Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique : "Résonance : une sociologie de la relation au monde" d'Hartmut Rosa, La Découverte et "Les enfants de la société liquide" de Zygmunt Bauman et Thomas Leoncini.
- Aliocha Wald Lasowski Journaliste pour les pages idées de l'Express
- Catherine Portevin Chef de la rubrique livres pour Philosophie Magazine
Aujourd'hui deux auteurs qui s’attaquent à la modernité. Le philosophe et sociologue allemand Hartmut Rosa se propose de le faire à l’aide du concept de Résonance… qui donne son titre au livre qu’il publie à la Découverte… tentative de penser avec les outils des sciences sociales ce que peut être une « vie bonne », et d’établir ainsi une sociologie de la relation au monde. Ou comment résoudre le paradoxe central de notre époque, quand l’injonction à l’authenticité se heurte à l’obligation de se réinventer en permanence. C’est une interrogation qui est également au centre d’un autre concept, celui de « Société liquide » théorisé dans les années 90 par le sociologue anglo-polonais Zygmunt Bauman mort l’année dernière. Les éditions Fayard publient un court livre posthume, des entretiens avec le jeune journaliste italien Thomas Leoncini… pour une discussion intergénérationnelle sur les Enfants de la société liquide.
Hartmut Rosa - Résonance : une sociologie de la relation au monde
Je vous propose de commencer par le livre d’Hartmut Rosa, Résonance : une sociologie de la relation au monde publié aux éditions La Découverte dans la collection Théorie critique… la traduction est de Sacha Zilberfarb avec la collaboration de Sarah Raquillet.
Hartmut Rosa est professeur à l’université Friedrich-Schiller à Iéna et directeur du Max Weber Kolleg à Erfurt… il s’était fait connaître par la publication en 2005 d’un ouvrage traduit en Français en 2010 sous le titre Accélération. Une critique sociale du temps (La Découverte)… il y mettait le doigt sur un paradoxe qui est selon lui la clé de voûte de nos sociétés modernes : alors que tout va toujours plus vite dans nos vie, le temps nous manque en permanence. Cette réflexion sur l’accélération l’amène à repenser l’approche sociologique dans une perspective critique. Comme ses prédécesseurs, Max Weber ou l’école de Francfort, il va chercher dans la philosophie, la métaphysique, des outils qui lui permettent de sortir d’une approche purement descriptive du réel.
Et il convoque pour ça des concepts comme celui de résonance, présenté dans le livre qui nous intéresse ce soir comme un remède à l’accélération. Car contrairement à un Adorno ou même à Axel Honnet, les deux précédentes générations de l’école de Francfort, Hartmut Rosa propose une critique de la modernité sans sombrer dans le pessimisme.
C'est un livre événement. En effet il y a très peu de livres aujourd'hui qui présentent un changement de paradigme pour lire le social et rien que pour ça ill faut le saluer. (Catherine Portevin)
Il y a quelques jours le géant américain de l'e-commerce Amazon a dépassé en capitalisation boursière 1000 milliards de dollars, ça c'est l'accélération que dénonce Harmut Rosa. Nous sommes dans des sphères économiques et financières qui dépassent tout entendement. (Aliocha Wald Lasowski)
Zygmunt Bauman - Les enfants de la société liquide
Je vous propose de nous intéresser maintenant au livre posthume de Zygmunt Bauman, Les enfants de la société liquide, une conversation inachevée avec le journaliste italien Thomas Leoncini (Fayard).
C’est un petit livre issu de la correspondance entre le grand intellectuel, théoricien de ce concept de société liquide… on y reviendra bien sûr… et un jeune homme de 60 ans son cadet. Le titre original, en italien, est d’ailleurs plus parlant que le titre français puisqu’on peut le traduire par « Né liquide ». Et c’est bien de ça qu’il s’agit : la confrontation des interrogations d’un enfant de cette époque où la communauté a cédé le pas à l’individualisme, dans laquelle le changement est la seule chose permanente, l’incertitude la seule certitude… et des réponses de celui qui a su mettre un mot sur ce phénomène.
Des questions d’ailleurs très concrètes : l’augmentation de la pratique du tatouage permet d’interroger le rapport à l’identité, les phénomènes de harcèlement illustrent l’accroissement de la violence, les pratiques des réseaux sociaux sont décryptés à travers l’évolution des barrières sexuelles.
C'est le coeur du livre : la jeune génération aujourd'hui se pose cette question : comment se connaître en étant toujours en démonstration, en illustration de soi par les réseaux sociaux, par la communication. C'est une sorte de philosophie de l'identité qui est proposée. (Aliocha Wald Lasowski)
Ce que je trouve subtil dans ce livre c'est qu'il n'y a aucun jugement de valeur, pas de pensé catastrophiste, ni de nécessité que les choses soient positives... (Catherine Portevin)
L'instant critique
Il sera question de la revue Sensibilités éditée par Anamosa. Pour sa quatrième livraison, après avoir exploré le charisme (Anatomie du charisme), l’habiter (Les Sens de la maison) et les corps (Corps au paroxysme), la revue Sensibilités s’empare de nos rêves. Nous vous parlerons plus particulièrement de l'article de Bernard Lahire "Des rêves pour les sciences sociales".
Pour un savoir plus
Le site de Philosophie Magazine et les informations pour le livre d’Hartmut Rosa "Remède à l'accélération"
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