

Mais qu’est-ce que vous avez tous avec cette histoire de “bonnes nouvelles” ? Depuis quand a-t-on besoin de bonnes nouvelles dans l’actualité, chez soi ou dans le monde, pour se sentir bien dans sa peau ?
Mais qu'est-ce qui vous arrive avec cette histoire de bonnes nouvelles ?
C’est la question que je me suis posée avant-hier en écoutant mon camarade Frédéric Says à ce même micro, qui, parti à leur recherche dans les journaux, nous a proposé
“un petit concentré de bonnes nouvelles”. Question que je me pose aussi en vous écoutant, vous Guillaume, qui après chaque matinale, vous demandez s’il y a au moins une info qui pourra illuminer la journée de vos auditeurs le lendemain.
Alors, c’est vrai, on se sent plus léger en découvrant qu’un homme qui se croyait en cavale depuis 30 ans, n’a jamais été recherché par la police, et c’est vrai qu’on a de quoi se sentir plus que déprimé, angoissé, pétrifié, en apprenant, chaque soir, le nombre de morts du covid. Sans compter les nouvelles mesures annoncées, la mort du linguiste Alain Rey, et je ne parle pas de l’islamo-gauchisme !
Oui, l’actualité est pesante, l’air du temps est irrespirable, l’ambiance est nauséabonde. Mais je me demande : chercher la bonne nouvelle peut-il vraiment nous sauver ?
Lire les journaux, une prière réaliste
C’est même hier que j’ai découvert cette citation (souvent partagée d’ailleurs mais souvent raccourcie) du philosophe allemand, Hegel. Je pensais qu’il passait son temps à étudier la “phénoménologie de l’Esprit” enfermé dans son bureau, déconnecté du monde, et j’ai donc appris qu’il lisait aussi la presse tous les matins, et voici donc ce qu’il en disait dans ses _Notes et Fragments_écrits à Iéna en 1803 et 1806 :
“La lecture du journal, le matin au lever, est une sorte de prière du matin réaliste. On oriente vers Dieu ou vers ce qu’est le monde, son attitude à l’égard du monde. Cela donne la même sécurité qu’ici, que l’on sache où l’on en est”.
Lire les journaux pour savoir où l’on en est. L’affirmation a de quoi surprendre. Car en quoi les nouvelles du monde qui certes, influent sur nous, humeur ou opinion, peuvent-elles carrément nous dire où on en est, nous dire ce que l’on est, nous dire où aller, comment penser, qui être, nous définir malgré nous ?
En faisant quelques recherches, j’ai compris qu’Hegel aussi en était surpris, et bien que lecteur de la presse, il n’en était pas moins critique.
En toute humilité, je me suis donc rendue compte, hier, que je partageais avec ce grand philosophe le même questionnement : pourquoi attendre des nouvelles, bonnes ou mauvaises, qu’elles nous indiquent, à la manière d’une religion, la voie à suivre ?
Information et détermination
Voici donc mon interrogation et ce paradoxe : certes une information est ce qui nous informe, littéralement, ce qui donne à nos esprits une certaine forme, mais est-ce pour autant ce qui nous détermine ? Vous me direz, entre l’information et la détermination, la distinction peut sembler ténue.
Mais quand même : je le rappelle, une nouvelle n’est rien d’autre qu’une information donnée par un média, qui peut modeler et ajuster nos pensées, mais jusqu’où ? et surtout à partir de quoi, car nous avons déjà des idées, des opinions, en nous, par nous-mêmes.
Là est le problème, je veux bien qu’on accuse les médias de tous les maux, dont celui de rabat-joie, mais est-ce à une source extérieure qu’il faut seulement se vouer, la laisser décider de notre être comme s’il n’était rien que du vide, rien qu’un réceptacle à informations, et est-ce à une bonne nouvelle de sonner notre bonheur ?
On pourra me rétorquer qu’une humeur est plus qu’un état passager et que le milieu ambiant est plus qu’une influence.
Néanmoins, je le maintiens : à attendre des nouvelles du jour comment penser, sentir et vivre, il n’y aura jamais rien de nouveau sous le soleil.
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