Le peuple contre le populisme

Marie-Antoinette conduite à son exécution le 16 octobre 1793 (Tableau de William Hamilton)
Marie-Antoinette conduite à son exécution le 16 octobre 1793 (Tableau de William Hamilton)
Marie-Antoinette conduite à son exécution le 16 octobre 1793 (Tableau de William Hamilton)
Marie-Antoinette conduite à son exécution le 16 octobre 1793 (Tableau de William Hamilton)
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Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique dans lesquels il sera question de populisme. Gérard Bras, "Les voies du peuple : élément d’une histoire conceptuelle" aux Éditions Amsterdam, et Jérémy Dousson dans "Un populisme à l'italienne ? Comprendre le Mouvement 5 étoiles".

Avec

Ce soir deux livres qui se penchent sur ce grand mal politique contemporain, le populisme. Dans Les voies du peuple : élément d’une histoire conceptuelle aux Éditions Amsterdam, le philosophe Gérard Bras se fait aussi historien. Il mène l’enquête pour finalement montrer comment le nom de peuple, malgré ses ambiguïtés, est encore utile en politique. Ce que ne contesteraient pas les partisans du mouvements 5 étoiles qui a fini en tête des élections générales italiennes, c’était il y a tout juste une semaine. L’irrésistible ascension du mouvement de Bepe Grillo est décortiquée par Jérémy Dousson dans Un populisme à l'italienne ? Comprendre le Mouvement 5 étoiles paru aux éditions Les petits matins. Pour un portrait de l’Italie devenu laboratoire politique européen.

Je vous propose de commencer par le livre le plus théorique qui est signé de Gérard Bras, philosophe, professeur honoraire en Khâgne, président de l’université populaire des Hauts-de Seine. Les voies du peuples : éléments d’une histoire conceptuelle est paru aux éditions Amsterdam. 

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C’est un livre de philosophe à l’intention des philosophes […] Gérard Bras nous montre qu’il y a des définitions  du peuple qui sont en tension permanente. L’idée centrale de ce livre c’est que le peuple avec toute la charge affective qu’il y a dans ce mot est toujours sous la menace de son autre : et son autre c’est la multitude, la populace, ce peuple informe des ignorants. Cette tension-là est centrale dans le livre de Gérard Bras et elle est assez simple à comprendre et intéressante. (Julie Clarini)

On ne peut pas partir de cette question : qu’est-ce que le peuple qui semble pourtant basic. Gérard Bras nous livre un ouvrage « hard » et ardu mais il a quand même le mérite de s’intéresser à de nombreux textes et pas toujours ceux auxquels on s’attend. […] C’est un objet assez étrange d’enquête, d’histoire conceptuelle qui fonctionne vraiment quand il rentre dans les textes. (Joseph Confavreux)

Gérard Bras - Les voies du peuples : éléments d’une histoire conceptuelle

L’objet de cette enquête, de ce livre d’histoire conceptuelle comme le dit l’auteur, c’est de tenter de définir ce qu’est le peuple… en avouant dès le début que c’est un exercice impossible, tout comme il est impossible même de dire si le peuple existe bel et bien. C’est une notion embarrassante pour le philosophe car elle est floue. Et pourtant, si on renverse la perspective, qu’on regarde justement l’histoire, on voit bien qu’il existe un peuple comme catégorie politique. Il n’y a d’ailleurs pas de démocratie possible, ne serait-ce que pour des raisons étymologiques, sans lui. 

Alors Gérard Bras ne refuse pas l’obstacle et décide de cheminer à égale distance du peuple comme concept et du peuple comme événement. Pour cela, il se penche successivement sur trois époques distinctes : la Révolution Française d’abord, la France du Général de Gaulle au moment de la Résistance puis au moment de la guerre d’Algérie, la période actuelle enfin avec évidemment au centre la question du populisme… ce « spectre qui hante la politique contemporaine » pour reprendre l’expression d’Etienne Balibar qui signe la préface de cet essai.

Finalement, c’est un livre qui avance avec une conviction : malgré ses imperfections, et peut être même à cause de ces contradictions, le mot de peuple peut encore être un outil d’émancipation.

Deuxième temps de l’émission, on se penche maintenant sur un court essai qui est beaucoup moins conceptuel, plutôt descriptif. Il est tout de même intéressant pour celles et ceux qui n’ont qu’une connaissance vague et qui cherchent à « comprendre le mouvement 5 étoiles ». 

Jérémy Dousson - Un populisme à l'italienne ? Comprendre le Mouvement 5 étoiles

Ce livre est signé par Jérémy Dousson dont c’est le premier essai, il est directeur général adjoint de la coopérative Alternatives économiques… qui publie Alter Eco. L’essayiste rappelle les faits, du premier Vafanculo day en 2007 jusqu’à devenir une force politique majeur en Italie. Avec une question centrale, est-ce qu’on est face à un mouvement qui est propre à ce pays, à son histoire récente marquée par la corruption, l’instabilité politique et la crise économique, ou bien faut-il chercher de l’autre côté des Alpes une sorte de laboratoire politique de l’Europe, en avance sur les phénomènes qui touchent progressivement les autres démocraties. Et il faut bien dire qu’il y a pas mal d’arguments à l’appui de cette dernière thèse.

Rémy Dousson les égraine, et présente finalement un mouvement plus complexe que ce qu’on en dit généralement en France. Il insiste notamment sur les fondements intellectuels antilibéraux, hétérodoxes, dégagistes et écologistes… Cinq Etoiles occupent un espace politique à la fois progressiste et altermondialiste. L’auteur a la cruauté de rappeler cette phrase du Maire de Turin à propos de Bepe Grillo : « Si Grillo veut faire de la politique, qu’il fonde un parti, qu’il mette sur pied une organisation, qu’il se présente aux élections, et on verra combien de voix il prend ». 

On a vu, la semaine dernière, le Mouvement 5 étoiles, sans Bepe Grillo mais avec son successeur Luigi Di Maio qui est arrivé en tête des élections générales.  Ce livre nous rappelle qu’avant la France, avant les autres pays européens, l’Italie a vu s’écrouler les partis traditionnels.

Le mérite de ce livre est double, il restitue très bien les circonstances assez italiennes dans lequel ce mouvement a pu émerger. […]La base  de ce Mouvement 5 étoiles est le renouvellement politique et l’anticorruption. Jérémy Dousson insiste sur la richesse programmatique de ce mouvement et son mode très original d’organisation. (Joseph Confavreux)

Moi j’ai appris dans ce livre cet ancrage à gauche des électeurs du Mouvement 5 étoiles dont j’ignorais tout. On nous dit que c’est un mouvement populiste, nous appliquons alors nos propres catégories nationales : on se dit c’est la droite mais en fait c’est très différent du mouvement de la Ligue du Nord. (Julie Clarini)

L'instant critique

Julie Clarini nous propose d'aller au musée Marmottan-Monet pour voir l'exposition Corot : " Le peintre et ses modèles". Vous pourrez vous y rendre jusqu'au 8 juillet prochain. Cette exposition réunit un ensemble  exceptionnel de peintures de figures et célèbre la part la plus  personnelle, la plus secrète mais aussi la plus moderne de la production  de l’artiste surtout connu pour ses paysages. Joseph Confavreux vous invite la semaine prochaine vendredi 16 mars et samedi 17 mars au Théâtre 104 pour le Festival  des 10 ans de Médiapart.

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