

Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique : "Faire tomber les murs", d'Agathe Cagé publié chez Fayard et "Le Genre Intraitable" de Nadia Tazi publié chez Acte Sud.
- Catherine Portevin chef de la rubrique livres pour Philosophie Magazine
- Cécile Daumas rédactrice en chef adjointe, service Idées de Libération et présidente du Laboratoire de l'égalité
Deux livres qui nous emmènent aux frontières du politique. Dans Faire tomber les murs, publié chez Fayard, Agathe Cagé se penche sur la relation entre intellectuels et responsables politiques qui, regrette-t-elle, vivent dans des mondes étanches. La question est ancienne : qui doit penser, décider et conduire les actions pour répondre aux grands défis de notre temps ? L’auteur, politiste, énarque, qui a participé en tant que secrétaire générale à la campagne présidentielle de Benoit Hamon, connaît le problème de l’intérieur. Elle plaide ici pour un rapprochement dont elle donne quelques clés. C’est une toute autre question politique qui est posée par Nadia Tazi dans Le Genre intraitable publié chez Acte Sud. La philosophe se penche sur ce qu’elle appelle les « politiques de virilité dans le monde musulman ». Si ce thème de la virilité est tabou dans ce monde musulman, il se révèle sous la plume de Nadia Tazi comme un incroyable révélateur des rapports à l’autre. Je vous propose de commencer par le livre d’Agathe Cagé, Faire tomber les murs : entre intellectuels et politiques.
Agathe Cagé - Faire tomber les murs : entre intellectuels et politique
C’est le deuxième livre publié dans la collection Raison de plus chez Fayard, une collection dirigée par Najat Valaud Belkacem. Or, il se trouve qu’Agathe Cagé, normalienne, politiste, énarque, a travaillé pour l’ancienne ministre socialiste de l’éducation nationale… une expérience qui entre autre alimente ce livre.
Car il s’agit ici de comprendre pourquoi, malgré les nombreux contacts, les intellectuels de gauche - puisque c’est essentiellement d’eux qu’il s’agit - semblent si impuissants à peser sur les décisions politiques de leur propre camp. Le constat d’Agathe Cagé est simple : les projets de transformation de la France sont légions, ils ont été laissés en jachère par des politiques qui ne savent pas parler à l’université, qui maîtrisent mieux les techniques du marketing et de la communication que les fondamentaux d’une technique de recherche. Et à l’autre bout du spectre, les intellectuels ne comprennent pas, ou feignent de ne pas comprendre, que les exigences et les contraintes des décideurs ne sont pas celles de l’universitaire. Au lieu de composer, de prendre une position hybride, ils préfèrent se refermer dans une critique trop facile.
Agathe Cagé tente de tenir en équilibre sur cette ligne de crête en montrant à travers des exemples concrets comme la réforme de l’éducation, de la fiscalité, de la dépendance, de la fin de vie, du revenu universel… ce qui a fait qu’intellectuels et politiques ont pu mener ensemble à bout une transformation de la société, ou bien pourquoi ils sont restés au milieu du gué.
Nadia Tazi - Le Genre intraitables : politiques de la virilité dans le monde musulman
Deuxième temps de l’émission, je vous propose de nous pencher maintenant sur le livre de Nadia Tazi, Le Genre intraitable : politiques de la virilité dans le monde musulman, publié chez Acte Sud dans la collection questions de société. Un essai qui est le fruit d’un programme dirigé par la philosophe au sein du Collège international de philosophie entre 2006 et 2012.
L’essai démarre sur une scène connue et diffusée dans le monde entier : l’exécution par pendaison à l’aube du 30 décembre 2006 de Saddam Hussein. Face à ses bourreaux et aux hommes venus le conspuer le dictateur irakien déchu lance d’abord « soyez maudit », puis « c’est donc ça la virilité pour vous ? ». Une interpellation qui sert de point de départ à Nadia Tazi pour une réflexion qui va l’emmener beaucoup plus loin en arrière dans le temps avant de revenir à aujourd’hui. De quoi le virilisme de Saddam Hussein est-il le nom, et surtout quels arcanes, quels socles culturel et religieux, quels ferments idéologiques ont fabriqué ce type d’homme ?
Des questions qui emmènent la philosophe sur les traces d’Ibn Khaldoun et de la distinction effectuée par l’historien du XIVe siècle entre bédouins et citoyens. Pour appréhender le genre, il faut faire la part belle à l’espace autant qu’à l’histoire nous dit Nadia Tazi. Elle interroge ainsi des thèmes aussi importants que le voile, la souveraineté, le culte du chef, la violence… et en renouvelle l’analyse. Tout se résume finalement à un dilemme présenté ici de manière incroyablement érudite et complexe : l’importance politique de la virilité : est-elle le produit d’une surdétermination arabe ou islamique, ou bien l’attribut le plus significatif du fascisme c'est-à-dire l’alliance du viril et d’un certain modernisme. Tout se résume finalement à un dilemme présenté ici de manière incroyablement érudite et complexe : l’importance politique de la virilité est-elle le produit d’une surdétermination arabe ou islamique, ou bien l’attribut le plus significatif du fascisme c'est-à-dire l’alliance du viril et d’un certain modernisme.
Musique : Her "Fives minutes"
L'instant critique
Nous parlerons de l'article de Pierre Bras intitulé " Portrait en pied du féminisme "dans la revue Vacarme n°85.
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