Quelle différence entre une rentrée et un retour ? Et pourquoi le second n'existe pas ?
Retour du Carnet de philo, donc autant faire simple et autant se demander : qu'est-ce qu'un retour ? À chaque rentrée (disons septembre et janvier), chacun d’entre nous se questionne assez naturellement sur cet événement qui, quand même, n’en est pas vraiment un. Car comme chacun le sait, rentrer n’est pas "entrer" et on ne fait que revenir à ce que l’on connaissait déjà.
Donc, quand je dis "chacun d’entre nous se questionne", je devrais peut-être plutôt dire "chacun d’entre nous angoisse", ce qui, certes, est déjà une forme de questionnement.
"Pourquoi revenir", "pourquoi j’en suis là", "pourquoi moi, pourquoi demain, pourquoi, pourquoi". Soit une forme de questionnement panique, face à la fatalité de ce qui est inéluctable, mais surtout de ce qui est toujours et invariablement la même chose.
Je n’invente rien, même Nietzsche en a fait un concept. "L’éternel retour". Concept qui a l’avantage d’être assez transparent dans son intitulé, fait d’éternité et… de retour… À ceci près que Nietzsche n’avait peut-être pas en tête tous ces moments où on ne revient pas au bon moment, mais surtout sans vraiment savoir ce qui nous attend.
"Homme, toute ta vie est un sablier"
Ce qui est paradoxal, c’est que ce genre de retour (qu’on expérimente notamment de retour de congé, type maternité, ou d’arrêt, type maladie) n’a rien d’un retour, ou d’une reprise, ou d’une répétition, et encore moins de l’éternité.
On ne reprend jamais les choses telles qu’on les a laissées, et pour une simple et bonne raison : en attendant, les autres, eux, ont avancé, les habitudes se sont sensiblement modifiées, les discussions ne sont plus tout à fait les mêmes, les relations ont légèrement mais sérieusement prise de nouvelles tournures.
Bref, le monde a changé, et vous n’y êtes pas. Vous êtes décalé. Et la seule chose que vous retrouvez, objectivement, c’est un lieu avec des horaires, un décor, des personnages. Ce qui est loin de ressembler à l’éternel retour dont nous parlait Nietzsche :
Homme, toute ta vie est un sablier que l’on tourne et que l’on retourne, et son contenu s’écoulera un nombre infini de fois, jusqu’à ce que le cours cyclique de l’univers ramène toutes les conditions dont tu es né.
Et auquel Nietzsche ajoutait : "Et tu retrouveras alors chacun de tes douleurs et chacun de tes joies." Bien sûr, l’éternel retour est une hypothèse pour Nietzsche : il s’agit pour lui de vivre chaque instant de sa vie en se disant qu’il est désirable, qu’on ne le changerait pour rien au monde et qu’on serait prêt à le revivre. Même s’il fait mal.
Mais on en revient alors au même point (si je puis dire) : le retour n’est jamais un retour. On ne revient jamais, on n’est jamais de retour. Et inversement, le retour ne nous retrouve jamais pareil.
Ce qui reste pareil
J’essaie surtout de dire que le retour n’existe pas (sans parler de l’éternel retour), et que sa simple possibilité ne suffit pas à le rendre véritable (et encore moins désirable).
Pensez par exemple à cette mode dans les années 90 des films-suite ayant pour titre "le retour". Souvent des navets. En revanche, pensez aux films dont la suite est "2" (Hot Shots 2 par exemple pour les cinéphiles), presque toujours meilleurs.
Reste, et c’est bien le problème : que si le retour n’existe pas, une forme de permanence perdure. Mais alors laquelle ? Qu’est-ce qui reste pareil quand tout change ? Est-on même sûr qu’il y ait quelque chose de parfaitement similaire ?
Je parlais de décor, de personnages… On revient bien quelque part… et sans savoir ce qui nous attend, ce qui a changé, autour et en nous, on reconnaît bien des choses. Voilà, on reconnaît, on ne retrouve pas : on reconnaît comme si on avait tout oublié. N’est-ce pas mieux qu’un banal retour ?
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