Implanté en France depuis 14 ans, le wwoofing est une nouvelle forme de volontariat choisie par des personnes, généralement jeunes, qui viennent prêter main forte à des agriculteurs pour découvrir et partager le quotidien des fermes biologiques.
- Tom Connan Ecrivain, chanteur
Tewfik Hakem s'entretient avec Jean-Jacques Fasquel, wwoofeur, maître composteur et auteur de Carnets de wwoofing - Partager le quotidien des fermes bio (éd. Terre vivante), Cloé Harent, wwoofeuse et photographe qui a reçu le Prix Jeune Photographe 2021 pour sa série "Le temps d'une pause" et le romancier Tom Connan qui va publier son dernier livre Pollution chez Albin Michel.
C'est en 1971, au Royaume-Uni, qu'est crée le wwoofing, grâce à Sue Coppard, jeune secrétaire à Londres qui choisit de se reconnecter avec la nature en lançant des "Working Weekends on Organic Farms". Aujourd'hui l'acronyme Wwoof signifie "Worldwide Opportunities on Organic Farms" et ce mouvement est devenu mondial et populaire pour les raisons suivantes :
Dès son lancement, les gens ont trouvé formidable cette possibilité de vivre le quotidien des fermes biologiques et en 1971 on est au début du bio. Donc il y avait cette notion de curiosité mais aussi de soutien aux paysans. On donne du temps pour ces fermiers bio et en échange on nous offre le logement et le repas mais il ne faut pas considérer cela comme une contrepartie, c'est vraiment un don. Comme quand on donne un coup de main à un ami, on partage le repas et on dort sur place. C'est une participation libre et bénévole aux activités, il n'y a pas de lien de subordination. Jean-Jacques Fasquel
Le wwoofing, une envie manifeste de se reconnecter avec la nature
Sans être passée par une plateforme numérique, Cloé Harent est devenue wwoofeuse un peu par hasard à la fin de ses études.
J'ai d'abord fait une rencontre, lorsque je faisais mon projet d'études sur les bals folks, j'ai rencontré une femme qui m'a proposé de passer une semaine chez eux, dans leur ferme qui accueille des wwoofeurs. J'ai expérimenté ce milieu-là parce que cette ferme était très impliquée dans l'autosuffisance, il y avait une communauté de quinze personnes et ce séjour m'a beaucoup bouleversée : j'ai remarqué toute l'énergie qu'il fallait avoir pour produire ses propres légumes, ses propres fromages de vache, de chèvre. Il faut créer ses propres céréales pour nourrir ses propres bêtes, mais aussi leur farine, c'était très poussé. J'ai découvert que c'est avec le savoir-faire de chacun qu'on arrive à survivre, j'y ai trouvé un élan collectif assez fort, on se sentait vraiment vivant. Cloé Harent
Après cette première expérience de wwoofing, elle a décidé de faire un projet photographique sur différentes fermes qui accueillent des wwoofeurs en France, et depuis trois ans ce projet artistique est intrinsèquement lié à son vécu et ses valeurs personnelles.
Chaque ferme a sa propre vision du wwoofing. Je continue le woofing pour documenter en premier lieu mon projet artistique mais je ne suis pas seulement là pour photographier. C'est mon contrat moral personnel, j'y vais pour apprendre parce que je viens de l'Aude, j'ai grandi à la campagne et ma grand-mère m'a toujours parlé de son enfance. Elle dormait dans une grange, au-dessus des vaches, ils utilisaient l'eau du puit, ils chauffaient avec le feu de la cheminée (...) ses propos m'ont travaillée, m'ont fait rêver et j'avais vraiment le sentiment de vouloir essayer de palper ce qu'elle me disait, de retrouver cette authenticité dans les choses. Et pour ça il fallait que je me confronte au réel et j'ai vu que beaucoup de jeunes ont besoin de se reconnecter avec la nature, se questionner, retrouver du sens... Cloé Harent
Le wwoofing, une nouvelle source d'inspiration littéraire pour décrypter les mutations de notre société
A cause de la pandémie, Tom Connan n'a pas pu expérimenter le wwoofing mais il s'est beaucoup documenté pour construire son récit qui donne une image, tout sauf idyllique, des wwoofeurs et wwoofeuses.
Il s'agit d'une œuvre littéraire, ce n'est pas un essai ni un document. J'aime bien certains courants naturalistes, réalistes en littérature mais il n'est pas forcément nécessaire d'expérimenter toute chose pour pouvoir les raconter. Il faut se défaire de cela et je suis urbain mais j'ai passé beaucoup de temps en Bretagne, en Normandie depuis mon enfance jusqu'à aujourd'hui. C'était une expérience de pensée et d'esthétique de voir un petit peu ce que des urbains peuvent avoir en tête et voir ensuite la confrontation qu'ils peuvent avoir par rapport au réel. Ce que je décris c'est une sorte d'espoir déçu, parce que le narrateur a une tentation très forte, qui est en chômage partiel en période de pandémie, (...) de la quête de sens. Il va l'investir dans une expérience radicalement différente de son mode de vie, il va lire beaucoup de choses sur le wwoofing et il pense vraiment avoir trouvé un remède à la sinistrose. (...) L'idée selon laquelle en partant faire du wwoofing on pourrait trouver une zone pure, avec des animaux, ne correspond pas forcément à la réalité. L'idée n'est pas de critiquer le wwoofing en tant que tel mais de montrer en l'occurence la pollution environnante dans le Cotentin. Tom Connan
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