Chronique pour ceux qui ne savent pas pour qui voter à la présidentielle

Point d'interrogation
Point d'interrogation ©Getty - Andreas Berheide / EyeEm
Point d'interrogation ©Getty - Andreas Berheide / EyeEm
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Chronique garantie sans réponse.

Tout a commencé samedi après-midi, lors d’un goûter d’anniversaire. Mais quand j’y pense, ça a commencé bien avant. Il y a un an peut-être, à peu près au moment où on a réalisé que la présidentielle, c’était dans pas si longtemps...

Peu importe, car, de toute façon, j’en ai pris conscience samedi, où plusieurs fois il y a eu la question qui ne fâche plus vraiment : et sinon, tu vas voter pour qui dans quelques semaines ?

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Et la réponse générale : je sais pas. “J’ai pas confiance”, “il est pas légitime”... voilà le genre de réflexions que j’ai entendues. Et c’est ainsi que j’en ai déduit qu’on était bien dans un moment de grand désarroi.

Et ça n’a rien à voir avec l’absence de débat. Que faire quand on se sent socialiste ou écolo mais que le candidat pèse peu ? que faire quand on est un partisan LR mais qu’on a appris qu’un chien avait voté aux primaires ? et que faire quand on n’aime pas Macron mais qu’on ne veut ni de Le Pen ni de Mélenchon ?

Choisir et décider

Voici la question philosophique qui se pose ici, et qui va se poser à une partie des Français dans quelques semaines : comment faire pour choisir quand on ne sait pas qui / quoi choisir… mais que l’on doit pourtant choisir ? Et sachant que même ne pas choisir (telle l’abstention) est encore une manière de choisir ?

Pas besoin de vous dire que sur le sujet, les philosophes s’en sont donné à cœur joie… Et parmi ceux-là, Hegel dans sa Philosophie du droit :

«  La volonté qui ne se décide pas n’est pas une volonté effective. L’homme sans caractère ne parvient jamais à se décider. La cause de l’indécision peut également résider dans une certaine délicatesse de l’âme, laquelle sait qu’en se déterminant, elle se donne des limites et abandonne ainsi l’infinité. Mais ce n’est que par la décision que l’homme entre dans la réalité effective, même s’il doit lui en coûter beaucoup. ”

Si vous avez bien écouté : vous avez entendu que Hegel ne parle pas de choix, mais de décision… Ce qui n’est pas rien, car si décider, c’est faire preuve, selon Hegel, d’un caractère bien trempé, d’une volonté sûre d’elle-même, qu’en est-il du choix ?

Peut-on faire un choix sans avoir pris de décision ? sans faire preuve de caractère ou avec une âme délicate ? Eh bien oui, et c’est tout le paradoxe du choix : on peut choisir un parti sans l’avoir fermement décidé.

Les indécis le resteront-ils ?

Ca peut paraître absurde. Mais pensez à tous ceux qu’on nomme les indécis. Ceux-là vont bien faire un choix, voter ou pas, voter pour untel ou pour un autre, et pourtant, est-ce qu’on pourra dire qu’ils se sont décidé tel qu’en parle Hegel ?

Je peux bien choisir de voter pour tel candidat et rester, cependant, indécis au fond de moi, demeurer dans l’incertitude. Certes, je ne serais pas restée enfermée dans mes pensées, j’aurais agi. Mais de là à dire que j’ai décidé ? Pas vraiment.

D’une certaine manière, on retrouve là le problème du choix : certains disent qu’il est l’expression de notre liberté, quand d’autres disent qu’il n’est que le fruit de tout ce qui me détermine (conditions, milieu, environnement) et me dépasse.

Mais la décision est au-delà de ça, c’est un choix ++, enfin si on en croit Hegel. Alors, vous me direz : bon, mais alors, je fais quoi en avril si je ne sais pas pour qui voter ?

Dois-je me résoudre à un choix bof bof ? Dois-je me dire dans le secret de l’isoloir : allez, je fais un choix mais je reste indécis et libre de l’être ?
C’est vrai que ça vous fait une belle jambe. Hegel vous dirait, pour sa part, qu’il faut vous décider, seule manière d’être bien vivant.
Quant à moi, je ne sais pas si la vie se décide aux élections 2022.