Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique " Le Danger sociologique" de Gérald Bronner et Etienne Géhin paru aux PUF, puis un bestseller en Allemagne qui vient d’être traduit et publié par le Seuil, "Contre La Haine, plaidoyer pour l’impur" de Carolin Emcke.
- Eugénie Bastié Journaliste et essayiste
- Joseph Confavreux Journaliste pour le site Médiapart, rédacteur en chef de la Revue du Crieur
En studio pour en débattre Joseph Confavreux de Mediapart et la revue Du Crieur et Eugénie Bastié du Figaro et de la revue Limite…
Le danger sociologique - G. Bronner et E. Géhin
Nous commencerons avec l’essai de Gérald Bronner et Etienne Géhin, Le danger sociologique, dans lequel ils s’en prennent à la dérive militante, selon eux, de leur discipline pour laquelle ils prônent un tournant scientifique. Ce livre sorti mercredi dernier mais dont on a déjà pas mal entendu parler. Gérald Bronner était l’invité de Guillaume Erner cette semaine dans les Matins de France Culture, il a donné des interviews au Nouvel Obsvervateur, au Point, toutes les pages idées des journaux lui ont consacré des critiques plus ou moins bienveillantes.
Plus ou moins car il fait polémique : réponse cinglante du vénérable Edgar Morin par voie de presse qui conseil aux auteurs de bien le lire avant de le critiquer… attaque en règle sur les réseaux sociaux du jeune Geoffroy de Lagasnerie qui y voit un pamphlet au service d’une offensive réactionnaire. Les couteaux sont tirés.
Alors de quoi s’agit-il ? Dans Le Danger sociologique Gérald Bronner et Etienne Géhin s’alarment d’une dérive de la sociologie qui se serait trop éloignée de sa vocation scientifique au profit d’une approche dogmatique et idéologique. Dans leur viseur, ceux qui à la suite de Pierre Bourdieu estiment que « la sociologie est un sport de combat » et qui tordent les outils et les résultats de leurs enquêtes à des fins politiques. Problème, ces « héritiers » tiennent le haut du pavé médiatique et délégitiment une discipline, leur discipline, qui n’a pourtant jamais été aussi nécessaire.
Contre la « sociologie déterministe » ils prônent en élève de Raymond Boudon la sociologie analytique. Pour faire simple, il faut donner aux décisions et aux actions des individus une place centrale pour expliquer les phénomènes sociaux. Les acteurs sociaux ne sont pas agis, ils ne sont pas des objets pris dans un système de contraintes. Ils ont un cerveau et un libre arbitre. Gérald Bronner et Etienne Géhin proposent donc pour faire de la sociologie une science humaine exacte de recourir aux découvertes de la science cognitive.
Le titre est à double sens , c'est à la fois, selon eux, la sociologie est une science qui est en danger [...] et en même temps une science qui pourrait être elle-même un danger. Car à force de véhiculer des messages ultra-déterministes dans la société la sociologie aurait une forme de performativité, qui créerait des formes de déterminisme en véhiculant ces messages déterministes. J'ai trouvé ce livre plutôt convaincant et très sérieux, pas du tout pamphlétaire. (Eugénie Bastié)
Pour moi ce livre est un pamphlet [...]. C'est une attaque de dire : voilà la sociologie avec laquelle nous ne sommes pas d'accord est une sociologie idéologique non scientifique contrairement à la leur, qui serait fondée sur la neutralité axiologique et nourrit aux avancées des sciences sur le cerveau. (Joseph Confavreux)
Contre la Haine, plaidoyer pour l’impur - Carolin Emcke
Deuxième temps de l’émission… on va maintenant s’intéresser à un essai qui s’est vendu à plus de 100 000 exemplaires en Allemagne, un véritable phénomène d’édition couronné du prestigieux Prix des libraires pour la paix à la Foire de Francfort en 2016. Son auteur Carolin Emcke, a longtemps été reporter de guerre et elle est présentée comme l’une des grandes figures intellectuelles allemande d’aujourd’hui. Et puisque j’ai évoqué Gérald Bronner aux Matins je ne peux pas oublier de vous signaler qu’elle a été l’invitée d’Olivia Gesbert à la Grande table le 27 septembre dernier.
Contre la Haine, plaidoyer pour l’impur a donc paru au Seuil dans une traduction d’Elisabeth Amerein-Fussler. C’est un livre qui traite de racisme, de xénophobie, d’homophobie, de transphobie mais aussi d’islamisme et de terrorisme… les visages contemporains de cette haine dont l’auteur cherche à comprendre les mécanismes.
C’est un essai d’intervention qui est une réponse à la montée en puissance de l’Alternative für Deutschland, l’AFD, et d’ailleurs de tous les partis d’extrême droite en Europe. Désormais nous dit Carolin Emcke on peut haïr ouvertement et sans vergogne.
Sa réflexion porte sur les structures qui rendent possible selon elle ce phénomène, ce rejet de plus en plus radical de toute forme d’altérité. Pour au final se faire l’avocate de toutes les différences contre la recherche d’homogénéité des sociétés, contre l’idée d’un ordre naturel, contre enfin la revendication d’une forme de pureté.
Ce qui est très problématique , à mon avis, dans ce livre finalement tout est mélangé et elle fait l'apologie du droit à la distinction, de la culture de l'ambiguïté et elle reproche aux haineux de haïr sans distinction mais elle met tous ces haineux dans le même sac. On peut se demander qui sont ces haineux. (Eugénie Bastié)
Là où je ne vous suis pas, et ça c'est un point important, c'est qu'il faut haïr l'indifférence pour reprendre les termes de Gramsci. Et ce qu'elle dit bien c'est que jamais la haine ne pourra avoir un tel impact aussi durable, aussi persistant, jamais elle ne pourrait éclore et se répandre comme elle se répand quand même dans beaucoup de régions de l'Occident s'il n'existait pas cette secrète tolérance de ceux qui n'approuvent peut-être pas les moyens de la violence ou de l'intimidation mais qui méprisent bel et bien l'objet sur laquelle la haine s'exerce. (Joseph Confavreux)
L'instant critique...
Eugénie Bastié nous parlera de l'exposition " Chrétiens d'Orient. Deux mille ans d'histoire " actuellement à l'institut du Monde Arabe, que vous pourrez voir jusqu'au 14 janvier 2018 et Joseph Confavreux nous parlera d'un film documentaire " Ouvrir la voix", d’Amandine Gay.
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