Le musée de Cluny, seul musée national consacré au Moyen-Âge, rouvre ses portes, cette semaine, après une longue fermeture et au terme d’une importante modernisation.
- Isabelle Bardiès-Fronty Conservateur en chef au Musée de Cluny, musée national du Moyen Âge.
Le prétexte était trop beau pour partir à la recherche de quelques trésors du musée, mais surtout de leurs histoires méconnues.
Isabelle Bardiès-Fronty "C'est la renaissance du musée de Cluny parce que c'est un retour à une forme de lisibilité du site archéologique antique et médiévale, qui est à mon avis très bienvenue pour que les gens puissent trouver leurs repères dans un monument historique qui est également un musée. Et en cela, je crois qu'il y a une renaissance, une lecture renouvelée de cet îlot monumental extraordinaire que constitue l'enceinte du musée de Cluny."
Quelques histoires cachées
Nombre d’entre ont d’étonnants parcours, de curieuses découvertes. Ainsi, le Trésor de Colmar, composé d’orfèvrerie et de 300 monnaies et datées du 13e et de la première moitié du 14e siècle, fut enfoui dans le mur d’une maison par une famille juive, lors de la terrible Peste Noire qui déferla sur l’Europe et entraîna des persécutions contre cette communauté, accusée d’avoir provoqué l’épidémie.
Isabelle Bardiès-Fronty "Moi, j'ai toujours l'usage de dire qu'au XXᵉ siècle, il me semble que les pirogues de Bercy et les têtes de Notre-Dame, sont LES découvertes archéologiques majeures pour l'histoire de Paris. Et à ce moment-là, la planète des musées parisiens est absolument volontaire pour les accueillir, ces têtes de Notre-Dame."
En 1977, et après des siècles de sommeil, ce sont les vingt et une têtes des rois de Juda, sculptures provenant de Notre-Dame de Paris, qui sont mises au jour, dans les fondations de la Banque française du commerce extérieur, rue de la Chaussée d’Antin, à Paris.
Le musée de Cluny conserve aussi une partie des couronnes wisigothiques découvertes à Guarrazar, près de Tolède entre 1858 et 1860. Y figure le nom du roi wisigoth « Receswinthe » qui régna à Tolède de 653 à 672. Elles étaient donc probablement des offrandes royales pour la cathédrale Tolède, symbolisant la conversion au christianisme des Wisigoths. Ces bijoux exceptionnels sont le témoignage de l'art précieux des artistes des cours des princes "barbares" des peuples des grandes migrations des 4e-7e siècles. Le trésor a dû être enfoui en 711, lors de l’invasion de l'Espagne par les troupes arabo-berbères. Plus de 1 000 ans plus tard, leur découverte fut l'une des plus importantes pour la connaissance du monde ibérique médiéval.
Isabelle Bardiès-Fronty "Cette tapisserie est l'acmé de l'art médiéval, au début du XVIᵉ siècle, une forme de pot-pourri, pourrait-on dire, sur ce tapis de fleurs, de tout ce que véhiculent la poésie et l'imaginaire médiéval : la figure de la licorne christique de pureté, la dimension héraldique du lion, la beauté courtoise de la jeune femme, les bijoux, les tissus auxquels nos collections répondent. C'est un peu comme si, à la fin de sa vie de 40 années d'avoir été le premier conservateur et un homme extraordinaire pour nous, Edmond Du Sommerard, trouvait la cristallisation et permettait de dire que l'art médiéval n'est pas que religieux."
Quant à la tenture de La Dame à la licorne, grand chef-d’œuvre du musée, elle possède une étonnante histoire, celle de sa découverte par George Sand dans un château de la Creuse avant d’être sauvée, en 1841, par Prosper Mérimée, alors jeune inspecteur des Monuments historiques…
24 000 objets dans 21 salles à découvrir, dont la « rose d’or » offerte par le Pape Jean XXII au comte de Neuchâtel Rodolphe de Nidau, mais aussi de récentes acquisitions, le Retable de la Passion, des objets vieux de plus de mille ans, dans une scénographie du 21e siècle, à découvrir donc…
Avec Isabelle Bardiès-Fronty, conservateur général du patrimoine, conservateur du Musée de Cluny.
Isabelle Bardiès-Fronty "Il y a une forme de volonté de toute civilisation de dénigrer la précédente pour construire la dimension lumineuse qui lui appartient. Je dis souvent que le frigidarium (part des thermes où l'on prenait des bains froids) est avant tout un monument médiéval, parce que si les gens du Moyen Âge ne s'en étaient pas occupés, il ne serait plus là ! Mais le temps qui œuvre sur un monument ne rend pas toujours justice aux générations postérieures qui ont conservé ledit monument."
Isabelle Bardiès-Fronty "Les tissus ont des règles de conservation, de fragilité qui nous imposent de les mettre au noir un certain nombre d'années versus un certain nombre de mois d'exposition. Ça marche un peu mécaniquement. C'est une question d'exposition au lux et surtout aux ultraviolets. [...] On arrive bien à contrôler l'exposition aux ultraviolets aujourd'hui, mais pour l'exposition aux Lux, nous sommes obligés de faire des rotations tous les quatre mois. [...] Nous proposerons des rotations de nos collections textiles, sous forme de petites thématiques, ce qui fera des mini-expositions."
Pour aller plus loin
- Page d' Isabelle Barbiès-Fronty (site Babelio).
- Une vidéo, dans laquelle Isabelle Bardiès-Fronty explique la genèse du musée de Cluny (colloque international "L'Esprit curieux, collectionner en Europe (De Vasari à nos jours) organisé par la Bibliothèque Polonaise de Paris en octobre 2019).
- Site du musée de Cluny, le monde médiéval et leur page twitter.
- Page wikipédia sur le Musée de Cluny.
- Site du Musée national de la Renaissance à Ecouen.
Isabelle Bardiès-Fronty "Le musée de Cluny, je pense, est une institution qui est assez rare parce qu'elle participe de l'abolition de ses frontières dans la définition des œuvres. [...] Quand je regarde, aujourd'hui, les salles que nous avons recomposées avec l'ensemble de l'équipe, je me dis que, quand même, dans ce musée de Cluny pour le Moyen Âge, on y parle d'archéologie, de Beaux-Arts et d'histoire de l'art."
Ouvrages
- Les temps mérovingiens : trois siècles d'art et de culture (451-751) : exposition, Paris, Musée de Cluny, Musée national du Moyen Age, du 26 octobre 2016 au 13 février 2017, sous la direction d'Isabelle Bardiès-Fronty, Charlotte Denoël, Inès Villela-Petit (Editions RMN-Grand-Palais, 2016).
- Le bain & le miroir : soins du corps et cosmétiques de l'Antiquité à la Renaissance, sous la direction de Isabelle Bardiès Fronty, Michèle Bimbenet-Privat, Philippe Walter (Editions Gallimard, RMN Grand-Palais, 2009).
L'équipe
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