Par-delà le bien et le mal

Portait de Bernard de Clairvaux dans une lettrine ornant un manuscrit de La Légende dorée, vers 1267-1276.
Portait de Bernard de Clairvaux dans une lettrine ornant un manuscrit de La Légende dorée, vers 1267-1276. - Wikipedia
Portait de Bernard de Clairvaux dans une lettrine ornant un manuscrit de La Légende dorée, vers 1267-1276. - Wikipedia
Portait de Bernard de Clairvaux dans une lettrine ornant un manuscrit de La Légende dorée, vers 1267-1276. - Wikipedia
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Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique : "Éthique de la considération", paru au Seuil, de la philosophe Corine Pelluchon et "Face au Mal : le conflit sans la violence" conversation de Michel Wieviorka avec Régis Meyran publié chez Textuel.

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Ce soir  deux livres qui s’interrogent sur notre responsabilité dans la construction du commun. Dans Éthique de la considération, paru au Seuil, la philosophe Corine Pelluchon poursuit un travail – entamé de longue date – pour définir ce que supposerait un monde qui englobe humains et animaux, patrimoine naturel et culture. Avec un objectif politique qui n’a pas peur de se frotter aux catégories du Bien et du Mal. Ce qui n’est pas sans rapport avec notre deuxième essai : Face au Mal : le conflit sans la violence conversation de Michel Wieviorka avec Régis Meyran publié chez Textuel, sur un sujet qui occupe le sociologue depuis longtemps maintenant : d’où vient la violence et comment s’en sortir ?

Corine Pelluchon - Ethique de la considération

Corine Pelluchon est philosophe, professeur à l’université Paris-Est-Marne-La-Vallée et a publié une dizaine d’ouvrages dont Les nourritures. Philosophie du corps politique sorti en 2015 avait reçu le prix de l’Académie des Sciences morales et politiques et le prix de l’essai Paris-Liège. Elle s’y interrogeait déjà : pourquoi la prise en considération des enjeux environnementaux n’a-t-elle pas transformé la démocratie ? Pourquoi continuons-nous d’adopter des styles de vie qui ont un impact destructeur à la fois sur le plan écologique et social ? Comme l’a fait remarquer récemment Roger Pol Droit dans Le Monde des Livres l’objectif de la philosophe est politique, il s’agit d’articuler l’écologie à une philosophie de l’existence, d’indiquer le chemin d’une possible rénovation de la démocratie.

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Elle continue ce travail en proposant cette éthique de la considération… c’est un livre dense, parfois difficile, qui fait appel à des concepts comme le bonheur, la sobriété, l’humilité ou la vulnérabilité. Et pourtant c’est vraiment une philosophie concrète, comme l’illustre par exemple l’idée de transmission d’un monde habitable, qui se développe sous la plume de Corine Pelluchon. Elle s’interroge sur ce qui nous pousse à agir de la façon dont nous le faisons pour, en définitive, répondre à un véritable appel à une transformation de soi.

Corine Pelluchon revendique cet ancrage dans la spiritualité de Bernard de Clairvaux (Saint-Bernard) avec le terme d’humilité et celui de considération qu’il utilise […] Elle développe une mystique sans dieu. (Catherine Portevin)

Elle échafaude la question : faut-il un nouveau traité des vertus pour reprendre Jankelevitch. Elle pose deux autres questions intéressantes : faut-il de nouvelles vertus ou adapter les vertus anciennes ? (Joseph Confavreux)

Michel Wieviorka - Face au mal : le conflit sans la violence

Dans ce livre, le sociologue Michel Wieviorka  répond aux questions du journaliste et anthropologue Régis Meyran, un habitué de cette collection « Conversations pour demain ». 

Un livre d’entretien donc, mais contrairement à d’autres du même genre, on est là face à un objet très construit qui fait vraiment penser à un essai. Composé en cinq parties, Michel Wieviorka revient sur ses sujets de prédilection : le racisme, l’antisémitisme, le terrorisme comme manifestation de la violence contemporaine. Il en analyse les évolutions, les manifestations les plus récentes comme par exemple la tension entre l’émergence progressive d’un sujet et justement la définition du Mal, incarné par le terrorisme, dans la négation de cette capacité des autres à être reconnu comme sujets.

Il y a vraiment la volonté d’ancrer la conversation dans l’actualité même la plus proche, il est question par exemple des ateliers en « non-mixité » organisés en novembre dernier par le syndicat Sud éducation 93 ou encore de la fin de l’état d’urgence. Les débats internes à la sociologie ne sont pas oubliés, comme celui qui nous occupe depuis septembre… et les sociologues depuis la fin du XIXe siècle… entre holistes et individualistes, déterministes et cognitivistes. En disciple d’Alain Touraine, Michel Wieviorka prend bien soin de se placer à égale distance des deux camps.

Il a en effet été pendant quinze ans directeur du Centre d'analyse et d'intervention sociologiques (CADIS) fondé par Touraine… directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.  Il est aujourd’hui le Président du directoire de la Fondation de la Maison des Sciences de l’Homme (FMSH). 

Ce livre, sous forme de conversation avec Régis Meyran, parcourt  tous les grands débats de la science politique, de la politique qui ont agité les 10-15 dernières années autour du racisme institutionnel, autour des raisons du djihadisme, autour des nouvelles formes de violence […] On a donc un panorama politico-sociologique des grandes questions qui agitent les conversations de café. (Joseph Confavreux)

C’est  un petit livre d’entretiens, plutôt réactif, qui fait environ 150 pages […] Michel Wieviorka a toujours eu une réputation très grande auprès des journalistes car il parle bien et peu parler d’à peu près tout.  Il est toujours extrêmement précis et il a un savoir panoramique sur les sujets centraux depuis les années 80 en France : sur les questions d’intégration, de racisme, de terrorisme. (Catherine Portevin)

L'instant critique

Joseph Confavreux nous parle de  drogues et  société à travers sa lecture de La catastrophe invisible. Histoire sociale de l’héroïne, sous la direction de Michel Kokoreff, Anne Coppel, Michel Peraldi, un ouvrage paru aux éditions Amsterdam… Les contributeurs racontent cette histoire dans ses multiples dimensions, sociale et  économique, culturelle et urbaine, politique et géopolitique, en  privilégiant le point de vue de ceux qui en furent les  acteurs ou les témoins. Pour Catherine Portevin il s'agit d'un film à revoir sur ARTE " La mort en direct" de Bertrand Tavernier, avec  Romy Schneider et Harvey Keitel, une tragique histoire d’amour entre une  mourante et l’homme qui la filme à son insu, grâce à une caméra implantée dans l'oeil, pour une émission de  télévision. Une œuvre visionnaire bouleversante de Bertrand Tavernier qui semble annoncer la télé réalité.

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