Comment l'honneur redevient tendance

Tu veux une médaille ?
Tu veux une médaille ? ©Getty - Anna Efetova
Tu veux une médaille ? ©Getty - Anna Efetova
Tu veux une médaille ? ©Getty - Anna Efetova
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D'attestations en attestations sur l'honneur, comment la pandémie a redonné du poil de la bête à cette notion désuète.

Des attestations sur l'honneur... j’en remplis, je dirais, en moyenne deux par semaine depuis le 3 janvier. Attestant sur mon propre honneur du test négatif d’un membre âgé de moins de 12 ans dans ma propre famille. C’est bien simple depuis le 3 janvier, je n’ai jamais autant pensé à mon honneur.

Chose sûrement très courante sous l’Ancien régime où l’honneur, comme le dit Arthur Schopenhauer, alors signe de distinction et de supériorité, était :

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Objectivement, l’opinion qu’ont les autres de notre valeur, et, subjectivement, la crainte que nous inspire cette opinion.

Mais aujourd’hui, en 2022 ? que désigne encore l’honneur, son code ayant depuis bien longtemps été remplacé par des normes et son nom par celui de “réputation” ? Apparemment, des postes honorifiques et donc des attestations… ce qui n’est pas rien quand même.

Les nostalgiques du monde d’avant peuvent donc encore se réjouir : l’honneur reste sauf, même en 2022 et même dans une moindre mesure. A ceci près qu’une attestation sur lui n’étant pas rien, elle n’est pas non plus grand-chose. Et n’atteste vraiment rien de notre valeur.

L'honneur encore sauf

Qui pour vérifier si je me suis bien testée ou si j’ai bien testé le membre susdit de ma famille ? Personne. Contrairement à l’époque de Schopenhauer (1851 quand sont publiés ses Aphorismes sur la sagesse dans la vie), l’honneur n’indique donc plus rien de ma valeur objective et n’inspire plus aucune crainte subjective.

Néanmoins, et c’est là l’importance du sujet, l’honneur reste encore valable pour garantir, prouver, certifier… mais alors quoi ? que prouve une attestation faite sur mon honneur si celui-ci est désormais improuvable et ne constitue pas une preuve, objectivement et subjectivement ? ou pour le dire autrement et reformuler le paradoxe : quelle validité trouver à un honneur aujourd’hui dévalorisé ?

Et c’est là que ça devient vraiment intéressant : l’honneur, même dévalorisé, même improuvable, même destitué, est-il la seule garantie qui nous reste quand on n’en a plus aucune ?

"Pas grand-chose"

Tout est donc dans ce “pas grand-chose”. Et on en vient alors à ce problème : si l’honneur reste la seule garantie, même fragile, de notre loyauté, de notre courage, de notre noblesse d’âme, bref de notre morale, c’est qu’il a encore et malgré tout une utilité impalpable mais décisive : rendre compte de notre fiabilité.

Et c’est là le problème : pas tant l’honneur qui détient (alors qu’on le croyait mort) encore une force, mais cette fiabilité.
Comment être sûr qu’on nous croit ou de pouvoir croire les autres, comment savoir que les autres sont fiables, qu’on peut leur accorder, et c’est ici que tout se joue : notre confiance ?

Car chacun d’entre nous, en ce moment, doute et ces attestations sur l’honneur ne sont que des tickets voulant nous assurer, en plein covid, alors que les uns et les autres sont suspects de nous contaminer, que ces uns et ces autres ne sont justement pas trop suspects.
Et voici que l’honneur, qui reste quand tout s’effondre, serait le seul salut qu’on a trouvé.

Mais pourquoi avoir besoin d’un papier pour attester ce qui était déjà la base des rapports aux autres, à savoir la confiance ? Pourquoi ne pas accepter de croire sans garantie ? Pourquoi ne pas faire un pari ?
L’ironie étant qu’on préfère désormais n’être pas trop méfiants sans parvenir à être tout à fait confiants.