Un autre futur est possible

Rafael Sebastián Guillén Vicente, dit « sous-commandant Marcos »,  porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)
Rafael Sebastián Guillén Vicente, dit « sous-commandant Marcos »,  porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)
Rafael Sebastián Guillén Vicente, dit « sous-commandant Marcos », porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)
Rafael Sebastián Guillén Vicente, dit « sous-commandant Marcos », porte-parole de l'Armée zapatiste de libération nationale (EZLN)
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Ce soir comme chaque semaine deux essais sous les feux de la critique : "Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits", publié à la Découverte par Jérôme Baschet et "Non ! De l’esprit de révolte" de Vincent Delecroix publié chez Autrement.

Avec

Deux livres qui proposent de définir les conditions d’un autre avenir possible. Dans Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits, publié dans la collection « L’horizon des possibles » à la Découverte, l’historien Jérôme Baschet suggère de s’extraire de l’immédiateté, du présentisme qui nous caractérise et empêche de penser toute alternative. Sa réflexion sur le temps et l’histoire cherche ainsi à dessiner ce qu’il nomme des « futures inédits », une autre façon de faire la révolution. L’esprit de révolte est aussi au cœur de l’essai du philosophe Vincent Delecroix simplement intitulé Non ! De l’esprit de révolte c’est publié chez Autrement pour une déconstruction minutieuse les vertus, les mythologies et les impasses du refus.  

En studio pour débattre Catherine Portevin de Philosophie Magazine, et Olivier Pascal-Mousselard de Télérama qu’on est heureux d’accueillir pour la première fois.
 

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Jérôme Baschet - Défaire la tyrannie du présent.Temporalités émergentes et futurs inédits

Jérôme Baschet est historien, médiéviste, il a longtemps enseigné en France – à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris – et au Mexique à l’Universidad Autónoma de Chaiapas à San Cristóbal de Las Casas. Un double engagement à tous les sens du terme, puisque son travail de chercheur est en lien direct avec son engagement politique auprès des rebelles zapatistes du Chiapas. Ça se traduit par une réflexion au long cours qui questionne l’individualisme moderne… de façon particulièrement originale puisqu’il met à chaque fois en miroir ses connaissances de l’Europe médiévale et du Mexique contemporain. 

C’était par exemple le cas dans Adieux au capitalisme (La Découverte, 2014) et Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge (Flammarion, 2016)… c’est encore une fois ce que propose Jérôme Baschet dans Défaire la tyrannie du présent. Il s’agit ici de répondre à l’un des grands maux de nos sociétés contemporaines : ce que l’historien François Hartog a appelé le présentisme. C’est un thème important, qu’on retrouve dans les travaux de différents chercheurs – historiens, philosophes, sociologues – dont beaucoup sont discutés par Baschet et qu’on pourrait résumer ainsi : notre époque, coincée dans l’immédiateté, a perdu le contact avec son passé et empêche de penser d’autres avenirs possibles. 

Ça a l’air assez conceptuels comme cela, mais le livre s’ancre dans un questionnement très concret, et très politique : comment faire la Révolution sans tomber dans le fétichisme de l’instant révolutionnaire ? 

Il y a au moins deux projets dans ce livre : un projet théorique et un projet plus politique […] C’est le grand écart qui m’intéresse ici. L’idée qu’un médiéviste tente une réflexion sur l’instant sur le moment à partir d’autres périodes d’historicité passées ou présentes et celle qui est présente, c’est celle du sous-commandant Marcos dans le Chiapas. Essayer de créer une jonction entre des temps différents et découvrir qu’il y a peut-être  dans les populations indigènes la possibilité  d’imaginer et de penser un futur. (Olivier Pascal-Mousselard)

Cette réflexion s’inscrit dans une bibliographie qui est très fournie, très intéressante, qui provient aussi bien des historiens, des philosophes, des chercheurs en sciences sociales […] Sortir du capitalisme c’est le travail sur lequel Jérôme Baschelet se penche depuis longtemps. L’avenir de l’histoire mais aussi l’avenir de la gauche ici sont importants. C’est une réflexion non seulement de ce que peut être la révolution mais l’après capitalisme. (Catherine Portevin)

Vincent Delecroix - Non ! De l’esprit de révolte

Un essai publié aux éditions Autrement dans la collection « Les Grands Mots ». Une collection dirigée par Alexandre Lacroix qui fait un travail vraiment remarquable… on avait déjà parlé ici de L’admiration par Michel Crépu mais je ne saurais trop conseiller à nos auditeurs de lire La vie intense de Tristan Garcia – qui résonne avec le livre de Jérôme Baschet – ou encore La Nuit de Michaël Foessel et La Discrétion de Pierre Zaoui…

Vincent Delecroix est écrivain et philosophe, spécialiste de la philosophie des religions, directeur d’études à l'EPHE (École Pratique des Hautes Études)… il propose donc ici de s’attacher à ce petit mot simple et courant… caractéristique d’une époque qui aime à se penser anticonformiste… ce mot que tout parent d’un enfant de deux-trois ans découvre avec un mélange d’émerveillement et d’agacement… ce mot enfin qui n’a plus très bonne presse à l’ère de la « positive attitude » (comme aurait dit Jean-Pierre Raffarin) et du réformisme triomphant : ce mot c’est NON ! avec un point d’exclamation.

En philosophe, Delecroix décortique les implications du refus catégorique, et met en évidence sa complexité… c’est autant une posture stérile qu’une condition de la liberté, un acte moral et politique, l’affirmation d’une individualité et la possibilité d’une société… 

Vincent Delecroix écrit ce livre aussi bien pour dire NON à la pensée positive dans laquelle on baigne en permanence […] mais aussi contre les dangers du nihilisme qui mènent aux replis identitaires, aux peurs égoïstes, à l’exclusion, et aussi à ces NONS un peu faciles : dire non à la guerre, non à l’injustice, ou vive la désobéissance !  Il y a une exigence de maintenir le cap de ce NON que je trouve très réjouissante. (Catherine Portevin)

La qualité première du livre est de définir plusieurs degrés du NON […] Il dresse devant nous une espèce  de typologie de tous les NONS en fouillant à chaque fois avec suffisamment d’honnêteté pour se rendre compte que quelquefois il est lui-même dans la contradiction. (Olivier Pascal-Mousselard)

L'instant critique

Catherine Portevin nous propose de nous rendre à Toulouse pour la deuxième édition de L’histoire à venir du 17 au 20 mai 2018. La thématique de cette année, « Humain, non-humain ». 85 événements, conférences, débats, ateliers participatifs, performances dans toute la ville et pour tout le monde... Olivier Pascal-Mousselard choisit aussi l'histoire à travers un film Foxtrot, réalisé par l'israélien Samuel Maoz entre l'histoire européenne du XXe siècle et l'actualité du conflit israélo-palestinien qui n'en finit pas.

L'équipe