des jeunes, que j'ai rencontrés, qui étaient très négatives pour mon livre, sont ici très positives. Ils disent : "C'est notre vie, c'est exactement ce qu'on vit !" Ils demandaient la suite et je comprends combien la littérature, le livre, le cinéma, l'image touchent à des endroits du corps et du cœur qui sont différents, et je l'accepte tout à fait."

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Le premier livre de Joseph Andras, De nos frères blessés, raconte l'histoire véritable de Fernand Iveton, le seul Européen guillotiné en 1957 dans le contexte de la guerre d'Algérie. C'est en découvrant cette œuvre littéraire qu'Hélier Cisterne a voulu adapter l'histoire de ce pied-noir indépendantiste et ouvrier militant communiste condamné à mort pour avoir placé une bombe destiné au sabotage de matériel dans un entrepôt d'Alger : 

"Avec Katell Quillévéré, on a découvert cet écrivain qui se penchait sur cet homme et ce couple, Hélène et Fernand Iveton, dont on n'avait jamais entendu parler. Même s'il y a eu pas mal de films qui se sont faits autour de la guerre d'Algérie en France, même s'il y a un embarras dans notre pays, et donc notre cinéma, tout à coup il y a quelque chose qui s'est passé. En fait, c'est un livre qui parle du couple, de l'engagement, de la fidélité, qui parle de cette guerre, des prémices de cette déchirure de l'Algérie. Ce livre en parle d'une façon qui nous a bouleversés parce qu'elle convoquait la figure du couple, de la lutte et des doutes dans la lutte."

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Autre sortie attendue dans les salles, le film-documentaire sur Jim Harrison, réalisé par François Busnel et Adrien Soland. A l'avant-garde des combats écologistes et féministes, le célèbre romancier et poète américain a accepté d'être filmé chez lui, dans ses terres, ce qui peut être vu comme une manière d'essayer de retrouver son univers littéraire selon François Busnel :

"On a eu l'envie de proposer aux gens qui ont lu Jim Harrison de retrouver les images qu'ils se projetaient eux-mêmes en lisant les descriptions absolument saisissantes de la nature que l'auteur propose dans ses livres. Mais on propose d'abord à ceux qui ne connaissent pas cet écrivain de le découvrir et, peut-être, moins de découvrir un écrivain que de raconter une histoire, celle du lien que nous avons perdu avec la nature, avec ce que Harrison appelle le "ré-ensauvagement" qui n'est finalement que le mot pour dire "réinventer sa vie", à travers un raconteur d'histoires. C'était peut-être moins l'envie de faire un film sur Jim Harrison qu'un film avec Jim Harrison."

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La chronique de Jean-Michel Frodon

Récompensé sept fois par l'Académie des Césars en février dernier, le film Illusions perdues de Xavier Giannoli est une adaptation de l'œuvre d'Honoré de Balzac qui est à la fois une "véritable réussite du passage du texte écrit, de ce roman fleuve, à l'écran" et une "trahison majeure entre ce qu'avait écrit Balzac et ce qu'en fait Xavier Giannoli " selon Jean-Michel Frodon :

"Il y a des déplacements, des formes de trahison différentes parce que Balzac racontait un état du monde et, en particulier, un état de la société parisienne de son temps, du monde parisien littéraire, politique, des médias, d'une manière extrêmement virulente, violente, négative. Cela est repris par le film de Giannoli mais, chez Balzac, il y avait un personnage très important qui a disparu, Daniel d'Arthez, il y avait un groupe de personnes très important qui a disparu également, qui s'appelait le Cénacle qui faisait le contrepoint de la noirceur. (...) Cela rend le film démagogique, populiste, au sens péjoratif du mot, qui renvoie la totalité de l'intelligentsia du côté de la malhonnêteté, de la faiblesse, ce qui n'est pas présent dans le roman de Balzac."

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Programmation musicale

  • ''I Balé'', Chaf Masta (feat Jah D One)  (2018)
  • "I'll be Forever Loving You", The Eldorados  (1957)
  • "Montana Song", Hank Williams Jr (1975)