À l'abordage : archéologie de la piraterie

Mesure d'une des ancres du Speaker 1702 au cours de la mission de novembre 2021
Mesure d'une des ancres du Speaker 1702 au cours de la mission de novembre 2021 - © Y. von Arnim
Mesure d'une des ancres du Speaker 1702 au cours de la mission de novembre 2021 - © Y. von Arnim
Mesure d'une des ancres du Speaker 1702 au cours de la mission de novembre 2021 - © Y. von Arnim
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Les années 1650 à 1730 sont l’âge d’or de la piraterie européenne, loin de nos côtes, dans les eaux caraïbes et de l’Océan Indien. Carbone 14 propose d'évoquer l'archéologie de la piraterie avec un spécialiste, Jean Soulat.

Avec
  • Jean Soulat archéologue, ingénieur d'études au laboratoire LandArc

L’histoire de ces forbans a été immortalisée par quelques livres et de nombreux films dont les naufrageurs des mers du sud de Cecil B. DeMille ou Barbe-Noire le pirate de Raoul Walsh, au point de créer un  « imaginaire pirate ». Pour autant, l’archéologie de la piraterie pourrait-elle exister ?

"La grande époque de la piraterie européenne se déroule précisément entre 1650 et 1720/1730. Ensuite, cela périclite. On a vraiment une baisse des assauts, même si, à partir du début du 19e siècle, on a un regain avec les guerres napoléoniennes."

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"L'archéologie de la piraterie, c'est une thématique de recherche, avant tout, qui s'intègre pleinement dans ce qu'on appelle aujourd'hui l'archéologie moderne, ou alors l'archéologie des outre mers ou encore l'archéologie australe, c'est à dire vraiment cette archéologie outre-Atlantique, dans des territoires reculés, loin de la vieille Europe. [...] Elle se développe notamment depuis une vingtaine d'années en France et en Europe."

Baie d'Ambodifototra (Madagascar), terrain de la mission archéologique (avril/mai 2022)
Baie d'Ambodifototra (Madagascar), terrain de la mission archéologique (avril/mai 2022)
- © J. de Bry

"Pirates, forbans, flibustiers, mais aussi corsaires. Il ne faut pas oublier que tous ces gens de mer étaient en fait des marins. Difficile de dissocier le corsaire du pirate par ses vêtements, dans la vie quotidienne, ses coutumes. Ce sont ,en fait, des marins, qui, globalement, partaient fuir un certain nombre de problèmes dans leur société d'origine pour partir à l'aventure. Et puis, évidemment, essayer de trouver une nouvelle terre, puisque, aussi, ces marins, à un moment donné, s'arrêtent dans les ports et deviennent plus ou moins sédentaires, il ne faut pas l'oublier."

Peu développé en France et en Europe, ce thème de recherche s’est peu à peu développé aux Etats-Unis, parfois au travers d’importantes recherches, souvent pour le pire, l’éthique interdisant la simple recherche de trésors et de butins. Entre Amérique du Nord, Mer des Caraïbes, plusieurs importantes recherches ont été engagées au travers de l’épave de la Queen Anne’s Revenge coulée en 1718, et navire de Barbe-Noire, ou sur terre, notamment à Saint-Martin (Petites Antilles), à Saint-Domingue et sur l’île de la Tortue.

Perles de verre venant de Venise et agate produite en Asie, découvertes sur le Speaker
Perles de verre venant de Venise et agate produite en Asie, découvertes sur le Speaker
- © Jean Soulat
Objets du "Speaker" : statuette en bronze (Inde du Sud), pièces de monnaies, boucle de ceinture etc.
Objets du "Speaker" : statuette en bronze (Inde du Sud), pièces de monnaies, boucle de ceinture etc.
- © Jean Soulat

"La culture matérielle pirate n'existe pas ! Il n'y a pas d'objets pirates, pas de boutons pirates avec une tête de mort, pas de coffre pirate. Tout cela n'existe pas. Ce sont évidemment des objets de la vie quotidienne, utilisés et réemployés notamment pour le côté maritime, qui sont symptomatiques d'une période chronologique et d'une appartenance géographique particulière. Tout ça a été fantasmé par, évidemment, la fiction et toutes les productions cinématographiques."

L’émission se penche aujourd’hui sur Le Speaker, navire négrier français de 500 tonneaux saisi par l’équipage du capitaine pirate John Bowen, le 16 avril 1700, à Madagascar. Après de nombreuses captures, le Speaker s’échoue le long de la côte Est de Maurice, dans la nuit du 7 janvier 1702 en raison d’une tempête et d’un équipage imbibé d’alcool.

Découverte en 1979, l’épave du Speaker repose par 3 mètres de profondeur. Sont bien visibles les 34 canons en fonte, mais aussi les 3 grandes ancres. Hors de nouvelles plongées, le nouveau programme de recherche vient d’en étudier le mobilier, céramiques chinoises, petits lingots, perles de Venise, armes ou instruments de navigation. Les monnaies issues de l’épave révèlent un étonnant visage, notamment dans la diversité des origines : Angleterre, France, Autriche, Allemagne, Hollande, Italie, Mexique, Pérou, Egypte, Yémen et Inde.

Pièces du Speaker : 1) Dirham en or (Caire), 2) Ducat vénitien en or, 3) pièce en argent (Pérou)
Pièces du Speaker : 1) Dirham en or (Caire), 2) Ducat vénitien en or, 3) pièce en argent (Pérou)
- © Jean Soulat

Pour autant comment l’archéologie peut-elle reconnaître un navire pirate et peut-elle reconstituer la vie quotidienne de ces flibustiers ?

Avec Jean Soulat, archéologue au Laboratoire LandArc, chercheur associé au Centre Michel de Boüard de l'Université de Caen Normandie (CRAHAM UMR 6273 CNRS).

Canons de l'épave du Speaker 1702, lors d'une mission en 2009
Canons de l'épave du Speaker 1702, lors d'une mission en 2009
- © Y. von Arnim

Pour en savoir (encore) plus

Présentation des publications sur la piraterie (éditions ADLP)

A écouter ou à ré-écouter : L'actualité des pirates