Créer un monde intérieur : épisode 1/3 du podcast Anaïs Nin, écrire l'intime

L'écrivaine Anaïs Nin, le 1er janvier 1969
L'écrivaine Anaïs Nin, le 1er janvier 1969 ©Getty - Annette Lederer
L'écrivaine Anaïs Nin, le 1er janvier 1969 ©Getty - Annette Lederer
L'écrivaine Anaïs Nin, le 1er janvier 1969 ©Getty - Annette Lederer
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Dans ce premier entretien enregistré en 1969 à l'occasion de la publication de son Journal (1931-1934), Anaïs Nin explique au micro de Pierre Lhoste comment elle raconte l'intime. L'occasion pour elle de revenir sur la petite fille "littéraire" qu'elle était ainsi que sur sa relation avec Henry Miller, au centre de son livre.

Au cours de ce premier épisode, Anaïs Nin et Pierre Lhoste reviennent sur la première expérience d'écriture de la diariste, qui tint son premier journal dès l'âge de onze ans. Une façon pour elle de raconter à son père, au moment de la séparation de ses parents, l'Amérique où sa mère décide de l'emmener. D'abord au service d'une simple lettre, l'écriture devient pour la jeune fille un refuge.  

Le journal était vraiment un journal de voyage. J'allais faire des descriptions de l'Amérique pour que mon père vienne nous voir. Mais ma mère ne m'a pas laissée lui envoyer. Alors ça a changé un peu de caractère, d'être une lettre pour mon père, c'est devenu un peu un refuge dans une nouvelle vie, dans un pays où je ne connaissais pas la langue. Je voulais rester seule avec mes écrits en français, mes livres en français. Je faisais un petit sanctuaire du journal.

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"La mémoire change beaucoup de choses "

Avant d'évoquer ses parents, Anaïs Nin raconte comment l'écriture de son journal, son "confident", lui permettait d'échapper à une Amérique toujours en mouvement, loin de la réflexion que lui offrait la littérature. Nourrie de livres, elle échappait au monde extérieur en se créant un univers intérieur. Néanmoins, les souvenirs de cette époque lui semblent flous et elle explique en quoi ils ont pu être altérés.  

Je n'ai pas beaucoup de confiance en la mémoire. La mémoire change beaucoup les choses. J'étais très étonnée quand j'ai relu les journaux de cette époque, de retrouver d'abord quelqu'un que je ne reconnaissais pas. Des réactions que j'avais oubliées. Je ne me fie pas aux souvenirs

"L'écrivain est un mythomane"

Le journal d'Anaïs Nin est aussi l'occasion de raconter Henry Miller, avec qui l'écrivaine a entretenu une relation passionnée. Personnage principal de son récit, elle évoque d'abord l'aspect physique de l'écrivain, qui selon elle "passait inaperçu", avant de décrire la vivacité qui transparaissait de ses mouvements, de sa parole. Elle partage avec lui un certain goût pour le mensonge, dans lequel baigne tant son œuvre que sa propre vie.  

C'était l'aspect de créateur et d'inventeur de l'homme qui fait de la fabulation. Alors moi, j'étais étonnée parce que nous parlions toujours de sa femme comme mythomane. Mais je disais tout de même au fond, l'écrivain aussi, est un mythomane. 

Les vérités de Miller quelquefois, étaient assez terribles pour les personnes qu'il décrivait comme, par exemple, le conte qu'il a fait sur sa famille. Ce genre de caricature, ce genre de vérité, comme femme, je ne pouvais pas l'atteindre. Alors ce que j'appelais mensonge, c'était les choses qu'on dit pour adoucir justement les coups ou adoucir la vérité, pour protéger les êtres de chocs ou de choses qui leur étaient trop pénibles. Ça, c'était mon mensonge.