Numéro 2. La mère de Mohamed

France Culture
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Mohamed el Khatib
Mohamed el Khatib
© Radio France - Marion Poussier

Mohamed El Khatib écrit, filme, consigne un journal intime et vivant suite à la disparition de sa mère : Finir en beauté , car C'est la vie . Il est 23h et chacun son rythme de chagrin. On entre dans l’autre durée, après l’événement, après la cérémonie. C’est Roland Barthes qui écrivait après la disparition de sa mère : je ne suis pas en * deuil, j’ai du chagrin* . Un deuil c’est froid, un chagrin c’est vivant. Le chagrin c’est du récit, c’est gonflé de vie. Rien à voir avec la durée que le *Larousse * accorde : 18 mois pour le deuil d’un père ou d’une mère. Ca ne se mesure pas. Mohamed el Khatib l’a appelé – Finir en beauté – il a consigné – des mails, des SMS, des documents : du pur présent pour conjurer la fin de sa mère partie. Comme si c’était la responsabilité des vivants : la beauté. Il écrit : C’est toujours dans les choses que la tristesse se réfugie . Les choses : les objets. Parce que les objets eux, ne trahiront jamais. Ils semblent nous dire : on appartient à un vivant, et à tout jamais. Et c’est au moment où personne dans la famille n’est capable de trouver les petits bols, qu’on réalise que : « *la seule personne qui savait que ces putains de bols se trouvaient dans la soupière * », elle n’est plus là. Elle est partie. La tristesse elle est dans les objets. Dans le quotidien silencieux, dans la façon qu’elle avait : de ranger un carnet, d’ordonner un placard, de fermer la commode, d’y mettre ses papiers. Et ce sera une manière silencieuse et éternelle de converser : on rangera ces putains de bols là où ils étaient rangés. On acquiescera parfois chez soi, sans vraiment se le dire, aux mêmes décisions quant à l’ordre des placards et on y glissera ses papiers. Parce qu’une personne, on la retrouve dans ces décisions futiles, de là où elle mettait les choses pour y placer sa vie. Et ça, ça se transmet. Sans parler. Et quand on en prend conscience, ça peut faire pleurer mais dans Finir en beauté il y a, même après, la légèreté : il y a l’Imam qui envoie des SMS pendant l’enterrement, le portable à la main, le Coran dans l’autre. Il y a l’oncle qui pense qu’il faut tout de suite trouver une nouvelle femme au père de Mohamed. Le tipex sur la tombe pour rétablir l’orthographe. Il y a les vivants, jamais parfaits, et ça, ça fait respirer. Le deuil il est fait quand on peut écrire noir sur blanc : Finir en beauté . Quand on peut en silence et sans pleurer, remettre de la vie dans les objets, hériter de quelques manies, celles qu’on a choisies, et prendre à nouveau avec les petits bols, le placard et les carnets, un peu de liberté.

Mohamed el Khatib, ** auteur et metteur en scène, a écrit son spectacle « Finir en beauté ** » après la disparition de sa mère : collages de matériaux intimes, emails, correspondances, journal, sons. Il prépare un film sur le même thème tourné au Maroc « Renault 12 ». (au Théâtre de la Cité Internationale à partir du 28 septembre )

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Daniel Kenigsberg, interprète, dans le prochain spectacle "C'est la vie ".

Irène Jacob , à la lecture.

**LIVE ** : ALA.NI a capella

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Arbre généalogique de Mohamed El Khatib
Arbre généalogique de Mohamed El Khatib
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Mohamed El Khatib dans L'Atelier Fiction le 6 octobre prochain

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