

Tant chez Platon que chez Aristote, le beau et le bien communiquent. Cette idée est reprise au XVIIIe siècle par le courant empiriste anglais. D'Adam Smith à Edmund Burke, le lien entre le beau et le bien est réaffirmé par les Lumières anglo-écossaises. Qu'en est-il aujourd'hui ?
- Baldine Saint Girons professeur émérite des universités, spécialiste de la philosophie des XVII et XVIIIe siècles, membre honoraire de l’Institut universitaire de France
- Laurent Jaffro professeur de philosophie morale à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre honoraire de l’Institut universitaire de France
- Guillaume Navaud professeur de lettres classiques en Classes préparatoires aux grandes écoles au lycée Henri-IV à Paris
Le beau et le bien vont-ils naturellement ensemble ? Telle est la question à laquelle s'intéresse Avec philosophie dans cette série d'émissions. Dans le premier épisode, Géraldine Muhlmann et ses invités se demandent si l'on peut être sensible au beau sans être sensible au bien.
Un spectateur impartial
Dans sa Théorie des sentiments moraux (1759), Adam Smith suggère d'adopter le point de vue d'un spectateur impartial afin de prendre des décisions morales. Pour Guillaume Navaud, il s'agit d'une version moderne de la métaphore du "théâtre du monde", développée notamment par les stoïciens et Cicéron. "Ils avaient remarqué que les impératifs moraux catégoriques ne nous aidaient pas beaucoup pour nous orienter moralement". Or, parce qu'il faut agir au quotidien, ils suggèrent "d'imiter des acteurs, à qui on donne un rôle, un texte, un costume". L'acteur conserve néanmoins une part d'autonomie : c'est "son interprétation, qu'il construit à partir de ce qu'il imagine être le point de vue du spectateur".
Une moralisation excessive des arts ?
Assiste-t-on aujourd'hui à une moralisation excessive des œuvres d'art ? Pour le philosophe Laurent Jaffro, "nous sommes fascinés par les contenus moraux des œuvres, au détriment d'une appréciation plus technique, artistique, de leur qualité". Or, il remarque que "le cinéma, comme l'art en général, n'est pas supposé conforter simplement nos intuitions et nos préjugés", mais "nous fournir des occasions de réfléchir à ces intuitions". Il est selon lui nécessaire de représenter la violence dans l'art, au théâtre ou au cinéma, de découvrir comment nous y réagissons : "quelles émotions aurions-nous si nous n'avions pas de représentations qui en soient l'occasion ?".
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Bibliographie
- Baldine Saint Girons, Le Sublime de l’Antiquité à nos jours, éditions Desjonquères, 2005.
- Baldine Saint Girons, L’Acte esthétique : Cinq réels, cinq risques de se perdre, éditions Klincksieck, 2008.
- Baldine Saint Girons, Le Pouvoir esthétique, éditions Manucius, 2009.
- Baldine Saint Girons, présentation, traduction et notes de Edmund Burke, Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau, 1re éd. Vrin 1990, 2e éd. revue et augmentée Vrin 1998, 3e éd. revue et abrégée, Livre de poche, Vrin, 2009.
- Laurent Jaffro, La couleur du goût. Psychologie et esthétique au siècle de Hume, Vrin, 2019.
- Guillaume Navaud, Persona. Le théâtre comme métaphore théorique de Socrate à Shakespeare, Librairie Droz, 2011.
- Guillaume Navaud, Voir le théâtre. Théories aristotéliciennes et pratiques du spectacle, Éditions Mimésis, 2022.
Références sonores
- Lecture par Aïda N'Diaye d'un extrait d'Aristote du livre VI, 2, de La Poétique (vers 335 av. J.-C), traduction et édition de Pierre Destrée, Flammarion, 2021
- Extrait du film Inglorious Basterds, réalisé par Quentin Tarantino, 2009
- Extrait du film Rocco et ses frères, réalisé par Luchino Visconti, 1960
- Chanson de Enzo Enzo, "Juste quelqu'un de bien", composée par Kent et sortie en 1994
Le Pourquoi du comment : philosophie
Toutes les chroniques de Frédéric Worms sont à écouter ici.
L'équipe
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- Caroline PernesStagiaire