Comment écrire l’histoire d’Octobre 17 ?

Révolution russe de 1917 : manifestation de marins en 1917à Petrograd.
Révolution russe de 1917 : manifestation de marins en 1917à Petrograd.  ©AFP - Pyotr Adolfovich Otsup (1883-1963)
Révolution russe de 1917 : manifestation de marins en 1917à Petrograd. ©AFP - Pyotr Adolfovich Otsup (1883-1963)
Révolution russe de 1917 : manifestation de marins en 1917à Petrograd. ©AFP - Pyotr Adolfovich Otsup (1883-1963)
Publicité

Weekend France Culture du 14 et 15 octobre avec pour thème « Il y a 100 ans, la révolution russe ». Nous serons en compagnie d’Alexis Lacroix, directeur délégué de la rédaction de l’Express et Pauline Peretz, rédactrice en chef de La vie des idées.fr pour parler des deux livres choisis

Avec

1917 : la Russie et les Russes en Révolutions - Alexandre Sumpf

1917 : la Russie et les Russes en Révolutions est publié chez Perrin… et « Révolutions » est écrit au pluriel, ce qui a son importance. Parler des révolutions ce n’est pas seulement rappeler la continuité entre 1905 et 1917… ou faire la distinction entre février et octobre… c’est aussi souligner la dimension multiforme, les spécificités géographiques… c’est surtout différencier la révolution des masses de la révolution officielle des responsables politiques.

Peut-on écrire l’histoire de la révolution russe s’interrogeait en 1997 le grand historien britannique inspiré par le marxisme Eric Hobsbawm ? Alexandre Sumpf lui répond positivement, à condition de ne pas faire une histoire linéaire et surtout de ne pas la résumer à un affrontement entre idéologie, partis et leaders.

Publicité

Pour proposer une « histoire totale de la Russie en révolutions », ce sont ses mots, l’historien Alexandre Sumpf, décentre le regard de plusieurs façons. En mobilisant des sources peu exploitées, les images filmiques de 1917 dans lesquelles le peuple est à l’honneur. En élargissant aussi le regard habituel par l’analyse des « dynamiques provinciales » d’un Empire entre révolution et guerre civile.

J’ai été très impressionnée par cette belle synthèse à la fois très élégante tant dans le style que dans la composition et aussi renouvelant profondément le genre. C’est difficile d’écrire sur la Révolution, vous l’avez dit, à la fois parce que c’est un événement extrêmement chargé, une succession de moments qui s’enchainent et dont on a besoin de rendre compte pour expliquer cet enchaînement. Mais en même temps une historiographie extrêmement chargée qu’il est impossible d’ignorer.(Pauline Peretz)

Je suis d’accord avec Pauline Peretz pour dire que la tentative globale est à la fois très ambitieuse et très réussie pour les raisons qu’elle a dites. Je suis aussi d’accord avec elle pour reconnaître qu’il y a une sorte de « deus ex machina » cité d’ailleurs, une sorte d’étoile polaire de cette démarche historiographique, c’est le grand Marc Ferro. (Alexis Lacroix)

La Maison éternelle : une saga de la Révolution russe - Yuri Slezkine

Deuxième temps de l’émission… on continue d’évoquer Octobre 17. Et on va maintenant s’intéresser à l’essai de l’historien américain, né en Union Soviétique, Yuri Slezkine, La Maison éternelle : une saga de la Révolution russe publié aux éditions La Découverte.

C’est là aussi un livre absolument passionnant, dont la structure et l’approche est beaucoup moins classique que celui d’Alexandre Sumpf. Le terme de saga permet d’ailleurs d’en mesurer le projet : à partir de l’étude d’un bâtiment construit à Moscou au tournant des années 20 et 30 pour accueillir des dignitaires soviétiques, Yuri Slezkine déroule les histoires personnelles, les histoires familiales de ses occupants.

Il peut remonter ainsi aux fondements intellectuels de la Révolution et aller jusqu’aux grandes purges de 1937-1938. Le terme de saga renvoie aussi à l’importance des mythes, de la littérature et des écrivains dans la mise en récit de la Révolution. On lit et on écrit beaucoup dans la Maison Eternelle où on trouve aussi un cinéma et un théâtre, signe de l’importance accordée à la culture dans la conversion au socialisme.

Mais l’un des points les plus forts de cet essai de Yuri Slezkine, c’est probablement le parallèle qui est fait entre les bolchéviques et une secte millénariste, c’est-à-dire un groupe animé par la certitude de l’imminence de l’apocalypse. Le rapport entre foi et conviction est absolument central dans son analyse.

Saga, la résumer, 1300 pages… c’est un peu difficile à résumer comme ça. Ce que je retiens, c’est évidemment l’essai de théorisation, on rend visite aux 1300 habitants de cet immeuble historique qui était une sorte de Babel de la nomenclatura soviétique des débuts dans laquelle vivaient les pères fondateurs de l’Union soviétique et leurs enfants […]. Là, ce qu’il nous propose au travers de cet immeuble c’est en fait de dévoiler progressivement l’archéologie épistémique (pour parler comme Foucault qu’il a peut-être lu d’ailleurs) de la révolution bolchevique et de ses élites. (Alexis Lacroix)

Moi aussi j’ai été très séduite par la forme et très stimulée par la thèse. La forme j’ai envie d’en parler car c’est un objet littéraire rare, c’est effectivement quelque chose qui tient du livre historique […]. C’est à la fois un livre historique avec une thèse très forte, une thèse contestable, mais c’est aussi un grand livre, un grand roman. (Pauline Peretz)

L’instant critique

Alexis Lacroix nous parlera du tome 3 d’Une Histoire mondiale du communisme : Les complices de Thierry Wolton et Pauline Peretz nous parlera de la revue XXe siècle - 135, de juillet-septembre 2017 intitulée : 1917, un moment révolutionnaire ( Les presses de SciencesPo)

L'équipe