

Comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique : "Pourquoi les riches votent à gauche" de Thomas Frank, Agone éditeur et "Le triomphe de la bêtise : ou le gâteau au chocolat du président Donald Trump" d'Armand Farrachi chez Actes Sud.
- Aliocha Wald Lasowski journaliste pour les pages idées de l'Express
- Joseph Confavreux journaliste pour le site Médiapart, rédacteur en chef de la Revue du Crieur
Ce sont deux livres qui tentent de saisir, chacun à sa façon, cette époque qui a accouché de Donald Trump. Dans Pourquoi les riches votent à gauche, publié chez Agone, le journaliste et essayiste américain Thomas Frank analyse l’évolution du parti démocrate ces dernières décennies. Un parti qui a tourné le dos aux classes populaires, les conduisant à la relégation, et les Démocrates à la défaite électorale. Il est moins directement question des États-Unis dans le court pamphlet de l’écrivain Armand Farrachi, mais le président Trump y occupe tout de même une place de choix. Le Triomphe de la bêtise est publié aux éditions Acte Sud… un texte misanthrope et bougon qui ne manque toutefois pas d’humour.
Thomas Frank - Pourquoi les riches votent à gauche
Thomas Frank est essayiste et journaliste, il écrit régulièrement pour Le Monde Diplomatique et Harper’s sur la société et la politique américaine. Il s’était fait connaître par un essai qui est, en quelque sorte, le symétrique de celui dont on va parler aujourd’hui : Pourquoi les pauvres votent à droite, sorti en 2008 chez le même éditeur, les éditions Agone. Il menait alors l’enquête dans son Kansas natal à la rencontre des masses déshéritées qui en veulent moins aux élites économiques qu’à la gauche libérale et éduquée… et donc votent désormais plus facilement pour les Républicains que pour les Démocrates. Aujourd'hui, il publie Pourquoi les riches votent à gauche, toujours aux éditions Agone-Contre Feu avec une préface de Serge Halimi… Un livre traduit de l’américain par Etienne Dobenesque.
Le génie des Républicains pour parvenir à ce renversement, avoir remplacé la lutte des classes par une guerre culturelle… dans Pourquoi les riches votent à gauche, Thomas Frank montre comment la gauche américaine a participé pleinement à cette entreprise. Il fait cette fois-ci œuvre d’historien et décortique l’avènement de ceux qu’on appellera les « nouveaux démocrates », qui ont progressivement abandonné les classes populaires au profit des populations aisées et cultivées à l’instar de Clinton et d’Obama.
Pourquoi les riches votent à gauche et les pauvres à droite ? Parce que le modèle méritocratique proposé par cette nouvelle gauche, qui a cessé de prétendre réduire les inégalités économiques, cette promesse d’élévation par l’éducation, ne marche pas et donc ne rassemble plus.
Ici on inverse le point de vue par rapport au premier livre de Thomas Frank, il n’est pas question des électeurs mais des élus […] C’est un livre solide avec un auteur qui a un très bon sens de la formule mais qui m’intéresse un peu moins que « Pourquoi les pauvres votent à droite ». (Joseph Confavreux)
Il analyse à la fois le fond et la forme, c’est une analyse du discours de communication des démocrates à leurs électeurs. C’est là que le problème se pose : l’espoir aujourd’hui il n’y en a plus, on ne sait pas où le trouver. (Aliocha Wald Lasowski)
Armand Farrachi - Le triomphe de la bêtise : ou le gâteau au chocolat du président Donald Trump
Un livre paru chez Acte Sud dans la collection Un endroit où aller. Alors je ne sais pas justement dans quel endroit pourrait aller l’auteur pour se soustraire à la bêtise qu’il conspue, lui qui ne trouve même pas en Charentes l’isolement suffisant et nécessaire à sa misanthropie. Tout y passe dans ce court essai : la télévision, la baisse du niveau et des exigences scolaires – l’auteur est professeur de lettres – la télé, Internet, les Fast Food, les anglicismes… La charge n’est pas nouvelle, mais Armand Farrachi estime tout de même qu’un pas a été franchi ces dernières années, la bêtise a atteint, dans nos sociétés d’opinion, des sommets : ceux de l’État, des milieux culturels, et des médias.
Sa théorie, c’est que le système économique a besoin de cette bêtise pour exister, la technique l’aggrave et la « démocratie » la consacre. Ce militant écologiste n’oublie pas évidement de pointer du doigt le réchauffement climatique et les dégradations de la nature en tout genre comme marque supplémentaire de la « connerie humaine ».
Il y a un petit côté vieil oncle bougon un brin réactionnaire, mais il y a aussi des passages assez drôles comme cette métaphore filée de la bêtise incarnée par l’épisode où Donald Trump raconte comment il avait annoncé à Xi Jingping qu’il venait de bombarder la Syrie devant « la plus belle part de gâteau au chocolat qu’on puisse imaginer ». De quoi la part de chocolat est-elle le nom ?
L’angle d’Armand Farrachi est très radical. Il démolit les milieux d’information, de communication, de décision, il y va au karcher. Il déplore des choses très importantes comme la perte de la qualité du langage, de l’importance de notre vocabulaire […] Il essaye de pointer cette idée que la bêtise a triomphé, c’est notre société aujourd’hui. (Aliocha Wald Lasowski)
Je serais un peu plus sévère que vous. Ce n’est pas que je n’aime pas la misanthropie, au contraire je peux m’y reconnaître, je pense qu’il faut brocarder la bêtise mais je pense que pour faire ça il faut être soit cinglant comme Cioran, soit drôle comme Desproges, soit fin comme Flaubert. Et pour moi ce livre n’est pas du tout ça. (Joseph Confavreux)
L'instant critique
Aliocha Wald Lasowski nous propose un colloque international " Archipels Glissant", autour de la figure du célèbre écrivain, poète, philosophe qui se tiendra les 31 mai, 1er et 2 juin 2018 dans plusieurs lieux de la capitale dont : Université Paris Lumières • Bibliothèque Nationale de France • Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne... Joseph Confavreux nous convie au Musée Georges Pompidou pour assister aux événements dans le cadre de " L'observatoire des passions" confié cette année à Philippe Mangeot : conférences, débats et prises de paroles, il s’agit de mener une réflexion sur les batailles associatives des dernières années. Prochain rendez-vous : le dimanche 17 juin prochain.
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